(MIAMI, Le Floridien) — Depuis la mise en place du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) de sept membres, formé sous l’égide de la CARICOM, et la nomination du Dr. Garry Conille au poste de Premier ministre, il semblait évident pour les observateurs avisés de la scène politique haïtienne que cette alliance serait de courte durée. En Haïti, les dirigeants politiques peinent à privilégier le bien collectif, préférant s’enliser dans des jeux de pouvoir et des ambitions personnelles.
Alors que le pays est plongé dans une crise sécuritaire sans précédent, où des gangs armés dictent leur loi et où les citoyens vivent sous une menace constante, le CPT et le gouvernement de transition ont ignoré l’urgence nationale pour s’enfoncer dans une guerre d’influence. Ce conflit interne, alimenté par des ambitions rivales, a particulièrement affaibli le camp qui serait soutenu par les Clintons. Ce dernier a subi un revers majeur au moment même où les démocrates américains faisaient face à la victoire électorale de Donald Trump, dont l’influence politique s’est intensifiée.
Les causes probables de la révocation de Garry Conille
La chute de Garry Conille résulte d’un enchevêtrement de facteurs institutionnels et personnels, qui ont progressivement érodé la confiance du CPT et précipité la rupture. Au cœur de cette situation se trouve une rencontre secrète de l’ancien chef de la Primature avec le président dominicain Luis Abinader, évoquée par le journal dominicain Diario Libre. Ce rendez-vous discret, tenu en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies en septembre dernier, incluait également les ministres des Affaires étrangères des deux pays. La nature clandestine de cette réunion a suscité des suspicions au sein du CPT, certains membres interprétant cette initiative comme un geste d’autonomie de Conille, en violation des protocoles de transparence. Ce soupçon a renforcé la méfiance entre Conille et le CPT, particulièrement à un moment où le président du CPT, Lesly Voltaire, avait déjà averti d’une possible tentative de coup d’État.
Accusations de corruption et rivalités internes
Bien avant cette rencontre, la relation entre Garry Conille et le CPT était tendue. Conille avait publiquement exigé la démission de trois membres influents du CPT, accusés de demander des pots-de-vin pour des nominations à des postes clés de l’administration publique. En retour, les membres du CPT ont critiqué la gestion de Conille, notamment concernant l’octroi de contrats publics. Ces allégations ont accru les divisions au sein de l’équipe de transition et fragilisé l’autorité de Conille, qui se voyait de plus en plus isolé.
Divergences autour du remaniement ministériel
Le CPT souhaitait remanier plusieurs ministères essentiels, dont ceux de la Justice, des Finances, de la Défense et de la Santé, dans l’objectif de réorienter les priorités gouvernementales. Conille s’opposa fermement à ces changements, désirant conserver un contrôle sur la composition de son cabinet. Cette résistance a accentué les tensions, le CPT percevant ce refus comme un obstacle à ses ambitions de transition. Ce désaccord de fond a polarisé les relations entre le Premier ministre et le CPT, rendant la collaboration impossible.
Gestion de la sécurité et recours controversé à une société de défense privée
La question de la sécurité, sujet crucial en Haïti, a aussi contribué à l’éviction de Conille. La décision de ce dernier d’engager le Studebaker Defense Group, sans consultation préalable avec le CPT, a alimenté les spéculations sur la présence possible de mercenaires étrangers dans le pays. Le ministre de la Justice a même évoqué une tentative d’assassinat contre Conille, renforçant les suspicions et créant un climat de méfiance qui a fini par isoler le Premier ministre.
Divergences de vision sur la transition politique
La révocation de Conille résulte également de divergences profondes sur la conduite de la transition politique. Alors que Conille semblait aspirer à une autonomie accrue pour gérer les affaires d’État, le CPT préférait un contrôle centralisé, orienté vers ses propres priorités pour stabiliser le pays. Ce désaccord stratégique a miné la cohésion interne, rendant difficile toute perspective d’élections transparentes, et laissant le CPT envisager une direction plus en phase avec ses objectifs en choisissant un nouveau Premier ministre.
Une lutte d’autorité sans perspective pour le bien-être collectif
La révocation de Garry Conille reflète avant tout un conflit de pouvoir au sein de l’appareil d’État haïtien, où les intérêts personnels dominent les impératifs collectifs. Ceux qui suivent de près la politique haïtienne ne s’attendaient à rien de différent. La réunion secrète avec Abinader, les accusations de corruption, les désaccords sur les nominations ministérielles et les tensions autour de la sécurité nationale ne sont que les derniers épisodes d’une lutte d’influence permanente au sein du gouvernement de transition.
Le choix d’Alix Didier Fils-Aimé comme successeur de Conille, bien que présenté comme un espoir de stabilisation, inspire peu d’optimisme à ceux qui espèrent voir émerger une vision de gouvernance réellement axée sur le bien-être collectif. Si le CPT cherche effectivement à affirmer son contrôle, il ne semble pas pour autant disposer d’une ligne directrice claire pour sortir Haïti du chaos ni pour alléger la souffrance de sa population. Dans ce contexte d’instabilité et de méfiance, les perspectives d’une gouvernance capable de relever les défis du pays restent aussi fragiles que jamais, laissant les citoyens haïtiens observer avec scepticisme et désillusion les querelles de pouvoir qui se jouent en haut lieu.