Saint-Louis du Sud, 25 mars 2025 (Le Floridien) — Deux mois après son inauguration officielle, le Port international de Saint-Louis du Sud commence à affirmer sa vocation logistique dans le paysage économique haïtien. Le samedi 22 mars, il a accueilli son quatrième navire, un bateau en provenance du Panama, transportant 175 000 sacs de ciment destinés à un importateur haïtien. Une opération qui confirme la fonctionnalité croissante de cette infrastructure portuaire dans une région longtemps marginalisée du circuit économique national.
« Il s’agit d’une cargaison commandée par un importateur local. Tout s’est déroulé dans les règles, et nous attendons d’autres navires dans les prochains jours », a affirmé Ann Hauge, présidente du port, au quotidien Le Nouvelliste. Elle a précisé que, depuis l’ouverture du port le 17 janvier 2025, quatre navires y ont accosté : un bateau de riz venu du Cap-Haïtien, deux cargaisons de ciment, ainsi qu’un navire de carburant dans le cadre d’un test concluant.
Outre sa capacité opérationnelle, le port se distingue également par la mise en place d’un dispositif institutionnel complet. Toutes les entités publiques nécessaires au fonctionnement d’un port international y sont présentes : l’Autorité Portuaire Nationale (APN), la Douane, l’Immigration, le SEMANAH, le ministère de la Santé, le ministère de l’Agriculture, ainsi que des unités de la Police nationale d’Haïti (PNH) telles que la BLTS et la Marine haïtienne.
Avec un quai de 50 mètres de long, le port peut accueillir des navires jusqu’à 150 mètres de long, avec un tirant d’eau de 12,5 mètres, ce qui le positionne comme un atout stratégique pour le désenclavement du Grand Sud et la diversification des points d’entrée maritimes du pays.
Construit pour un coût global de 6,5 millions de dollars, majoritairement financé par des emprunts, ce projet ambitionne de désengorger les infrastructures portuaires de Port-au-Prince, de plus en plus paralysées par l’insécurité chronique alimentée par les bandes armées.
Un pas vers la décentralisation ou une illusion de développement ?
La relance du port de Saint-Louis du Sud soulève une question fondamentale : s’agit-il enfin d’un véritable début de décentralisation économique en Haïti ?
Alors que la capitale, Port-au-Prince, est à genoux, prise en otage depuis plusieurs années par la violence des gangs, le Grand Sud semble amorcer une timide reconquête logistique. L’ouverture effective de ce port offre une alternative aux importateurs et acteurs économiques, leur permettant de contourner la capitale pour acheminer des marchandises vitales.
Mais cette dynamique sera-t-elle durable ? Pourra-t-elle résister aux fragilités structurelles de l’État haïtien, à l’instabilité sécuritaire et au manque de planification territoriale cohérente ? Ou s’agit-il simplement d’un ilot d’efficacité voué à s’essouffler sans une vision globale d’aménagement du territoire ?
Un espoir fragile à consolider
Ce port, bien que modeste par ses dimensions, incarne un espoir concret pour les habitants du Sud et pour tous ceux qui rêvent d’une Haïti moins centralisée, plus équitable et économiquement viable au-delà de Port-au-Prince. Il représente une opportunité de rééquilibrer le développement, mais il faudra du courage politique, de la volonté administrative et une implication durable du secteur privé pour transformer cette avancée en véritable changement de cap national.
