Marjorie Michel, ministre au Canada : symbole d’un talent rejeté par Haïti, valorisé ailleurs

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Par Le Floridien _____________

C’est une verite indiscutable. Il ne manque ni de cerveaux brillants, ni de talents formés, ni de ressources humaines en Haïti. Ce qui manque cruellement, c’est un environnement politique sain, éthique et respectueux des compétences. L’ascension remarquable de Marjorie Michel, fille de l’ancien Premier ministre haïtien Smark Michel, aujourd’hui nommée ministre de la Santé du Canada, en est une preuve éclatante.

Dans son propre pays, elle aurait peut-être été marginalisée, soupçonnée de favoritisme, ou pire encore, traitée d’étrangère simplement pour avoir étudié ou vécu à l’étranger. En Haïti, les postes clés sont trop souvent réservés à ceux qui acceptent de jouer le jeu des magouilles politiques, et non à ceux qui incarnent la compétence, l’intégrité et la vision. Dans cet environnement vicié, de nombreux Haïtiens brillants n’ont d’autre choix que de s’exiler pour pouvoir mettre leur savoir au service du bien commun. Et les exemples sont nombreux : des femmes et des hommes d’origine haïtienne occupent aujourd’hui des fonctions ministérielles, des sièges parlementaires, des postes de direction dans des institutions internationales à travers le monde — pas par faveur, mais par mérite. Ce que leur propre pays leur a refusé, d’autres nations le leur offrent sans hésiter.

Une nomination fondée sur la compétence, pas sur les calculs politiciens

Depuis mai 2025, Marjorie Michel est députée de la circonscription de Papineau, sous la bannière du Parti libéral du Canada. Le 13 mai dernier, elle a été nommée ministre de la Santé dans le gouvernement de Mark Carney, une nomination historique saluée à travers tout le pays.

Le 13 mai dernier, l’Haïtienne Marjorie Michel a été nommée ministre de la Santé dans le gouvernement de Mark Carney, une nomination historique saluée à travers tout le pays. (Photo : Christinne Muschi / La Presse canadienne)

Cette décision, loin d’être symbolique, repose sur une reconnaissance claire de ses compétences. Titulaire d’une maîtrise en santé publique, ancienne directrice d’un organisme communautaire de premier plan, elle s’est illustrée par sa rigueur, son écoute et sa capacité à tisser des ponts entre institutions et communautés marginalisées.

Pourtant, Marjorie Michel avait sincèrement envisagé de revenir servir son pays. Elle avait quitté Port-au-Prince à l’âge de 17 ans pour s’installer au Canada dans les années 1980. Dans les années 2000, animée par l’espoir de contribuer à son pays, elle avait tenté de s’établir en Haïti. Mais face à l’insécurité persistante et aux violences grandissantes, elle a été contrainte de renoncer à ce projet. Elle est alors retournée s’installer au Québec, cette fois de façon permanente, avec ses deux filles. Ce choix, dicté par le contexte haïtien, illustre la difficulté pour les talents issus de la diaspora de trouver leur place dans leur propre pays.

Et si Haïti reconnaissait ses propres enfants ?

Ce cas soulève une question fondamentale : combien de Marjorie Michel avons-nous perdus faute d’avoir su créer les conditions pour qu’ils puissent contribuer chez eux ? Combien de jeunes professionnels haïtiens, brillants et engagés, se voient réduits à l’impuissance ou à l’exil par un système qui méprise la compétence au profit des magouilles et des loyautés toxiques ?

La réussite de Marjorie Michel démontre que les Haïtiens, lorsqu’ils évoluent dans des sociétés où la méritocratie prévaut, peuvent accéder aux plus hautes fonctions, même dans les domaines stratégiques comme la santé publique.

Un message fort pour Haïti et la diaspora

Dans les milieux haïtiens au Canada comme en Haïti, cette nomination a été reçue avec émotion et fierté. Elle envoie un message puissant : la diaspora haïtienne ne se contente pas d’exister à l’étranger — elle excelle, elle dirige, elle transforme.

Le gouvernement canadien, en confiant à Marjorie Michel l’un des ministères les plus sensibles du pays, reconnaît non seulement ses capacités, mais aussi la richesse que représente une immigration qualifiée et engagée.

Et maintenant ?

Il est temps que les dirigeants haïtiens, et plus largement toute la classe politique, se regardent dans le miroir. La fuite des cerveaux n’est pas une fatalité. Elle est le fruit d’un système qui étouffe l’excellence et favorise l’opportunisme.

Le cas de Marjorie Michel est un appel à une prise de conscience urgente : Haïti n’est pas pauvre en talents. Elle est trahie par ceux qui refusent de les valoriser.

Marjorie Michel est une fierté haïtienne. Pas parce qu’elle a fui Haïti. Mais parce qu’elle incarne ce qu’Haïti pourrait être… si elle laissait ses enfants bâtir, plutôt que les contraindre à partir.

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