Une nouvelle année blanche guette nos écoliers

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Nos petits écoliers n’avaient vraiment pas besoin de ça. Eux qui avaient connu une année 2019-2020 cauchemardesque à cause du Covid-19 voient à nouveau l’entrée scolaire menacée par les dégâts provoqués par le séisme du 14 août dernier. Des évaluations préliminaires menées par l’UNICEF en collaboration avec des responsables haïtiens dans les 3 départements les plus touchés ont révélé d’importantes destructions au niveau des établissements scolaires. D’après les premières estimations qui restent incomplètes puisqu’elles ne couvrent qu’un tiers des écoles, 15% des établissements scolaires examinés ont été totalement détruits, alors que 69% ont subi de sévères dommages. Autant dire que l’entrée scolaire ne sera pas pour demain dans le Sud-ouest du pays. Une course contre la montre est engagée pour trouver une alternative au plus vite qui soit viable et applicable, sachant que l’entrée scolaire reste maintenue pour le 21 septembre dans 7 départements et au 4 octobre dans le grand sud qui a été le plus affecté par le tremblement de terre.

Selon le Représentant de l’UNICEF en Haïti, M. Bruno Maes, “il est tellement crucial pour les enfants qui viennent de vivre cette expérience traumatisante de tremblement de terre et de conditions météorologiques extrêmes, d’avoir la normalité et la stabilité d’être dans une salle de classe avec leurs amis et leurs enseignants”. Clairement, les enfants d’Haïti ont besoin de solidarité et de soutien. Les parents et les enseignants qui ont tout perdu nécessitent une aide urgente de l’État, mais aussi de la communauté internationale sachant que les autorités haïtiennes n’arrivent plus à assurer le minimum vital depuis des années. Aussi, nous aurons besoin de ressources pour reconstruire certaines écoles, en réhabiliter d’autres, équiper les classes de pupitres, les enseignants et les élèves de kits pédagogiques et scolaires. Remettre les enfants dans les salles de classe reste le meilleur moyen de s’assurer qu’ils – ainsi que leurs familles et leurs communautés – peuvent retrouver un semblant de normalité.

De plus, on estime que 260 000 enfants ont besoin en urgence d’une aide humanitaire. Un enfant qui a faim ou qui est mal soigné ne peut pas aller à l’école. Que va-t-il y apprendre? Dans quelles conditions? Les défis auxquels est confrontée la jeunesse de notre pays sont énormes et n’augurent rien de bon pour leur avenir. Les petits haïtiens ne demandent pas la lune. Ils désirent juste bénéficier pleinement de leurs droits, à savoir recevoir une éducation digne de ce nom et être nourris et logés convenablement. Un minimum syndical que malheureusement, leurs ainés ne peuvent leur offrir. La faute à une classe politique qui n’en a que faire du bien-être de ses enfants. Comment peut-il en être autrement lorsque les décisions de nos dirigeants sont guidées par leur cupidité insatiable? Comment espérer s’en sortir lorsque la criminalité dans la rue atteint des niveaux qui dépassent l’entendement humain?

Le futur de la jeune génération n’a jamais été aussi sombre. Les perspectives d’avenir semblent de plus en plus fermées et incertaines. Nos enfants payent le prix fort et sont pris en otage d’un engrenage chaotique qu’ils n’ont ni choisi ni désiré. Le nouveau Premier ministre Ariel Henry devrait en toute urgence s’occuper de cette jeunesse livrée à elle-même et qui risque de basculer du côté obscur si elle n’est pas rapidement encadrée et prise en charge. Nos gouvernants doivent comprendre que notre principale richesse, c’est notre jeunesse. C’est à travers nos jeunes que nous pouvons espérer construire un avenir meilleur et repartir sur de nouvelles bases. Mais au train où vont les choses, on est encore loin d’atteindre nos objectifs en termes d’éducation et de formation. Or, comme on dit, un enfant sans éducation est un enfant orphelin.

Le gouvernement compte-t-il se tourner une fois de plus vers la communauté internationale pour sauver cette jeunesse délaissée et complètement abandonnée? En tout cas, l’espoir suscité par Ariel Henry s’est vite estompé lorsqu’on a vu les petites guerres pour s’arroger le pouvoir reprendre de plus belle. Hier encore, un procureur s’est attaqué de manière frontale au Premier ministre en l’inculpant dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Moïse. Autant dire qu’avec tous ces conflits politiques qui perdurent, l’éducation de nos enfants ainsi que leur santé passe au second rang.

Et c’est vraiment dommage de ne pas être capable de sortir de cette spirale infernale à un moment où l’ensemble des indicateurs de notre pays sont au rouge. Le taux d’analphabétisme y est honteusement élevé puisque presque 50% de la population ne sait ni lire ni écrire. L’échec scolaire est lui aussi omniprésent et ne cesse de s’aggraver. 30% des enfants qui fréquentent l’école primaire abandonnent en cours de route. Pire, d’après les dernières statistiques, presque 80% des élèves redoublent au moins une fois au cours de leurs parcours scolaire, ce qui est énorme. Sans parler des autres maux qui touchent nos écoles, notamment l’absentéisme des enseignants, les violences dans les établissements scolaires, le manque de moyens matériels comme les ordinateurs, etc…

Ce séisme aurait pu être l’occasion de repartir de zéro pour redonner une nouvelle chance à nos enfants. Mais vu comment nos politiciens se sont tous rués vers le pouvoir pour se l’accaparer sans se préoccuper le moindre du monde du sort de la population, on est en droit de se demander si notre jeunesse n’est pas d’ores condamnée à être une génération sacrifiée.

Stéphane Boudin

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