Dans le théâtre de la violence qui se joue en Haïti, une nouvelle scène macabre se dessine : celle de l’attaque des hôpitaux par les gangs. Ces attaques constituent une atteinte contre notre humanité, une profanation de ces lieux sacrés où l’on soigne les gens, indépendamment de leurs croyances ou de leur appartenance politique. Malheureusement, depuis mars 2023, la violence n’a cessé de grimper, et nos hôpitaux sont devenus les cibles de choix pour les gangs. En réponse à ces agressions, notre population, nos médecins et nos infirmiers sont forcés de vivre dans une constante terreur.
Il est ainsi difficile d’exprimer l’horreur ressentie à l’évocation du 8 mars 2023. Ce jour-là, des hommes sans foi ni loi ont attaqué l’hôpital de Cité Soleil. Un homme a perdu la vie, plusieurs autres ont été blessés. L’horreur s’est invitée dans les couloirs d’un lieu censé être neutre, même en temps de guerre, l’obligeant à fermer temporairement ses portes. Le lendemain, le 9 mars, l’organisation MSF (Médecins Sans Frontières) a dû prendre une décision déchirante : fermer son hôpital à Cité Soleil. Malgré leur volonté profonde d’apporter des soins aux milliers de personnes qui en avaient besoin chaque mois, la sécurité des patients et du personnel n’était malheureusement plus assurée. Difficile dans ce cas de leur demander de sacrifier leur vie pour en sauver d’autres.
Dans tous les cas, ces actes ignobles n’ont pas laissé la communauté internationale indifférente. Le 10 mars 2023, les Nations Unies ont élevé la voix pour condamner les attaques. Ce geste, certes symbolique, a néanmoins souligné que ces agressions constituent une violation du droit international et entravent l’accès à des soins médicaux essentiels pour notre peuple.
Car il faut bien le dire, plus le temps passe, plus ça dégénère, sans que personne ne sache comment faire pour mettre fin à ce cycle infernal et freiner cette violence gratuite qui franchit chaque jour une nouvelle limite. À Port-au-Prince, un gang a ainsi osé arracher un homme blessé de sa table d’opération. C’est arrivé le 1er avril (et ce n’était pas un poisson d’avril). Plus tard, son corps sans vie a été retrouvé, ajoutant une couche de honte et d’horreur à la tragédie que vit notre société. Cet incident souligne à quel point la situation est devenue dangereuse en Haïti, même pour ceux qui se trouvent dans l’enceinte protectrice d’un hôpital.
La violence des gangs n’a fait que s’intensifier ces derniers mois, amplifiée par la création de groupes d’autodéfense qui essaient tant bien que mal de repousser cet ennemi sournois et cruel. Quant à l’accès aux soins médicaux essentiels, c’est devenu un parcours d’obstacles pour les patients, sans parler du personnel médical démotivé et impuissant. Les appels à la cessation de la violence ont été nombreux, mais les attaques ont continué, malgré les suppliques de la société civile.
Quel avenir pour une nation dont la population ne peut plus accéder en toute sécurité aux soins de santé les plus fondamentaux ? Comment pouvons-nous espérer nous développer alors que les institutions censées nous venir en aide sont transformées en champs de bataille par des individus sans conscience ?
Le gouvernement haïtien ne peut se dérober de ses responsabilités. Il lui incombe de protéger sa population, de garantir la sécurité des institutions médicales et de mettre fin à l’impunité des gangs. Les défis sont indéniablement immenses. La corruption, l’instabilité politique et la pauvreté sont autant de pierres d’achoppement sur le chemin de l’ordre et de la justice.
Il existe des solutions, mais certainement pas avec les fantômes qui font semblant de nous gouverner actuellement. Il devient urgent de mettre en place une force d’intervention pour protéger au moins les hôpitaux contre la menace des gangs. La communauté internationale doit prendre conscience de la gravité de la situation et apporter son aide. L’appui financier, logistique et technique est nécessaire pour éradiquer la violence des gangs et assurer ne serait-ce que le minimum vital en ce qui concerne les soins. Imaginez qu’un patient atteint d’une pathologie bénigne comme l’appendicite peut en mourir alors qu’on est en 2023. Une honte!
En tant que Haïtiens de la diaspora, nous avons aussi un rôle crucial à jouer. Nous devons apporter notre soutien, que ce soit financièrement ou par le biais de la sensibilisation, et faire pression sur nos gouvernements d’accueil pour qu’ils prennent des mesures concrètes. La solidarité n’est pas un acte passif, mais une action concrète qui exige une participation active de chacun d’entre nous. Chaque Haïtien, où qu’il se trouve, a un rôle à jouer. Nous devons rester unis, car ensemble, nous sommes plus forts.
La situation est grave, mais nous ne devons pas perdre espoir. Les défis sont immenses, mais pas insurmontables. Ensemble, nous pouvons surmonter ces épreuves, pour un avenir plus sûr, plus juste et plus humain pour tous les Haïtiens. Notre résilience est notre force. Nous devons nous lever, ensemble, contre la violence, pour la paix, la justice et la dignité de notre peuple. Nous ne pouvons plus rester silencieux. Il est temps d’agir.
Stéphane Boudin