‘’Abinader, notre dignité n’est pas à vendre’’

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Dans le concert des nations, les relations entre voisins immédiats sont souvent perçues comme des baromètres de l’harmonie régionale. Toutefois, le tableau actuel des relations haïtiano-dominicaines révèle une tout autre dynamique, soulignant une dissonance qui ne peut plus être ignorée. L’acte unilatéral de fermeture de la frontière par la République dominicaine le 18 septembre 2023 a mis en lumière l’indifférence dominicaine à l’égard des Haïtiens, en un moment où notre nation a cruellement besoin de solidarité. Comme on dit, c’est dans les moments difficiles que l’on reconnaît ses vrais amis. Lorsque votre voisin est mal en point, vous ne construisez pas un mur pour l’isoler, mais vous lui tendez plutôt la main pour l’aider. Or, la politique actuelle menée par le gouvernement dominicain envers notre pays est tout sauf amicale. Les dirigeants dominicains, Abinader à leur tête, sont aveuglés par une vision extrémiste des relations internationales. Et cela se ressent même dans leur politique intérieure, puisque nombreux sont les Haïtiens vivant en République dominicaine qui font face à des actes hostiles, voire racistes, alors qu’ils sont dans le pays depuis des générations.

Si les relations entre Haïti et la République dominicaine sont en froid depuis de nombreuses années, un nouveau point de discorde est venu du projet haïtien visant à canaliser l’eau de la rivière du Massacre. Un projet des plus légitimes qui a pourtant été perçu par la République dominicaine comme une intrusion inacceptable, conduisant dans la foulée à la fermeture totale des frontières. Ce geste n’est pas sans rappeler les heures sombres de notre histoire commune, où la méfiance et l’hostilité ont souvent pris le pas sur la coopération et l’entente mutuelle.

Mais le point culminant de cette indifférence réside dans l’annonce de la construction d’un mur de 160 km le long de la frontière, une initiative controversée et unilatérale du président dominicain Luis Abinader qui affiche-là clairement son animosité envers le peuple. Ce mur de la honte, loin d’être un simple outil de gestion de la frontière, résonne surtout comme un rejet fort de la fraternité qui devrait unir nos deux nations. Cette commerçante qui tient une petite boutique pas loin de la gare routière proche de la frontière y va de sa propre analyse : ‘Nos ancêtres ont combattu vaillamment pour l’indépendance et la liberté. Ce n’est pas un petit mur qui va nous effrayer. Si les dominicains ne veulent pas de nous, on ne va pas les supplier. On n’est pas des mendiants. Notre fierté n’est pas à vendre. Ils peuvent garder leur marchandise et leur argent. Le monde est vaste’’. Un franc-parler qui mêle à la fois colère et incompréhension face à des décisions dominicaines injustes et d’un autre âge.

Surtout, les dominicains ne sont pas conscients qu’ils sont eux aussi perdants dans cette crise frontalière. En effet, l’économie dominicaine bénéficie substantiellement des échanges avec Haïti. Selon les estimations, Haïti contribue annuellement à hauteur de milliards de dollars à l’économie dominicaine. Cette manne financière est une bouée de sauvetage pour de nombreux secteurs en République dominicaine, notamment dans les régions frontalières qui, sans ce commerce prospère avec Haïti, seraient touchées par un chômage endémique. Or, le rejet manifeste des autorités dominicaines envers Haïti pourrait inciter notre nation à chercher de nouveaux partenaires économiques.

Les dominicains ne semblent pas encore avoir compris que dans un monde de plus en plus interconnecté, la coopération régionale est indispensable. La République dominicaine, en agissant de la sorte, non seulement tourne le dos à un voisin en détresse, mais elle se tire aussi une balle dans le pied en se privant d’un marché jeune et dynamique.

C’est sans doute pour cette raison que le 11 octobre, la réouverture partielle de la frontière a été annoncée, une tentative apparente de réanimer les échanges commerciaux qui ont longtemps bénéficié aux deux nations. Mais le message sous-jacent est clair : la République dominicaine n’est pas prête à soutenir Haïti en ces temps de crise, but business must go on. En clair, les dominicains ne veulent pas des Haïtiens, seulement de leur argent. Insultant!

Nous Haïtiens, nous avons aussi le droit de chercher des horizons plus cléments. Les politiques odieuses et inamicales de la République dominicaine appellent à un réveil national, à une redéfinition de nos alliances. L’heure est venue pour Haïti de diversifier ses relations économiques et de tisser de nouveaux liens avec des nations qui valorisent la réciprocité et la coopération mutuelle.

De nombreux pays dans la région et au-delà partagent des valeurs de respect de la souveraineté et de coopération. Ces nations peuvent se révéler des partenaires fiables pour Haïti, apportant un soutien mutuel dans des domaines cruciaux tels que le commerce, l’éducation, et la santé.

Ce qui est sûr, c’est que la récente crise frontalière est un rappel poignant de la nécessité pour Haïti de prendre en main son destin. En tant que nation, nous avons le devoir de chercher des partenaires qui respectent notre souveraineté et notre dignité. Heureusement que nos dirigeants, connus pour leur rapacité et leur incompétence, n’ont cette fois-ci pas osé vendre le pays.

S’il fallait sonder l’opinion de la rue haïtienne, il semble être clair et net : nous devons tourner la page dominicaine pour de bon!

Stéphane Boudin

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