Barbecue sur la défensive : Un espoir de libération pour Port-au-Prince

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Par Stéphane Boudin

L’étau semble enfin se resserrer sur Jimmy Chérizier, alias “Barbecue”, l’un des criminels les plus redoutés d’Haïti. Alors que ce chef de gang ultra-violent terrorise la capitale et ses habitants depuis des années, tout le monde pensait jusqu’à récemment qu’il était intouchable. L’homme, soutenu par des politiciens en échange de ses ‘services’, avait le bras long au sein de l’État haïtien. Ses apparitions publiques, où il défiait les autorités et exhibait son pouvoir devant les caméras, symbolisaient l’impuissance du pouvoir central face à des criminels de plus en plus entreprenants. Mais aujourd’hui, un vent nouveau souffle, et les jours de l’homme qui a semé la terreur semblent comptés.

Barbecue, ancien policier de son état devenu chef de la coalition de gangs “G9”, est devenu en quelques années le symbole de ces chefs de gangs décomplexés qui contrôlent une grande partie de Port-au-Prince. De la prise de quartiers entiers à l’imposition de taxes illégales sur la population, en passant par les enlèvements et les massacres, Barbecue a construit un empire sur la misère et la peur. Son casier judiciaire est lourd et bien chargé, à tel point qu’il est également sanctionné par les grandes nations comme le Canada, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni pour ses nombreux crimes perpétrés contre la population, notamment le massacre de La Saline en 2018 qui a fait des dizaines de morts. Pourtant, malgré ces accusations graves, Barbecue a souvent agi en toute impunité, protégé par des complicités au sein de la classe politique et d’autres cercles influents. Sa proximité, réelle ou supposée, avec le défunt Président Jovenel Moïse, pourrait expliquer en partie toutes ces années où l’homme a pu vaquer à ses activités crapuleuses sans être inquiété.

Mais depuis quelques semaines, un alignement des planètes semble se dessiner en défaveur de Barbecue. La pression américaine, croissante ces derniers mois, y est certainement pour quelque chose. Washington, conscient que l’instabilité en Haïti pourrait avoir des répercussions régionales, pousse fermement pour un retour à l’ordre. Et cela passe par la neutralisation des fauteurs de trouble comme Chérizier. En clair, Washington sonne la fin de la récréation. Sur le terrain, cette pression se manifeste par un soutien logistique et financier aux autorités locales pour qu’elles reprennent le contrôle du territoire. On se souvient comment les Américains ont fait des pieds et des mains pour mettre sur pied un contingent de policiers pour la stabilisation du pays. Ce sont finalement les Kényans qui ont accepté d’endosser cette lourde tâche, accompagnés par un renfort d’autres pays. Mais au-delà de cette influence internationale, un changement majeur s’est opéré à la tête du gouvernement haïtien. Le nouveau Conseil présidentiel de transition semble en effet vouloir faire de la sécurité son axe majeur d’intervention. Il faut dire que sans stabilité, il est difficile d’organiser des élections, et encore moins rebâtir le pays.

Cette dynamique s’appuie également sur des renforts étrangers qui ont fait défaut ces dernières années. Les unités de police issues d’autres pays, formées pour intervenir dans des contextes aussi délicats que celui d’Haïti, sont venues prêter main-forte aux forces locales. Leur présence est un signal fort envoyé non seulement aux gangs, mais aussi à la population, fatiguée d’attendre des résultats concrets. Ces nouvelles ressources, combinées à une stratégie plus agressive, ont permis de resserrer l’étau autour de Barbecue et de son réseau.

Pour autant, la traque ne fait que commencer. Barbecue, maître de son territoire, connaît parfaitement les ruelles et les labyrinthes urbains où il se cache. Ses hommes, armés jusqu’aux dents, opposent une résistance farouche à quiconque ose s’aventurer dans leur zone. Lors des récentes tentatives pour l’appréhender, la police s’est heurtée à une puissance de feu d’une intensité inouïe, montrant ainsi toutes les ressources dont dispose ce criminel. Certains experts pensent même que les hommes de Barbecue sont beaucoup mieux équipés que la police nationale (PNH). Sauf que personne n’est invincible. Les autorités haïtiennes pourraient se baser sur le renseignement américain pour localiser Barbecue et l’arrêter. D’ailleurs, ses apparitions publiques se font plus rares, signe qu’il est désormais sur la défensive. Les pertes subies par son réseau ces dernières semaines, qu’il s’agisse de ses lieutenants capturés ou tués, montrent que son influence commence à s’éroder.

Mais attention à ne pas crier victoire trop vite. Car même si Barbecue tombe, d’autres prendront sa place si rien n’est fait pour éradiquer la source du mal à la racine : la pauvreté. L’absence d’opportunités économiques et une corruption systémique alimentent le pouvoir des gangs. Ces derniers ne prospèrent pas seulement grâce aux armes, mais aussi grâce à la désespérance des jeunes désœuvrés. Ces derniers voient parfois les gangs comme des “protecteurs” locaux face à un État absent.

Notre pays a besoin de bien plus qu’une simple répression militaire. La neutralisation de Barbecue sera certes une avancée majeure sur le plan symbolique, mais elle doit obligatoirement être accompagnée d’une refondation de l’État. Il faudrait dès maintenant commencer à penser à la suite, à savoir planifier la façon dont le pouvoir central devra gérer les zones contrôlées par les gangs, en plus de garantir des services de base, de rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions, et de redonner une perspective d’avenir à une population épuisée. Bien entendu, la communauté internationale aura un rôle important à jouer, sachant que les solutions imposées de l’extérieur ne suffiront pas.

Pour l’instant, l’opinion publique réclame justice pour toutes les souffrances endurées. L’État, pour restaurer sa légitimité perdue, a l’obligation d’aller jusqu’au bout. Si la chute de Barbecue peut marquer un tournant, elle ne serait que le premier pas d’un long chemin vers la réconciliation nationale, préalable à la reconstruction de notre pays.

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