Faire le plaidoyer pour la création d’une banque de développement de la diaspora haïtienne est une mission très courageuse et présente un grand défi pour nous qui sommes des citoyens de la diaspora, c’est-à-dire des Haïtiens vivant à l’extérieur de la terre natale. En effet, c’est dans un élan patriotique que je cherche humblement à lancer ce débat au sein de la diaspora haïtienne afin de susciter des pistes de réflexions pertinentes et utiles qui puissent amener des solutions favorables pour en faire si possible un projet viable avec tous ceux et celles qui cherchent à participer activement ou directement au processus de développement d’Haïti. Pour cela, il nous faut beaucoup plus d’audace dans la mise en commun des ressources financières et du capital humain, et cela à différents niveaux, afin de pouvoir évaluer la faisabilité dans tous ses aspects techniques d’une telle initiative. À cet effet, je vous propose de regarder avec moi deux grandes notions en sciences politiques qui orientent toute la logique de cette démarche: “l’économie et le développement durable”.
Contexte : un projet viable et bénéfique pour Haïti dans un contexte socio-économique difficile !
Depuis le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, les yeux de la communauté internationale se sont tournés vers Haïti et sa diaspora à la recherche d’une meilleure alternative en vue de relancer l’économie du pays dans une dynamique de reconstruction de ses institutions et pour le renforcement de ses capacités. Or, faute de grands projets de société pour mobiliser les ressources et capitaux disponibles à l’intérieur du pays comme à l’extérieur, la présence de nombreux scandales de corruption et de gabegie administrative ainsi que la mauvaise gouvernance des élites haïtiennes sont autant de faits observés par les citoyens qui empêchent à Haïti de rentrer convenablement sur la voie de la modernité à travers une croissance économique durable. Pour cela, le pays se retrouve une fois de plus à trainer les pattes avec ses dettes extérieures et semble avoir raté le grand rendez-vous de ce momentum post séisme. Malgré l’apport à hauteur de plus 2 milliards de dollars chaque année en transfert d’argent de la diaspora, l’État haïtien ne parvient toujours pas à implémenter un mécanisme de transparence dans la bonne gestion des fonds. L’exemple de la taxe de 1,50$ sur les transferts d’argent au profit de l’éducation est édifiant à plus d’un égard, puisque les fonds collectés n’ont pas pu bénéficier d’une redistribution équitable pour que cet apport soit intégré à l’économie nationale et réinjecté dans le système éducatif au profit des couches les plus vulnérables de la société. Il ne fait aucun doute que l’apport en devises de la diaspora contribue de manière significative au PIB d’Haïti (Produit intérieur brut), qui représente le meilleur indicateur économique pour mesurer la valeur, la croissance et la richesse totale produite en termes de biens et services par année. Voilà pourquoi, le gouvernement haïtien mise beaucoup sur la contribution de la diaspora: ses transferts d’argent vers leurs familles restées au pays.
Dans ce contexte, le budget national d’Haïti pour l’exercice fiscal 2017- 2018, d’un montant de 144 milliards de gourdes, est significativement tributaire de l’apport financier de la diaspora. En tenant compte de cette frappante réalité économique et sociale, nous croyons que ce plaidoyer est humblement justifié pour amener cette réflexion plus loin en tant que citoyennes/citoyens de la diaspora, à la recherche des voies et moyens vers la mise en commun des ressources disponibles, et en présentant de manière lucide la “BDDH“, banque de développement de la diaspora comme le meilleur projet économique viable pour le développement durable en Haïti.
Permettez que je souligne brièvement deux aspects importants de ce plaidoyer. L’économie et le développement durable. Ce sont là deux axes fondamentaux pour la création de la banque de développement de la diaspora. Ainsi, la loi de l’offre et de la demande en macroéconomie représente la seule marque de référence qui puisse refléter fidèlement les conditions gagnantes de ce plaidoyer, car les besoins économiques demeurent des conditions essentielles à satisfaire au sein de la population haïtienne et de sa diaspora .Or, de tels besoins financiers ne pourraient être satisfaits sans un arrimage efficace au concept de développement durable qui constitue un aspect fondamental à toute initiative de développement. Parce que le développement durable comme concept vise la mise en valeur des ressources humaines et matérielles d’une société, les rendant efficacement disponibles pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens dans le présent sans pour autant compromettre l’avenir et les capacités de ceux-ci dans le futur”. À bien comprendre le concept d’arrimage de ces deux axes mentionnés ci-dessus, il nous est possible de regarder la mobilisation de ces ressources économiques disponibles au sein d’une communauté a un but spécifique qui est la bonne gestion de celles-ci au profit des citoyens lors de son utilisation. C’est dans ce contexte que je vous présente les raisons justificatives de ce plaidoyer.
Les raisons justificatives :
Elles sont multiples mais, je préfère retenir au moins les cinq plus importantes qui servent de piliers majeurs à ce plaidoyer. Ce qui est certain, c’est que la création de la BDDH sera profitable à la diaspora et à l’économie haïtienne sur plusieurs aspects.
a) Au point de vue économique et financier : Quand on regarde la population haïtienne de la diaspora dans son ensemble, on constate qu’elle possède un pouvoir d’achat conséquent, surtout ceux qui vivent en Amérique du Nord et participent courageusement au processus régulateur du système financier de leur pays d’accueil. De plus, leur contribution (2 milliards dollars) seulement en transfert de devises vers Haïti est un indicateur significatif qui donne une lueur d’espoir pour ce plaidoyer, sans compter d’autres dollars qui circulent au sein du système financier. Du point de vue financier, la BDDH facilitera un meilleur accès au crédit en faisant la promotion d’une nouvelle culture financière d’investissement, donnant par exemple accès à de l’information financière privilégiée qui reflète les critères ainsi que les mécanismes conventionnels sur le marché financier. Cette stratégie permettra de mettre en synergie les futurs entrepreneurs de la diaspora et ceux en Haïti dans le but de travailler sur des thématiques spécifiques dans la lutte contre la pauvreté quand ils doivent se lancer en affaires sur le marché financier haïtien. Cette stratégie aura pour cible spécifique la jeunesse du pays qui représente plus 60% de la population active en Haïti.
b) sur le plan politique et social : La BDDH amènera une autre vision dans le plaidoyer pour la promotion d’un nouveau leadership politique et social qui garantit le droit de voter lors des élections, ainsi qu’une plus meilleure participation dans les prises de décisions qui engagent directement la diaspora comme partie prenante. Ainsi, sans artifice ni langue de bois, cette approche ouvrira la voie pour faire élire 1/3 des parlementaires élus directement de la diaspora afin de siéger au parlement. Ces parlementaires issus de la diaspora seront en mesure de mieux représenter les intérêts des citoyens haïtiens de la diaspora, y compris leurs frères et sœurs de la nation haïtienne.
c) Création d’emplois et de richesses : La BDDH permettra l’émergence d’une nouvelle classe économique d’entrepreneurs en Haïti et dans la diaspora. Elle facilitera la création de lieux d’échanges et de rencontres lors de forums économiques, et surtout l’accessibilité à des produits financiers privilégiés sur le marché. La BDDH offrira également la possibilité de travailler avec d’autres institutions financières partenaires qui cherchent à diversifier leurs produits sur d’autres voies transversales au profit des investisseurs et futurs entrepreneurs. La BDDH donnera en outre l’opportunité à multiples voies pour redynamiser le secteur bancaire vers une véritable croissance d’un point de vue macroéconomique, ceci dans la perspective de favoriser une approche stratégique intégrée avec les principaux piliers de développement durable (agriculture, éducation, santé, technologies de l’information, les infrastructures routières, financement des PME). De plus, ce nouvel écosystème financier permettra de garantir un climat de stabilité favorable pour Haïti en cette période difficile pour la conjoncture économique, sociale et politique. Partout où la BDDH sera présente, elle répondra fidèlement aux critères de sélection du marché de l’emploi afin de bonifier valablement ses employés vis-à-vis de ses compétiteurs sur le terrain.
d) La BDDH permettra de revaloriser l’éducation et le Sport comme valeur ajoutée à travers l’immigration sélective d’Haïti vers la diaspora. Dans un souci de garantir un meilleur avenir des citoyens haïtiens au sein de la société, la BDDH croit que l’éducation représente un aspect fondamental dans la manière de schématiser et de conceptualiser les savoirs en tant qu’apprentissage. La BDDH pourra financer des projets éducatifs en offrant des bourses d’excellence aux jeunes écoliers, universitaires et professionnels qui valoriseront l’homme haïtien dans toutes les dimensions de son ÉTAT D’ÊTRE. Cette initiative ouvrira les voies et donnera des moyens afin d’initier un dialogue respectueux entre les acteurs dans le domaine, créant ainsi d’autres alternatives qui permettront aux associés et contribuables de la BDDH d’épargner dans son fond d’éducation. La BDDH mettra aussi à la disposition de ses associés des fonds pour la découverte de nouvelles technologies et offrira l’encadrement disponible pour les inventions et droits d’auteurs au sein de la communauté. Au niveau du sport, la BDDH encouragera les activités permettant aux jeunes de s’épanouir pour se fraterniser mutuellement à travers des compétitions sportives qui valorisent l’être humain comme un acteur tangible vers un meilleur lendemain. La BDDH accompagnera les jeunes talents ou institutions sportives au sein de la communauté en leur offrant les meilleurs mécanismes financiers pour négocier des contrats de passation sur le marché international. Ce sont des mécanismes importants que la BDDH regardera comme une plus-value en matière d’investissement sécuritaire auprès d’un jeune talent qui a pu bénéficier du support financier lors d’une compétition.
e) La BDDH sera la meilleure voie pour canaliser et revaloriser la CULTURE du pays sur le plan économique à l’échelle nationale et internationale. La BDDH croit que la culture est l’âme d’un peuple et pour cela, elle travaillera en étroite collaboration avec les organisations et entreprises qui partageront ses valeurs et sa mission. En matière d’approche culturelle, la BDDH offrira la possibilité d’accompagner et subventionner des projets qui valorisent la culture comme lieu de rencontre et de loisirs, le savoir en tant qu’apprentissage culturel, la découverte de nouveaux talents au service de l’apprentissage culturel et la commercialisation des acquis culturels comme valeur ajoutée avec l’apprentissage. La BDDH sera la meilleure voie pour canaliser et revaloriser la culture haïtienne sur toutes les tribunes à l’échelle nationale et internationale. Surtout en matière de publicité, la BDDH sera le porte-étendard de vulgarisation de la culture haïtienne partout où la banque aura une succursale dans les pays où les citoyennes et citoyens de la diaspora haïtienne se retrouvent.
Les ressources disponibles :
Proposition pour la formation d’un comité de réflexion : Sur la base d’un forum de discussion en ligne, nous citoyens haïtiens de la diaspora avons le privilège de pouvoir discuter ensemble sur le sujet et regarder l’ensemble de nos ressources matérielles et financières, les compétentes humaines disponibles de manière à faire de ce plaidoyer un projet bénéfique et viable pour Haïti.
Je souhaite sincèrement que ce plaidoyer puisse servir d’énergie positive et conduire vers une source de réflexion à travers des forums de discussion afin de proposer une meilleure alternative économique au sein de la diaspora haïtienne qui cherche courageusement à mieux s’intégrer dans les décisions économiques, sociales et politiques de son pays. Ce plaidoyer reste très ambitieux et présente un grand défi pour nous citoyens de la diaspora. Cela dit, les compétences humaines existent et les moyens financiers pour y parvenir demeurent accessibles s’il y’a une volonté politique derrière. Il n’y a pas de plus grande fierté pour une nation que de se mettre debout afin de prendre collectivement en main son destin économique vers le développement durable. Sans prétention aucune, et en tant que citoyen haïtien vivant dans la diaspora, je me fais le devoir dans un souci patriotique de réveiller l’esprit de nos compatriotes vers une meilleure prise de conscience collective dans nos capacités à faire de ce projet une concrétisation noble pour notre pays. Une fois de plus, je souhaite comme citoyen responsable vivant dans la diaspora, jeter un pavé dans la mare en espérant susciter des ondulations positives qui puissent initier un vrai débat sur les valeurs patriotiques de notre Haïti chérie. Le débat n’est pas clos et demeure bel et bien ouvert. Alors, le moment est venu à vous chers compatriotes de la diaspora de lancer votre pierre à la mer. C’est une invitation.
Pour la rédaction :
François FERDINAND
Citoyen haïtien de la diaspora
Licencié en coopération internationale
BSE en Éducation.
dipicar@hotmail.com