Chamboulements dans les chancelleries haïtiennes

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Le jeune chef de la diplomatie haïtienne, Claude Joseph, qui a été nommé le 5 mars dernier, a décidé de mettre du sang neuf dans les différentes ambassades, consulats et chancelleries du pays. Le Ministère des Affaires étrangères – MAE pour les initiés – entend ainsi redorer l’image du pays à l’étranger alors qu’Haïti traverse une des pires crises sociopolitiques de son histoire. Les détracteurs de Jovenel disent que le timing choisi n’est pas un hasard alors que son mandat devrait bientôt arriver à terme.

Le Ministère des Affaires étrangères : au service du pouvoir et non des citoyens

Le MAE, ou plus précisément le Ministère des Affaires étrangères et des Cultes, entend entreprendre une cure de jouvence à travers la nomination de jeunes diplomates dans des représentations diplomatiques clés. Plutôt discret depuis sa nomination lors du remaniement de mars dernier, le Dr Claude Joseph, qui est le 164e ministre des Affaires étrangères d’Haïti, veut ainsi imprimer sa marque d’entrée de jeu. Il faut dire que cet ancien professeur universitaire, qui a notamment enseigné à l’université du Connecticut et de Long Island, n’est pas un novice en diplomatie contrairement à certains de ses prédécesseurs. Il a en effet déjà été ambassadeur agréé en Argentine et Chargé d’affaires en Espagne comme l’indique sa biographie sur le site officiel du MAE. Il a d’ailleurs assuré un bref intérim de ce département stratégique entre août 2019 et septembre 2019.

Haïti dispose d’ambassades et de consulats dans 27 pays. La plupart se situent sur le continent américain et en Europe vu la proximité géographique et historique. Les représentations diplomatiques les plus importantes sont celles se trouvant aux États-Unis avec un réseau de 6 consulats (plus l’ambassade dans la capitale), en République dominicaine avec 4 consulats et en France avec 2 consulats.

Cela dit, la répartition de nos représentations diplomatiques ne suit pas toujours une logique qui va dans le sens de l’intérêt suprême du pays. Il est par exemple inconcevable qu’Haïti fasse partie d’une minorité de 17 nations qui reconnaissent Taïwan au détriment de la Chine continentale. Bien que Taïwan se montre assez généreuse financièrement en retour à travers des aides au développement, cela ne peut remplacer le poids de la première population et de la deuxième économie de la planète. D’autres grandes puissances régionales sont “oubliées” comme l’Inde, la Russie ou encore l’Arabie Saoudite.

Rappel d’une dizaine de diplomates à travers le monde

Le ministre des Affaires étrangères a donc décidé de rappeler les ambassadeurs d’Haïti au Canada, au Vatican et à l’ONU, ainsi que les chargés d’Affaires au Royaume-Uni, Argentine et France. Les consuls de Boston, Orlando sont également concernés par cette rotation décidée en haut lieu. Si officiellement, les autorités expliquent ce remue-ménage diplomatique par une volonté de rajeunir ses cadres, le timing choisi pour effectuer cette opération laisse les observateurs perplexes.

Il est en effet de notoriété que les autorités haïtiennes bénéficient d’une image particulièrement négative à l’extérieure. Tout semble montrer que Jovenel cherche le soutien des puissances étrangères alors que son mandat approche inexorablement à sa fin. La diplomatie Haïtienne veut donc projeter l’image d’un pays jeune et dynamique, berceau des opportunités et du bien-être. Un discours enjoliveur que Jovenel n’a pas réussi à vendre à ses propres citoyens, mais qu’il va tout de même essayer de faire passer auprès des décideurs des puissances étrangères.

Quant aux diplomates rappelés au pays, tous ne vont pas forcément rentrer. Certains préfèrent prendre leur retraite de manière anticipée en restant là où ils se trouvent avec leur famille (sous condition que les autorités locales leur délivrent un permis de résidence). D’autres se demandent également si les arriérés de salaires seront un jour payés maintenant qu’ils sont sommés de rejoindre le ministère à Delmas.

Ce qui est sûr, c’est que les yeux seront désormais braqués sur les nouvelles nominations afin de voir si le gouvernement cherche vraiment à rajeunir ses cadres comme le Dr Claude Joseph l’a laissé entendre. Va-t-on enfin placer des diplomates selon leurs expériences et leurs qualifications? Ou va-t-on continuer à donner les meilleurs postes aux serviteurs zélés du pouvoir en guise de cadeau? Nous aurons la réponse dans les prochains jours avec la publication de la liste des nouvelles affectations.

La diaspora, la grande oubliée du MAE

Si nos ambassades ont pour rôle premier de représenter Haïti dans les pays qui les accueillent et d’y jouer le rôle d’interlocuteur officiel, les consulats quant à eux sont là pour servir les citoyens de la diaspora et défendre leurs intérêts. Cela explique pourquoi on trouve des consulats dans les villes où il y’a une grande communauté haïtienne comme New York, Boston, Miami ou encore Montréal.

Les Haïtiens de l’étranger sont coutumiers des services consulaires pour la délivrance ou le renouvellement de pièces d’identité comme le passeport. Mais peu savent qu’un consulat a également pour mission de protéger les ressortissants haïtiens dans le cadre de la Convention de Vienne. Lorsqu’un citoyen haïtien se retrouve dans une situation difficile (accident, maladie, incarcération…), il peut demander l’assistance du consulat pour s’assurer que ses droits soient respectés ou pour l’aider à revenir au pays. S’il n’est pas tenu de payer les frais d’hospitalisation ou de rapatriement, le consulat doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour assister le ressortissant haïtien qui en fait la demande. Cela peut se traduire par le contact des proches, la facilitation du transfert des fonds, une visite au centre de détention en cas d’arrestation, le soutien moral, etc…

Ça c’est pour la théorie, car dans la pratique malheureusement, on est très loin du compte. Les consulats, à l’image du pouvoir qu’ils représentent, sont aux abonnés absents. Beaucoup d’Haïtiens établis à l’étranger ignorent même leur existence. Il faut dire aussi que nos représentations diplomatiques disposent d’un budget très limité et d’un personnel qui n’est pas toujours qualifié pour le poste qu’il occupe. Ils doivent donc faire avec les moyens du bord. Le Consulat Général d’Haïti à Miami par exemple met à profit les réseaux sociaux comme Facebook pour communiquer avec la diaspora présente dans la région de Miami et la tenir en permanence informée d’éventuels changements, comme c’est actuellement le cas avec la Covid-19. Espérons que les nominations annoncées par le ministre Joseph vont redonner un nouveau souffle à nos représentations diplomatiques présentes sur 4 continents.

Dessalines Ferdinand/LE FLORIDIEN
15 juillet 2020

 

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