Coronavirus : Haïti est-il prêt ?

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Le Covid-19, communément appelé Coronavirus, ne cesse de défrayer la chronique depuis son apparition dans la province de Wuhan en Chine au mois de décembre dernier. À l’heure où nous mettons sous presse, Haïti reste épargné par cette pandémie. Mais pour combien de temps encore ? Notre système de santé défaillant sera-t-il en mesure d’y faire face ? Le gouvernement a-t-il un plan d’action pour contenir le virus ? Plusieurs experts estiment qu’Haïti sera tôt ou tard confronté au Covid-19. La population elle retient plus que jamais son souffle.

Covid-19, une maladie infectieuse à propagation rapide

L’OMS (Organisation mondiale de la Santé) ne cesse de mettre en garde contre la dangerosité du Covid-19, un nouveau virus particulièrement virulent chez les personnes âgées ou immunodéficientes. Le coronavirus ne connaît ni passeport ni frontière. Depuis le début de l’année, le nombre de cas n’a cessé de croître un peu partout à travers le monde, au point que l’épidémie a récemment été requalifiée en pandémie. En l’absence de vaccin préventif et de traitement curatif, les autorités sanitaires des pays touchés recommandent d’adopter des gestes de bon sens. C’est ce qu’on appelle les mesures barrière. Concrètement, il s’agit principalement de se laver fréquemment les mains avec du savon ou du gel hydroalcoolique, d’utiliser des mouchoirs jetables, de tousser dans son coude, d’éviter tout rassemblement et de se confiner si on ressent des symptômes grippaux comme la fièvre, la toux, une fatigue inhabituelle ou une altération des fonctions respiratoires.

Aujourd’hui, pas moins de 155 000 cas ont été recensés dans 130 pays. Parmi eux, 5800 sont décédés. Face à l’ampleur de la pandémie dont l’épicentre s’est déplacé en quelques semaines de la Chine vers l’Europe, de nombreux pays se barricadent. Les liaisons aériennes avec les zones les plus affectées ont été interrompues. Les frontières se ferment les unes après les autres. Des nations sévèrement touchées comme l’Italie, l’Espagne ou encore la France mettent en place des politiques de quarantaine draconiennes pour ralentir la vitesse de propagation, à défaut de pouvoir totalement l’arrêter. Les hôpitaux sont sur le qui-vive et redoutent de ne pouvoir accueillir tous les malades. Lorsqu’on voit les difficultés que rencontrent les pays développés à faire face à ce nouveau défi sanitaire, on est en droit de s’inquiéter pour Haïti dont les défaillances en matière de santé publique sont notoires. Reste à savoir comment le gouvernement compte gérer une probable contagion alors qu’il dispose de moyens très limités.

Les mesures prises par le gouvernement pour retarder l’échéance

Haïti touche du bois pour l’instant puisqu’aucun cas de Coronavirus n’a encore été recensé sur son territoire. Tous les tests réalisés sur les cas suspects répertoriés jusqu’à présent se sont révélés négatifs. Mais cela ne veut pas dire pour autant que notre pays soit à l’abri d’une prochaine contamination, loin s’en faut. Le gouvernement en est conscient et a décidé de prendre le problème à bras le corps. Une cellule opérationnelle ad hoc a ainsi été mise en place pour se préparer au pire. Le ministère de la Santé, avec à sa tête l’indéboulonnable Marie Gréta Roy Clément qui a survécu à tous les remaniements depuis 2017, se retrouve ainsi en première ligne. Il est évident qu’une mobilisation générale et coordonnée de l’ensemble des institutions publiques est plus que jamais nécessaire pour parer à une situation qui peut vite devenir incontrôlable comme cela s’est produit ailleurs.

Les premières mesures marquantes prises par le gouvernement s’articulent en premier lieu autour d’un filtrage rigoureux aux frontières. Une restriction a été mise en place pour les passagers en provenance de pays à risque comme la France, la Chine, l’Allemagne, l’Iran et l’Italie. Cette liste est sujette à des changements en fonction de l’évolution de la pandémie dans le monde. L’Espagne a ainsi intégré cette liste noire puisque le nombre de cas recensés sur son territoire a explosé en quelques jours seulement. Toujours sur le registre de la prévention, une campagne de sensibilisation a été entreprise, notamment au niveau des complexes touristiques, des écoles, des églises et des centres hospitaliers afin que tout un chacun adopte les bons gestes. Le civisme et le respect des règles imposées par les autorités sanitaires constituent en effet le nœud de la lutte contre la propagation du Coronavirus. En étant épargné par la pandémie pour le moment, Haïti bénéficie d’un avantage considérable : le temps. Espérons que les autorités sauront profiter de cette période de sursis pour se préparer au mieux et protéger nos concitoyens d’une nouvelle fatalité. Notons que le virus frappe déjà à nos portes puisque la République dominicaine a enregistré le premier cas positif au début du mois de mars. Aujourd’hui, le pays en comptabilise 11.

Enfin, le département de Dr. Marie Greta Roy Clément promet une mobilisation d’au moins 200 lits d’isolement pour prendre soin des premiers patients critiques. Par contre, aucun détail n’est donné sur le nom des établissements concernés par cette mobilisation, et encore moins sur la répartition des lits à travers les différents départements du pays. Officiellement, cette non-divulgation volontaire est liée à des raisons de “sécurité”. Une justification jugée un peu trop légère par des Haïtiens qui ne font pas vraiment confiance à leur gouvernement. La majorité de la population est inquiète et craint l’arrivée du Coronavirus, car elle sait que Jovenel et son équipe n’ont pas les moyens, et encore moins les compétences pour faire face à une potentielle crise.

Un système de santé peu rassurant

Malgré les communiqués successifs du gouvernement visant à calmer l’inquiétude des Haïtiens, ces derniers savent très bien qu’une fois que le virus sera là, ils ne pourront nullement compter sur le gouvernement. Le comble, c’est que des pays comme l’Espagne ou l’Allemagne, qui ont pourtant un système de santé très développé, reconnaissent explicitement qu’il leur sera difficile de soigner tous les malades lorsque le pic de la contagion sera atteint. En Haïti, nos responsables persistent à tenir un discours trompeur qui manque clairement de transparence. Dur pour eux d’admettre que notre système de santé est peu performant et qu’il souffre d’un déficit flagrant de moyens et de personnel. Le reconnaître, c’est avouer à demi-mot qu’ils n’ont rien fait durant toutes ces années pour améliorer un peu l’état délabré dans lequel se trouvent nos hôpitaux.

Actuellement, notre pays a besoin de plus de masques de protection et de solutions hydroalcooliques, surtout pour le personnel soignant qui va se retrouver en première ligne dans cette nouvelle guerre virologique. Nos hôpitaux manquent également de respirateurs qui permettent de ventiler artificiellement les patients souffrant d’insuffisance respiratoire aigüe. Faute de traitement, c’est souvent la solution ultime qui permet de sauver des vies. Par conséquent, si par malheur le Covid-19 venait à pénétrer dans notre pays, cela ne prendrait que quelques semaines avant qu’il ne mette à nue la décrépitude de notre système de santé.

D. Ferdinand / LE FLORIDIEN,
15 Mars 2020

 

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