Wednesday, October 2, 2024

Décortiquons le discours mémorable du président haïtien Edgard Leblanc à la 79e Assemblée générale de l’ONU

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Par Dessalines Ferdinand

Le discours d’Edgar Leblanc Fils à la 79e Assemblée générale de l’ONU a révélé une vision articulée sur les défis profonds et les aspirations d’Haïti, offrant une analyse lucide de ses crises internes et un plaidoyer appuyé pour une solidarité internationale renouvelée.

D’entrée de jeu, Leblanc a évoqué la résilience remarquable du peuple haïtien, qui, malgré l’insécurité, la pauvreté endémique et les divisions politiques, refuse de céder à la désillusion. Il a insisté sur l’importance cruciale de l’unité nationale comme levier pour sortir de la crise, appelant les Haïtiens à dépasser leurs clivages pour reconstruire ensemble une nation ébranlée. Le chef d’État a également rappelé que la résolution de la crise ne pouvait être effective que si elle reposait avant tout sur les épaules des Haïtiens eux-mêmes, tout en exhortant la communauté internationale à jouer pleinement son rôle dans cet effort collectif.

Au-delà de cette introspection nationale, Leblanc a lancé un appel fort à la communauté internationale, mettant en lumière la nécessité urgente de répondre aux immenses besoins humanitaires et sécuritaires du pays. Il a plaidé pour que la Mission de Soutien à la Sécurité (MSS) soit transformée en une Mission de Maintien de la Paix (OMP), sous mandat de l’ONU, afin de garantir une stabilité durable. Toutefois, il n’a pas manqué de pointer du doigt les échecs des précédentes missions de l’ONU en Haïti, marquées par des violations des droits humains, notamment des abus sexuels, qui ont profondément entamé la confiance du peuple haïtien. Pour Leblanc, il est essentiel que ces erreurs ne se répètent pas.

Faut-il noter que les États-Unis ont récemment renoncé à leur proposition (cette suggestion du président Leblanc) auprès du Conseil de sécurité de l’ONU visant à transformer la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en Haïti en une opération de maintien de la paix sous mandat onusien. Cette décision fait suite à l’opposition ferme de la Russie et de la Chine, qui ont rappelé les précédents troubles liés aux missions de casques bleus en Haïti. Les deux puissances ont souligné que le contexte politique et sécuritaire actuel du pays ne permettait pas la mise en place d’une nouvelle intervention onusienne, s’appuyant sur l’héritage controversé des missions passées.

L’une des interventions les plus marquantes du discours d’Edgar Leblanc Fils fut sans doute son rappel de la “dette de l’indépendance”, une rançon imposée par la France en 1825, qui a lourdement hypothéqué l’avenir économique d’Haïti. Leblanc a dénoncé cette dette comme un fardeau historique qui a privé la jeune nation de ses ressources essentielles. Il a réclamé que cette dette soit non seulement reconnue, mais également restituée sous la forme de réparations, une demande applaudie par l’Assemblée, et qui s’inscrit dans la continuité des revendications formulées par Jean-Bertrand Aristide il y a deux décennies.

En défense de la souveraineté d’Haïti, Leblanc a fermement rejeté toute idée que son pays cherche une aide de charité. Il a rappelé que l’histoire d’Haïti est celle d’une nation qui a contribué à l’émancipation d’autres peuples du joug colonial, et qu’elle mérite justice, dignité et respect. Son discours visait à repositionner Haïti sur la scène internationale, non comme une nation en détresse, mais comme une nation qui revendique légitimement la reconnaissance de ses droits et de son histoire.

Enfin, Leblanc a esquissé une vision pour l’avenir d’Haïti, fondée sur l’unité nationale et la coopération internationale. Il a exhorté la communauté internationale à devenir un partenaire actif dans la transformation du pays, en soutenant des initiatives visant à renforcer la sécurité, répondre aux besoins humanitaires et stimuler un développement durable. Il a insisté sur le fait que l’avenir d’Haïti dépend d’un effort collectif, où chaque acteur — national et international — a un rôle clé à jouer.

En somme, le discours de Leblanc s’est distingué par une combinaison réfléchie d’autocritique et de revendications sur la scène mondiale. En demandant justice pour les torts historiques et en appelant à une solidarité internationale réinventée, il a tenté de réancrer les problématiques haïtiennes dans un cadre de responsabilité partagée, tout en soulignant la nécessité pour Haïti de retrouver sa pleine souveraineté.

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