Par Le Floridien
Le 31 mars dernier, un juge fédéral de Californie a porté un coup d’arrêt à l’administration Trump dans sa tentative de mettre fin au programme de Statut de Protection Temporaire (TPS) pour quelque 600 000 ressortissants vénézuéliens vivant et travaillant légalement aux États-Unis. Sans cette intervention judiciaire, près de 350 000 d’entre eux auraient été exposés au risque imminent d’expulsion.
Cette décision fait suite à un décret de la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, qui, en février, avait ordonné la suppression du TPS pour les Vénézuéliens. Elle justifiait cette décision en avançant que ces immigrants représentaient un fardeau pour les administrations locales et affirmait que certains d’entre eux seraient affiliés au groupe criminel vénézuélien Tren de Aragua, récemment désigné par le président Donald Trump comme organisation terroriste étrangère.

Mais le juge Edward Chen, du district nord de la Californie, a suspendu cette décision dans l’attente d’un examen complet de l’affaire par la justice. Son intervention redonne espoir à des centaines de milliers de titulaires du TPS — un statut migratoire temporaire qui permet à des ressortissants de pays en crise de vivre et de travailler aux États-Unis sans risque d’expulsion.
Une jurisprudence qui pourrait bénéficier aux Haïtiens
La portée de cette décision dépasse de loin la seule communauté vénézuélienne. Elle pourrait établir un précédent important pour d’autres groupes sous TPS, notamment les Haïtiens, dont le statut est également menacé.
L’administration Trump a en effet annoncé la fin du TPS pour des dizaines de milliers d’Haïtiens, une décision qui doit entrer en vigueur à partir du 3 août 2025. Cette mesure a semé l’inquiétude dans la diaspora haïtienne, notamment en Floride, où réside une importante communauté. Cependant, les fondements juridiques et humanitaires ayant permis de suspendre la fin du TPS pour les Vénézuéliens pourraient tout aussi bien s’appliquer aux Haïtiens. Voici pourquoi.
- Une crise humanitaire en Haïti encore plus alarmante
Haïti traverse une période d’instabilité profonde, marquée par :
La multiplication des violences et le contrôle de larges zones du pays par des gangs armés ;
L’effondrement de l’État, exacerbé par l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 et l’absence prolongée d’un pouvoir central fonctionnel ;
Des services publics quasi inexistants, une économie paralysée, et une insécurité chronique ;
Des alertes de la communauté internationale, dont l’ONU, classant Haïti parmi les régions les plus instables du monde. Les Etats-Unis classe Haiti dans la categorie 4, pays à haut risque- Do not travel to Haiti due to kidnapping, crime, civil unrest, and limited health care.
Dans ce contexte, renvoyer des personnes vers Haïti reviendrait à les exposer à des dangers graves, ce qui constitue une violation potentielle des obligations humanitaires des États-Unis.
Une intégration profonde dans la société américaine
Nombreux sont les bénéficiaires haïtiens du TPS qui résident aux États-Unis depuis plus d’une décennie, beaucoup ayant fui le tremblement de terre dévastateur de 2010. Selon les estimations, 520 694 Haïtiens pouvaient le réclamer en 2024, contre 57 000 en 2011.
Ils ont fondé des familles et élèvent des enfants citoyens américains ;
Ils ont un emploi stable, paient leurs impôts, et participent activement à la vie économique et sociale du pays ;
Ils travaillent dans des secteurs essentiels tels que les soins de santé, l’agriculture, la construction, ou les services.
Comme les Vénézuéliens, leur expulsion causerait des traumatismes humains majeurs et affaiblirait des pans entiers de l’économie américaine.
- Des antécédents de discrimination déjà reconnus par la justice
Dans le passé, plusieurs recours judiciaires ont été introduits contre des décisions de l’administration Trump, notamment en ce qui concerne le TPS pour les Haïtiens. Certains juges ont reconnu que des propos discriminatoires tenus par des responsables, y compris le président Trump lui-même, pouvaient avoir influencé ces décisions de manière arbitraire et raciste. Cette dimension juridique pourrait donc à nouveau être invoquée dans un futur recours.
- Une mobilisation communautaire déjà en marche
Des organisations de défense des droits des immigrés, telles que Haitian Bridge Alliance, UndocuBlack Network, ou encore Family Action Network Movement (FANM) basée à Miami, se préparent activement à soutenir un recours similaire à celui mené en faveur des Vénézuéliens.
Ces acteurs associatifs disposent d’une expertise solide et de l’appui de juristes chevronnés pour contester légalement la suppression du TPS. Ils constituent un pilier fondamental de la résistance communautaire.
Un appel à l’action
La décision du juge Chen illustre le rôle crucial que peut jouer le pouvoir judiciaire dans la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes face à des politiques d’exclusion. Pour les bénéficiaires haïtiens du TPS, cette décision représente bien plus qu’un signe d’espoir : elle incarne une opportunité concrète de repousser, voire d’annuler, la menace d’expulsion.
Avec une stratégie juridique rigoureuse, une mobilisation communautaire forte, et l’appui d’organisations influentes, les Haïtiens sous TPS disposent de solides arguments pour obtenir, eux aussi, une suspension des mesures de déportation.
Car au-delà des considérations politiques, il s’agit de respecter la dignité humaine, d’honorer les engagements moraux des États-Unis, et de protéger le droit fondamental de vivre en sécurité.