Biden et son administration se sont enfin rendus à l’évidence, les expulsions brutales des migrants haïtiens n’allaient pas régler d’un coup de baguette magique le problème de l’immigration clandestine. Que ce soit les murs érigés (en partie) par Trump ou les gardes-frontières chevauchant leurs montures comme à l’époque du Far West, aucune mesure n’a réussi à dissuader des milliers d’Haïtiens fuyant la misère et la violence de tenter leur chance aux États-Unis, malgré les risques encourus.
Biden promet de faciliter l’immigration légale des Haïtiens
On se demandait jusqu’à quel point l’administration américaine allait rester inflexible face au désarroi des migrants haïtiens qui bravent toutes sortes de dangers pour avoir une vie meilleure. C’est finalement lors d’une visite à la frontière mexicaine que le Président Biden a annoncé la nouvelle. Jusqu’à 30.000 migrants originaires d’Haïti, mais aussi du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba pourront être acceptés chaque mois lors des deux prochaines années, à condition qu’ils effectuent leurs démarches à l’extérieur des États-Unis, qu’ils soient en mesure d’acheter leur billet d’avion, d’avoir un parrain résidant aux États-Unis, en plus d’établir un casier judiciaire vierge. Des conditions qui semblent accessibles à la majorité des Haïtiens qui dépensent des sommes folles et prennent des risques insensés pour pouvoir toucher au rêve américain.
Une fois ces démarches effectuées, le futur requérant pourra se rendre aux États-Unis avec sa famille et y travailler librement pour une durée de 2 ans. Il ne pourra toutefois pas prétendre à la Green Card (carte verte) qui lui procure une résidence permanente préalable à l’obtention de la nationalité américaine. Qu’à cela ne tienne. Cette nouvelle approche montre que l’administration américaine a changé son fusil d’épaule et qu’elle a enfin compris que la répression tous azimuts n’était pas la solution. Surtout, cette nouvelle stratégie migratoire de l’administration Biden va couper l’herbe sous les pieds des passeurs et des trafiquants d’êtres humains qui profitent de la vulnérabilité des migrants pour les dépouiller et mettre leurs vies en danger. C’est aussi une façon de mieux contrôler les frontières et d’éviter l’entrée sur le territoire américain d’individus potentiellement dangereux qui passeraient sous les radars.
Enfin une politique migratoire cohérente vis-à-vis d’Haïti
Il faut savoir que l’immigration haïtienne aux États-Unis ne date pas d’hier, connaissant une histoire riche et complexe depuis des décennies. Les Haïtiens ont commencé à immigrer aux États-Unis en grand nombre dans les années 1960 et 1970, fuyant la dictature de la dynastie des Duvalier, à savoir “Papa Doc” Duvalier et son fils Jean-Claude “Baby Doc” Duvalier, mais aussi la précarité qui commençait à gagner du terrain à l’époque. Face à ce nouvel afflux de migrants économiques et politiques, les États-Unis ont établi des politiques d’asile restrictives, avec beaucoup de refoulements et des placements en détention parfois arbitraires.
Cependant, en 1990, les États-Unis ont reconnu que les Haïtiens fuyant la dictature étaient des réfugiés politiques et ont commencé à les accepter plus facilement. Les immigrés haïtiens ont alors commencé à s’installer dans les grandes métropoles comme Miami, New York et Boston, où ils ont créé des communautés dynamiques et prospères.
Malgré une intégration réussie, les immigrés haïtiens ont souvent fait face à des obstacles économiques et sociaux importants aux États-Unis. Beaucoup ont lutté pour trouver des emplois décents et ont été confrontés à des taux élevés de chômage et de pauvreté. Les immigrés haïtiens ont également été confrontés à des barrières linguistiques et culturelles, ainsi qu’à des stéréotypes négatifs.
Et que dire des politiques migratoires changeantes aux États-Unis au gré des élections. En 2017, l’administration Trump a ainsi annoncé qu’elle mettait fin à un programme de protection temporaire pour les réfugiés haïtiens, le fameux TPS, ce qui a conduit à l’expulsion de milliers de personnes. Cette décision a été largement critiquée car elle a séparé les familles et a renvoyé les immigrés haïtiens dans un pays qui reste instable et pauvre.
La communauté haïtienne établie aux États-Unis a, malgré cela, continué à prospérer et à contribuer de manière significative à l’épanouissement de la société américaine. Les Haïtiens, connus pour leur résilience, ont créé des entreprises prospères, ont contribué à l’économie américaine et ont apporté leur riche culture et leur histoire à leur nouveau pays d’accueil.
La décision de Biden est bénéfique pour les États-Unis
Depuis toujours, les États-Unis sont une terre d’immigration et d’opportunités. C’est inscrit dans l’ADN du pays. Biden a semble-t-il compris que l’immigration haïtienne a le potentiel d’apporter de nombreux bénéfices à la société américaine. Tout d’abord, la communauté haïtienne est connue pour être une des communautés les plus dynamiques, disposant de compétences et de talents variés. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les succès des personnalités haïtiennes pour voir que les Haïtiens ont réussi à percer dans tous les domaines, de la médecine à la musique en passant par le sport, le cinéma, la politique ou l’entreprenariat.
En outre, les immigrés haïtiens ont souvent des liens étroits avec leur pays d’origine et peuvent jouer un rôle important en tant que ponts culturels entre les États-Unis et Haïti. Les immigrés haïtiens peuvent ainsi aider à améliorer les relations commerciales et diplomatiques entre les deux pays, et peuvent également aider à promouvoir le développement économique et social en Haïti qui en a grandement besoin en ce moment alors que le pays est en proie à la corruption, aux violences et à une crise économique sans précédent.
Il y a plusieurs avantages pour les États-Unis de réglementer l’immigration et d’empêcher l’immigration illégale. Tout d’abord, la réglementation de l’immigration peut contribuer à maintenir l’ordre public et à protéger la sécurité nationale. Les autorités peuvent mieux contrôler les entrées et les sorties des personnes, et peuvent également mieux surveiller les activités criminelles ou terroristes qui pourraient être liées à l’immigration illégale.
De même, la réglementation de l’immigration peut contribuer à protéger les emplois et les salaires des citoyens américains. En effet, si l’immigration illégale persiste, cela crée un risque que les travailleurs étrangers illégaux acceptent des salaires et des conditions de travail plus faibles que les travailleurs américains, ce qui peut entraîner une concurrence déloyale pour les emplois et une baisse des salaires pour les travailleurs américains.
Tous les spécialistes s’accordent à dire que les politiques d’immigration les plus efficaces sont celles qui arrivent à inclure des processus de demande de visa plus rapides et plus transparents, des programmes de travail temporaire pour les travailleurs étrangers qualifiés, et des programmes d’asile pour les réfugiés fuyant la persécution. Autrement, en fermant la porte de manière brutale et inhumaine à des êtres humains en souffrance, vous facilitez l’émergence de toutes sortes de trafics à l’issue néfaste pour tout le monde.
Si cette ouverture migratoire de Biden envers les Haïtiens est à saluer, elle doit être suivie par d’autres décisions courageuses. Il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Ainsi, il semble illogique de n’accorder que 2 ans de permis de travail aux nouveaux arrivants, sachant que tous les indicateurs montrent que la situation en Haïti ne va pas s’améliorer en quelques mois. De même, il faudrait que les États-Unis adoptent une politique migratoire spécifique pour Haïti, tout comme ils l’ont fait pour Cuba, ou pour le Vietnam à une certaine époque. Car le cas Haïti est unique et ne peut être transposé à d’autres nations, malgré quelques similarités.
Dessalines Ferdinand
Le Floridien, 15 janvier 2023