Freda, un petit bijou signé Gessica Geneus

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Aujourd’hui malheureusement, lorsqu’on parle d’Haïti dans les médias, que ce soit dans les journaux télévisés, la radio, les réseaux sociaux ou les magazines d’information, c’est rarement pour évoquer une bonne nouvelle. Assassinats, kidnappings, terreur des gangs, tremblement de terre, cyclone… on dirait qu’Haïti n’arrive pas à sortir de cette spirale négative dans laquelle il est plongé. Et pourtant, dans cet océan de chaos, une femme courageuse et talentueuse a réussi à nous donner une lueur d’espoir. Il s’agit de la réalisatrice Gessica Généus qui à travers son film Freda, a voulu montrer une autre image d’Haïti.

Gessica Généus, un talent pur qui ne cherche qu’à s’exprimer

Lorsqu’on croise son regard pour la première fois, on est tout de suite envouté par sa bonne humeur et son énergie positive. Elle, c’est Gessica Genéus. À la fois actrice, réalisatrice et écrivaine (voire même musicienne), Gessica Généus représente la femme haïtienne d’aujourd’hui : combattante, digne, persévérante, pleine de vie et d’amour.

Née le 23 décembre 1985 à Port-au-Prince, Gessica a plongé dès son plus âge dans le monde du 7ème art. À17 ans à peine, on la voit déjà dans le long-métrage Barikad, réalisé par le cinéaste haïtien Richard Sénécal, film dans lequel elle réalise une performance époustouflante qui la propulse au rang de jeune étoile nationale. D’ailleurs, elle sera récompensée par de nombreux prix pour sa remarquable prestation, remportant notamment le Ticket d’Or de meilleure actrice, ainsi que le Grand Prix de la Diaspora au Festival Panafricain de Ouagadougou. Barikad fut clairement le déclic qui a permis à Gessica de lancer sa carrière dans le cinéma.

Sur sa lancée, elle revient au-devant de la scène 4 ans plus tard avec le film Cousine grâce auquel elle sera sacrée meilleure actrice au Festival international du film de Brooklyn à New-York.
Parallèlement à ses rôles d’actrice, Gessica Généus avait à cœur de continuer ses études pour parfaire ses connaissances dans le cinéma, et pourquoi pas un jour, se placer derrière la caméra pour réaliser ses propres films. C’est ainsi qu’elle intègre l’Acting International à Paris en 2010 pour une période de deux ans, alors qu’Haïti vient de connaître l’une des plus graves catastrophes naturelles de son histoire.

Par la suite, en 2012, Gessica Généus réalise un premier court-métrage intitulé Vizaj Nou (nos visages), qui se voulait un miroir de la société haïtienne. Deux ans après, elle sort un livre intitulé Yon ti Koze ak Sèm. Là encore, elle offre un nouveau regard sur le quotidien des Haïtiens, englués dans des épidémies de choléra et des désastres à n’en plus finir. En 2017, elle sort un film (Douvan Jou Ka Leve) sur un thème qui lui tient particulièrement à cœur, le vaudou. Elle enchaîne avec un album musical, ASE, montrant ainsi la diversité de son répertoire artistique et littéraire.

Freda, Le film qui a lancé la carrière de Gessica Généus

En 2019, Gessica Généus, désormais à l’aise dans la peau de créatrice artistique touche à tout, s’essaie au documentaire avec la réalisation de The Sun Will Rise qui évoque le sujet sensible de la religion en Haïti. Elle en profite pour parler aussi des troubles mentaux dont souffre sa mère qui vit désormais en Floride.

Avec tout ce bagage et une riche expérience accumulée malgré son jeune âge, Gessica Généus va franchir un pas de plus vers la notoriété avec son dernier film : Freda.

Freda est un film de fiction qui s’inspire de l’enfance de la réalisatrice qui a grandi dans un des quartiers pauvres de la capitale Port-au-Prince. Freda, c’est l’histoire captivante d’une jeune étudiante en anthropologie qui va être bientôt confrontée à un choix cornélien : suivre son amant artiste à l’étranger, ou rester avec sa famille en Haïti, un pays en proie à la violence et où l’avenir est plus qu’incertain. Avec le film Freda, on plonge directement dans le quotidien de cette jeunesse haïtienne à la fois joyeuse et prise en étau entre des gangs sanguinaires d’un coté, et des dirigeants politiques corrompus et incompétents de l’autre.

Et c’est ce regard à la fois cru et authentique de la réalisatrice sur la société haïtienne qui a fait mouche auprès des jurys de nombreux festivals. De plus, Gessica Généus, qui passe le plus clair de son temps entre Haïti et le Zimbabwe, a réussi à séduire la communauté haïtienne dans son ensemble, aussi bien la diaspora que les Haïtiens vivant en Haïti. Sa générosité, sa bienveillance, mais aussi son regard critique, font qu’elle est très suivie par les haïtiens sur les réseaux sociaux. Elle fut d’ailleurs une des premières à s’offusquer des mauvais traitements subis par ses concitoyens au niveau de la frontière mexicaine, à un moment où les officiels Haïtiens, mais aussi la communauté haïtienne vivant aux États-Unis, étaient restés étrangement silencieux.

La culture haïtienne, une richesse inestimable et peu mise en valeur

À peine sorti, le film Freda a été sélectionné en juin 2021 dans le célèbre Festival de Cannes dans la catégorie ‘un certain regard’. Quelques mois plus tard, au festival FESCAPO de Ouagadougou la réalisatrice haïtienne commence à bien connaître, son film reçoit le prix étalon d’argent, juste derrière le long-métrage somalien ‘La femme du fossoyeur’ du réalisateur Khadar Ayderus Ahmed. C’est la première fois qu’un film haïtien se classe si haut dans le festival burkinabè qui est devenu une référence et un passage incontournable pour les réalisateurs africains et caribéens. C’est aussi la première fois depuis 1993 qu’un film haïtien figure dans la sélection du Festival de Cannes
.
Et l’aventure de ce film exceptionnel n’est pas prête de s’arrêter là puisque Freda va représenter Haïti aux Oscars, et ce malgré le fait que le dossier de candidature ait été soumis en retard à cause d’un agenda particulièrement chargé. Toujours est-il, cette success-story nous rappelle une fois de plus que vous avez beau mettre au défi le citoyen haïtien, celui-ci trouvera toujours le moyen de rebondir avec plus de force et de vigueur. Gessica Génésus, mais aussi Freda, le personnage principal du film éponyme, nous montre cet Haïti dans lequel on se reconnaît tous, à savoir un Haïti enthousiaste, combatif, dynamique, qui ne renonce jamais et renaît de ses cendres tel un phœnix quand tout le monde le donne pour mort. Et rien que pour ça, on peut dire que le film de Gessica Génésus a déjà gagné son pari.

Stéphane Boudin, Le Floridien

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