Haïti, des universités à deux vitesses

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En 2018, on est en droit de se demander s’il y’a une réelle politique pour gérer l’enseignement supérieur en Haïti. Un rapide état des lieux nous laisse penser que non. Force est de constater que l’université est le parent pauvre de la politique de tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à présent. Et ce n’est pas en débauchant un ministre ou un doyen pour le remplacer par un autre que cela résoudra les problèmes auxquels doivent faire face des milliers d’étudiants abandonnés à leur sort.

L’enseignement supérieur haïtien souffre de plusieurs maux. Les ressources matérielles et humaines manquent cruellement ou sont mal gérées, la qualité des programmes enseignés n’est pas toujours au rendez-vous, mais surtout, on voit proliférer des établissements en dehors du cadre légal. Autant dire que les diplômes délivrés par ces pseudo-universités n’ont aucune valeur. Leurs étudiants sont considérés comme des victimes d’une escroquerie à grande échelle plutôt que des bénéficiaires d’un cursus académique reconnu par l’État. Pourtant, c’est au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) de sévir lorsque des établissements de ce genre voient le jour sans autorisation officielle. Nous avons essayé à de nombreuses reprises de contacter le cabinet du ministre Agénor Cadet pour demander des explications à ce sujet. Malheureusement, nos sollicitations sont restées sans réponse. Les responsables du département auraient-ils des choses à nous cacher ? Mystère. Toujours est-il, actuellement, 137 institutions d’enseignement supérieur publiques et privées sont reconnues par l’État.

Nous vivons dans un monde en constante mutation avec une globalisation de plus en plus prégnante. Il vaut donc mieux ne pas rater le train de la formation, de l’acquisition des connaissances et de la recherche académique, sous peine de toujours rester en retrait, surtout pour un pays en phase de reconstruction. En effet, pour rebâtir une nation sur des bases solides et des fondamentaux sains, il faut d’abord offrir à sa population une bonne éducation. Un pays sans enseignement supérieur de qualité ne pourra jamais décoller et être compétitif sur le plan international. Or, lorsqu’on épluche les différents programmes proposés à nos étudiants aujourd’hui, on se rend compte que beaucoup sont inadaptés, voire désuets. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des nouvelles technologies qui connaissent une évolution rapide et nécessitent une mise à jour continue des connaissances.

Si Haïti dispose actuellement d’un nombre pléthorique d’universités, il est regrettable de constater que ceux qui offrent un enseignement respectant les standards internationaux se comptent sur le doigt de la main. Cela pose notamment le problème d’équivalence pour les étudiants qui veulent poursuivre leurs études à l’étranger ou entamer des programmes d’échanges inter-universitaires. À part l’Université d’État d’Haïti ou l’Université Quisqueya qui arrivent à tirer leur épingle du jeu, les autres établissements souffrent d’un manque de reconnaissance flagrant au niveau international.

Si vous vous en tenez aux publicités et affiches de plusieurs établissements, vous pourriez penser de prime abord que vous avez affaire à des institutions légendaires. Mais une fois que vous franchissez la porte d’entrée, vous déchantez assez vite. En effet, la réalité est souvent assez différente de l’image que beaucoup d’universités essayent de nous ‘vendre’. L’éducation est devenue pour certains un business très lucratif. Tous les moyens sont bons pour avoir sa part du gâteau, et cela d’autant plus que l’État est dans l’incapacité de jouer son rôle de régulateur dans un secteur livré à lui-même. Les inspecteurs du ministère de l’Éducation nationale sont en sous-effectifs et ne peuvent faire respecter les règles partout. Et même lorsqu’ils essayent de faire leur travail, certains ont du mal à résister à quelques billets bien placés pour qu’ils ferment les yeux, surtout que leurs salaires ne les motivent pas tellement à faire du zèle.

Enfin, on a vu surgir ces dernières années un phénomène nouveau qui prend de plus en plus d’ampleur dans nos campus, celui de la violence et de la politisation des sphères estudiantines. À défaut de pouvoir bénéficier d’un enseignement de qualité, certains ont décidé de remplacer leurs cahiers et stylos par des barres de fer et des jets de pierre. Même l’Université d’État D’Haïti n’échappe pas à ce fléau. Les politiciens de leur côté, au lieu de remédier à la situation, attisent le feu en embrigadant des sympathisants qui proposent leurs soutiens aux plus offrants. C’est donc dans un climat parfois très menaçant que les étudiants doivent se rendre chaque jour à leurs cours. Les professeurs ne sont pas épargnés non plus. Vandalisme, violences physiques ou verbales, injures, voilà le quotidien de nos universités. Mais est-ce une surprise, lorsque l’on sait que ces lieux ne reflètent que le virage qu’est en train de prendre notre société de façon générale.

Le gouvernement parle depuis un certain temps de budget rectificatif. Mais lorsqu’on voit les montants alloués à nos universités, on s’aperçoit très vite qu’on est encore très loin du compte. Nos voisins dominicains, à population presque égale, consacrent à l’éducation des moyens qui dépassent la totalité de notre budget national. C’est dire tout le chemin qui nous reste à parcourir avant de pouvoir rivaliser sur le plan international.

DF/Le Floridien

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