Haïti – Insécurité : L’“expert” Mario Andrésol a échoué | Opinion

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Par Dessalines Ferdinand ———

Lorsqu’en janvier 2025, Mario Andrésol a été nommé Secrétaire d’État à la Sécurité Publique, de nombreux citoyens haïtiens y ont vu une bouffée d’espoir. Pour beaucoup, l’ancien directeur général de la Police Nationale d’Haïti (PNH), au passé militaire solide, incarnait l’autorité, la compétence et l’expérience nécessaires pour affronter l’hydre tentaculaire de l’insécurité.

Pendant des années, Andrésol s’était imposé dans le paysage médiatique comme une figure incontournable de l’analyse sécuritaire. À la radio comme à la télévision, il s’exprimait avec assurance, exposant les failles systémiques du dispositif national et proposant, parfois avec véhémence, des pistes de solution. Cette posture d’”expert” avait séduit une frange importante de l’opinion publique, lassée des discours creux et des promesses sans lendemain. Son retour dans l’appareil d’État, dans un contexte de chaos généralisé, était perçu comme une réponse concrète à une urgence nationale.

Mais la réalité post-investiture a vite rattrapé les illusions. Près de quatre mois après sa prise de fonction, le contraste entre les attentes et les résultats est saisissant. Les gangs poursuivent leur progression, investissant des territoires symboliques comme Kenscoff, jadis considérés comme inaccessibles à la violence urbaine. Les massacres, les incendies criminels, les déplacements massifs de population, et l’insécurité routinière semblent avoir échappé à tout contrôle, sans qu’une stratégie claire émerge de la part du Secrétariat à la Sécurité Publique.

Lors de son entrée en fonction, Andrésol s’était montré ferme :

« Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. Chaque jour qui passe sans action concrète renforce l’insécurité et le désespoir. Mon engagement est de poser des actes immédiats et visibles pour rétablir un climat de sécurité. »

Mais ces “actes immédiats” promis sont encore attendus, et la frustration grandit dans l’opinion publique. Des voix critiques, comme celle de l’analyste politique Daly Valet, n’hésitent plus à affirmer publiquement que l’ancien chef de la PNH n’est pas à la hauteur des responsabilités qui lui incombent. D’autres dénoncent un leadership effacé, une gestion administrative opaque et une absence totale de communication sur les actions réellement entreprises.

Andrésol a-t-il définitivement échoué ? 

L’homme qui promettait d’incarner la rupture avec la gestion laxiste de la sécurité semble désormais piégé par l’ampleur d’un problème qu’il a longtemps théorisé sans jamais y apporter de solutions concrètes. Son silence, sa faible visibilité sur le terrain, et l’absence de résultats vérifiables suscitent chez la population un profond sentiment de trahison. À ce jour, aucun changement structurel, aucune réforme opérationnelle, ni même une feuille de route publique n’a été présentée pour endiguer la spirale de violence.

Il est certes vrai que les responsabilités sont partagées et que le défi sécuritaire en Haïti dépasse de loin les prérogatives d’un seul homme. Mais en acceptant ce portefeuille stratégique, Mario Andrésol s’est lui-même placé au centre de l’équation sécuritaire, promettant de faire mieux là où ses prédécesseurs ont échoué. Or, il n’a fait que s’ajouter à la liste de ceux qui n’ont pas su livrer.

Au fil des mois, le contraste entre le personnage médiatique charismatique et l’administrateur invisible devient criant. Andrésol, autrefois adulé pour son éloquence et son élégance, semble plus que jamais prisonnier de cette image, incapable de la convertir en efficacité sur le terrain. Son style raffiné, souvent comparé à celui d’un mannequin, contraste désormais violemment avec l’urgence de son rôle, au point que certains y voient un symbole d’un pouvoir déconnecté de la réalité.

La désillusion est profonde. L’espoir, immense au départ, a laissé place au doute, à l’amertume et à la colère. Le mythe Andrésol s’effrite sous le poids des attentes non satisfaites, et le pays, plongé dans l’une de ses pires crises sécuritaires, ne peut plus se contenter d’apparences ni de promesses.

En définitive, sauf retournement majeur de la situation, l’histoire pourrait bien retenir que Mario Andrésol, présenté à un moment comme l’homme providentiel dans un contexte de crise nationale, n’a pas su incarner le renouveau sécuritaire tant espéré. Et avec cet échec apparent, c’est peut-être l’ensemble de sa trajectoire politique qui vacille.

Cependant, il convient de rappeler que dans le contexte haïtien, l’échec n’est pas nécessairement synonyme de disqualification définitive. Haïti demeure l’un des rares pays où un acteur politique peut échouer à un poste de responsabilité et néanmoins nourrir l’ambition, voire la possibilité, d’y revenir sous une autre casquette. Les exemples récents sont révélateurs : l’ancien Premier ministre Garry Conille a été rappelé aux commandes de l’État après une décennie d’absence, tandis que Normil Rameau, malgré une gestion critiquée de la PNH par le passé, a retrouvé les rênes de l’institution.

Ainsi, même si Mario Andrésol semble s’enliser dans une gestion inefficace de la sécurité publique, il n’est pas exclu qu’il réapparaisse, à l’avenir, à un niveau encore plus élevé de l’appareil d’État. Dans une Haïti où le mérite n’est pas toujours le critère principal de sélection, rien n’interdit d’imaginer Andrésol aspirer un jour à devenir Premier ministre — comme l’actuel Didier Fils-Aimé, largement décrié — ou même, pourquoi pas, président, si des puissances extérieures décidaient de le propulser à ce poste au nom d’une prétendue stabilité.

Autrement dit, en Haïti, les carrières politiques ne meurent jamais tout à fait. Elles sommeillent, attendent leur heure, et parfois, reviennent avec la bénédiction du hasard… ou d’intérêts bien placés.

 

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