Haïti : la mort rôde partout

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Les années se suivent et se ressemblent en Haïti où la population doit surmonter de nombreux défis au quotidien. On peut malheureusement d’ores et déjà prévoir que 2020 sera marquée en fer rouge, avec d’un côté la recrudescence de la violence dans les rues, et de l’autre, l’arrivée de la pandémie du Covid-19 qui entend elle aussi faire son quota de morts. La grande faucheuse est plus que jamais présente dans le quotidien des haïtiens qui croyaient pourtant avoir vécu le pire l’an passé. Cela aura fatalement un impact sur l’espérance de vie des citoyens qui au mieux, devrait stagner cette année selon les différents indicateurs statistiques.

La propagation du coronavirus s’accélère et touche l’ensemble du territoire

Inexorablement, le covid-19 avance dans notre pays jour après jour. À l’heure où nous mettons sous presse, les autorités ont répertorié 234 cas confirmés de Covid-19 pour 18 décès. À l’instar de la majorité des pays dans le monde, Haïti ne dispose pas de suffisamment de tests pour établir une cartographie réelle du nombre de cas sur le terrain. On peut donc supposer que le nombre de cas sur le terrain est bien supérieur à celui communiqué par le gouvernement. Ce qui est sûr, c’est que cette pandémie touche dorénavant l’ensemble du territoire puisque tous les départements sont officiellement touchés.

Si le nombre de cas semble relativement faible comparativement à d’autres nations, cela n’a pas empêché les responsables des établissements sanitaires en Haïti de déjà tirer sur la sonnette d’alarme. Ainsi, l’hôpital Saint-Luc à Port-au-Prince, qui reçoit le plus gros du contingent des malades dans son unité de soins des infections respiratoires, est presque arrivé à saturation avec un taux d’occupation des lits qui a déjà atteint les 95%.

Autant dire que les prochains cas graves de Covid-19 risquent d’être soignés dans les couloirs, voire même refoulés si les conditions ne permettent pas de les prendre en charge de manière convenable. Il faut dire que le personnel soignant manque de moyens de protection et se retrouve lui aussi exposé à la maladie. Les stocks d’oxygène si indispensables pour maintenir les malades dans l’unité de réanimation en vie, s’épuisent à vue d’œil. Si rien n’est fait, le taux de mortalité pourrait flamber durant les prochains jours.

Le plus inquiétant est que le virus circule aussi bien dans les grandes villes que dans le monde rural. Ainsi, la petite ville de Chantal, dans le sud du pays, et qui se croyait jusque-là à l’abri, vient d’enregistrer son premier cas confirmé. Cela montre à quel point ce virus est sournois puisqu’il peut se propager aussi bien dans les agglomérations à forte densité que dans les petits patelins reculés du pays, même si la vitesse de diffusion n’est pas la même. L’autre inquiétude concerne les malades qui ont été diagnostiqués porteurs du virus et qui doivent en plus subir les stigmatisations du reste de la population. C’est le cas du pasteur Burel Fontilus qui, même guéri, continue à être pointé du doigt comme si c’était un pestiféré. Beaucoup refusent d’aller se faire tester pour éviter de se retrouver dans la même situation. Parfois, les réseaux sociaux sont tout aussi dangereux que le Covid-19 lui-même, puisqu’ils permettent de colporter des rumeurs qui peuvent nuire à certaines personnes. On pense notamment aux prêtres vaudous qui redoutent qu’on vienne les accuser à nouveau d’être derrière cette pandémie. On se souvient que lors de l’épidémie du choléra, 45 prêtres vaudous avaient été assassinés selon un décompte officiel, soupçonnés par la population de leur avoir jeté le mauvais sort.

La violence des gangs passe un cran au-dessus du supportable.

Comme à chaque crise sanitaire, les gangs qui pullulent dans notre pays en profitent pour se renforcer et agrandir leurs territoires. Les organisations criminelles ne sont nullement concernées par le confinement et les mesures barrière. La violence et la mort font partie de leur quotidien, Covid-19 ou pas! Mais ce qui inquiète le plus les observateurs, c’est les atrocités croissantes commises dans les rues d’Haïti. Les haïtiens voient de plus en plus circuler des images d’une cruauté inouïe. Les gangs n’hésitent plus à exhiber des corps mutilés de leurs victimes qu’ils ont pris soin de torturer avant de les tuer. Ces scènes insoutenables font craindre que notre société ne soit en train de glisser vers les abysses de la barbarie.
Là encore, les réseaux sociaux sont utilisés par les gangs pour y montrer leurs ‘exploits’. Les scènes macabres filmées sont insoutenables. Têtes coupées, corps dépecés en direct comme s’il s’agissait d’un gibier, tortures d’une atroce sauvagerie, la bestialité de ces gangs semble ne plus avoir de limite. Ces criminels qui ont perdu toute humanité ne craignent pas la mort, ils jouent avec. Difficile dans ces conditions pour les forces de l’ordre de traquer un ennemi qui est non seulement mieux équipé, mais qui ne connaît pas la peur.

Malheureusement, les autorités ont elles aussi été embarquées dans cet engrenage de la violence, puisqu’on assiste de plus en plus à des dérapages émanant des forces de l’ordre. Épuisée par une lutte qui semble perdue d’avance face à un ennemi qui se renforce de jour en jour, la police haïtienne multiplie les bavures. La population se retrouve ainsi coincée entre des organisations criminelles qui ont atteint le summum de la sauvagerie, et une police démunie et incapable de la protéger.

Les pouvoirs publics désarmés

Comme toujours, à défaut d’être présent sur le terrain lui et ses acolytes, le président Jovenel Moïse continue de se pavaner dans les médias pour marquer sa présence éphémère. Cela ne fait qu’accentuer le décalage ressenti par la population entre les discours officiels qu’elle entend et la réalité de son quotidien. Dernièrement, c’est le Premier ministre qui s’est illustré par un nouveau dérapage. Il a tout bonnement déclaré en ‘off’ que Haïti est un pays inexistant, ‘’ni sur le papier, ni dans le réel’’. Et de renchérir, ‘’je ne ressemble pas à l’État. Si je savais comment faire pour détruire l’État, je l’aurais déjà fait’’, avant de terminer sa conversation avec un ‘’.. je ne suis pas un politicien, je me demande ce que je fais là…’’.
Voilà donc à quoi ressemblent les hommes qui nous dirigent, et ce qu’ils en pensent vraiment de leur pays. Bien entendu, Joseph Jouthe exclut toute démission après la diffusion de ses propos indignes. Alors que dans d’autres pays, cela aurait provoqué un énorme scandale politique, en Haïti, la vie suit son cours comme si de rien n’était. Avec de tels dirigeants aux commandes et qui tiennent de tels discours, comment la population peut-elle continuer à leur faire confiance ?

Avec le Covid-19 qui ne cesse de se propager d’un côté et la criminalité galopante de l’autre, les haïtiens sont pris dans un piège mortifère. Les croyants s’en remettent à Dieu pour leur venir en aide, et les autres attendent résignés que leur heure sonne. Ce qui est certain, c’est que l’État a perdu toute crédibilité aux yeux de la population. Ce n’est certes pas une nouveauté, mais avec les derniers propos tenus par l’actuel Premier Ministre, les Haïtiens ont désormais la preuve que leur dégoût vis-à-vis du système qui les dirige est plus que justifié.

Dessalines Ferdinand/Le Floridien

 

 

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