Haïti, le grand gâchis !

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La «Perle des Antilles» a perdu de son lustre depuis bien longtemps. Au cours du siècle dernier, notre nation n’a jamais vraiment pu décoller économiquement, ni connaître la stabilité politique. La faute à une succession de dirigeants qui ont vendu notre pays au plus offrant pour se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible. Et aujourd’hui, nous en payons le prix fort. Le désordre qui règne actuellement en Haïti est tel, que personne ne peut dire avec exactitude quand on pourra réellement sortir de ce cauchemar.

Pendant un siècle, Haïti n’a jamais eu un dirigeant digne de ce nom

Lorsque nous évoquons au hasard les noms des Présidents haïtiens qui ont dirigé notre pays, il est navrant de constater qu’aucun ne laissa de bons souvenirs : François Duvalier, Jean-Claude Duvalier, Prosper Avril, Jean- Bertrand Aristide, Préval, Martelly… nos dirigeants se suivent et se ressemblent. Il est en effet triste de voir que la plupart d’entre eux se sont surtout illustrés par leur avidité, leur mégalomanie et leur incompétence.

Si avant l’occupation meurtrière américaine de 1915 à 1934, notre pays avait connu pas moins de 33 coups d’État, la situation ne s’est guère améliorée depuis. Haïti a vécu le dernier siècle sous une succession d’instabilités politiques et de crises économiques, ponctuées d’épisodes récurrents de répression sanguinaire.

Car dans son malheur, Haïti n’a jamais eu la chance d’avoir à sa tête un chef d’État bâtisseur et visionnaire qui fasse passer l’intérêt général avant le sien. Lorsque nos voisins dominicains vivaient eux aussi sous la dictature de Trujillo, celui-ci a au moins eu le mérite d’engager la politique des grands travaux en investissement massivement dans les infrastructures de base. De notre côté, les Duvaliers n’ont absolument rien fait. Au contraire, ils ont détruit le pays sur le plan économique en galvaudant tous ses atouts. Aujourd’hui, on se retrouve avec un pays sans infrastructures, sans éducation, sans constitution solide ni système politique fiable. Résultat des courses, Haïti est toujours à la traine. Notre nation est ainsi classée parmi les pays les plus pauvres du continent américain, voire du monde. Et les choses ne semblent pas être prêtes de s’arranger!

Les potentialités économiques encore inexploitées

L’économie haïtienne est au ralenti depuis de nombreuses années. La situation est même devenue catastrophique depuis le tremblement de terre de 2010 puisque notre pays n’a jamais pu s’en relever. Aujourd’hui, sans l’argent envoyé par la diaspora et l’aide internationale, beaucoup d’Haïtiens n’auraient pas de quoi manger. La faute aux différents gouvernements qui n’ont jamais été en mesure de bâtir une économique solide et prospère basée sur les nombreux atouts que possède le pays. Car Haïti regorge de potentialités encore sous-exploitées. Tout d’abord, sa proximité avec le plus grand marché au monde que sont les États-Unis est un atout non négligeable dont nous ne tirons pas pleinement profit. Au final, Haïti se retrouve avec un déficit commercial de 3 milliards de dollars. En d’autres termes, cela veut dire que notre pays vit à crédit, un crédit que nous n’avons même pas les moyens de rembourser.

Sur le plan énergétique, là encore, Haïti n’a pas fait l’effort de se diversifier et reste tributaire du cours de pétrole. Pourtant, avec les défis que représente le changement climatique, notre pays a tout ce qu’il faut pour réussir sa transition énergétique et basculer vers une énergie renouvelable plus verte. Les ressources solaires et éoliennes sont abondantes en Haïti et n’attendent qu’à être utilisées. Haïti pourrait même devenir un exportateur d’énergie s’il s’en donnait les moyens et diversifiait son mix énergétique.

Sur le plan touristique, là aussi, tous les analystes sont unanimes pour dire qu’Haïti ne met pas assez en valeur ses nombreuses qualités. Des plages de sable fin, des paysages montagneux à couper le souffle, un climat chaud toute l’année, une culture ancienne, un patrimoine riche et une gastronomie authentique, autant d’atouts qui pourraient attirer des millions de touristes chaque année et renflouer les caisses de l’État avec des devises sonnantes et trébuchantes. Au lieu de cela, Haïti se limite au tourisme de croisière dans la région de Labadee. À titre d’exemple, la République dominicaine voisine arrive à générer presque 7 milliards de dollars chaque année grâce au tourisme.

Avec une moyenne d’âge de 23 ans, Haïti est une des nations les plus jeunes du continent. Notre pays, qui est récemment devenu le pays le plus peuplé des Caraïbes devant Cuba, dispose d’une jeunesse dynamique qui n’aspire qu’à être formée et bien encadrée pour accéder au marché de l’emploi. Alors que nos salaires compétitifs devraient normalement attirer les investisseurs étrangers pour qu’ils viennent ouvrir des usines, des exploitations agricoles et des hôtels, cela n’est malheureusement pas le cas. Pire, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à s’aventurer à l’étranger, parfois au péril de leur vie, pour pouvoir gagner dignement leur pain. Et cela conduit à des situations dramatiques, comme ce qui se passe en République dominicaine où des milliers d’Haïtiens travaillent dans les champs de canne à sucre de manière inhumaine, exploités par des propriétaires sans scrupule qui profitent de la vulnérabilité de ces nouveaux réfugiés économiques.

Un futur toujours plus sombre sous Jovenel

Depuis l’élection de Jovenel, la population haïtienne déchante. L’ex-homme d’affaires n’a en effet rien fait pour redynamiser l’économie haïtienne, alors que son expérience dans l’entrepreneuriat pouvait laisser penser qu’il était l’homme qu’il fallait, bien que son CV soit terni par pas mal de zones d’ombres. Aujourd’hui, les perspectives économiques sont bien sombres pour l’année à venir. C’est comme si notre pays était tombé dans une spirale infernale dont il a du mal à sortir. Il faut dire que les conditions actuelles en Haïti ne favorisent pas les investissements. La situation sécuritaire est particulièrement alarmante, surtout avec la prolifération des gangs armés qui sèment la terreur partout dans le pays. La main-d’œuvre abondante reste sous-formée et peu qualifiée pour des emplois à forte valeur ajoutée, la faute à un système éducatif déficient qui ne prépare pas notre jeunesse aux défis de demain.

Sur le plan politique enfin, la situation est là aussi particulièrement préoccupante. Jovenel Moise est en train de mettre en place depuis quelques mois un plan machiavélique qui lui permettrait de rester au pouvoir aussi longtemps que possible. À l’heure actuelle, Haïti ne dispose pas de parlement, et encore moins d’une opposition crédible, alors que sa population est réprimée au quotidien par les bandes armées qui agissent sous la bénédiction des autorités qui leur délègue volontiers cette tâche. Jovenel a utilisé son génie non pas pour redresser le pays, mais plutôt pour instaurer une nouvelle dictature qui ne dit pas son nom. Et comme nous l’évoquions au début, le plus grand malheur d’Haïti, c’est qu’il n’a jamais eu un dirigeant bâtisseur digne de ce nom!

Dessalines Ferdinand/LE FLORIDIEN, 15 Décembre 2020

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