Haïti : L’enfance volée par la guerre des gangs

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Alors que les gangs continuent de faire la loi et de perpétrer les massacres dans notre pays, l’ONU met en garde contre la situation catastrophique des enfants en Haïti. Ils sont là, invisibles, coincés entre la violence des gangs et l’indifférence d’un gouvernement qui les a oubliés. Les enfants, c’est l’avenir d’un pays, dit-on. Mais quel avenir peut-on imaginer pour ces enfants qui grandissent sous la menace constante des balles qui sifflent, en plus d’être privés d’éducation, de soins et même de l’illusion d’un quotidien normal ?

Chaque jour, la capitale Port-au-Prince, mais aussi les autres villes haïtiennes, vit dans un climat de guerre civile qui ne dit pas son nom. Et dans cet enfer, les enfants sont devenus une monnaie d’échange, des cibles, voire des soldats enrôlés de force. Les chiffres sont vertigineux : selon les Nations unies, le recrutement d’enfants par les gangs a augmenté de 70% entre 2023 et 2024. On parle ici de milliers de vies volées avant même d’avoir commencé.

Les bambins de Cité Soleil, de Martissant ou de Carrefour en savent quelque chose. Leurs terrains de jeux se sont transformés au fil des années zones de guerre. Ici, l’école est un mirage, remplacée par des bastions où des adolescents, Kalachnikov en main, font office de sentinelles. “On ne peut pas lutter contre eux. On ne peut qu’espérer que notre fils ne soit pas le prochain”, souffle Maryse, mère d’un enfant de 12 ans qui ne va plus à l’école depuis un an. Son quartier est sous le contrôle d’un gang qui recrute parmi les jeunes garçons. “Ils les appellent ‘les soldats de demain’, mais ce sont juste des enfants.”

Le constat aujourd’hui est terrible. Les écoles ferment les unes après les autres. Les professeurs, par peur pour leur vie, s’exilent ou sont réduits au silence. L’éducation, ce fragile rempart contre la violence et la misère, s’effondre peu à peu. L’UNICEF rapporte que plus de 2,5 millions d’enfants haïtiens n’ont actuellement pas accès à l’éducation en raison des conflits armés et de l’insécurité. C’est un chiffre qui donne le vertige. Dans certaines zones, les gangs contrôlent tout : les allées et venues, le commerce, les lieux publics et même les établissements scolaires. Quand ils ne s’en servent pas comme bases arrière, ils les incendient. L’école n’est pas seulement inaccessible, elle est devenue un symbole à détruire.

Dans ce chaos généralisé, les petites filles ne sont pas épargnées. Elles sont souvent enlevées, victimes de violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. Leur enfance est volée sans la moindre chance de la retrouver. La plupart du temps, elles ne porteront jamais plainte. Comment pourraient-elles dans un pays où il n’y a plus ni justice ni protection. Beaucoup ne savent plus vers qui se tourner, gardant leur traumatisme enfoui, sans parler des dégâts psychologiques et des séquelles qu’elles garderont à vie.

Le pire dans tout cela est que rien ne bouge. Les alertes des ONG, des organisations internationales, des militants locaux se succèdent, mais ne provoquent guère plus qu’un vague froncement de sourcils chez nos dirigeants. L’ONU peut bien tirer la sonnette d’alarme, mais qui l’écoute réellement ? La communauté internationale ? Celle-ci semble s’être habituée au désastre haïtien, comme si l’enfer était devenu un état de fait immuable.

Mais alors, que faire ? Sans éducation, sans sécurité, sans repères, que deviendront nos enfants ? On ne peut pas laisser une génération entière être sacrifiée sur l’autel de l’inaction. Fuir sur des embarcations de fortune en direction des côtes américaines n’est pas une solution. Rejoindre les gangs non plus. Mais comment leur reprocher de s’accrocher à ce qu’ils voient comme leur seule chance de survie ?

Car c’est bien là le drame : il n’y a pas d’alternative crédible. L’État haïtien, gangrené par l’instabilité politique et l’impuissance face aux gangs, semble avoir abandonné ces enfants à leur sort. Les missions humanitaires, malgré tous leurs efforts, peinent à atteindre les zones les plus dangereuses. L’argent des grandes organisations internationales est souvent bloqué par la corruption ou par l’insécurité. Les projets sont lancés puis avortés, faute de garanties sur leur pérennité.

Il ne suffit pas de dénoncer la situation, il faut agir, et vite. L’ONU, les ONG, les gouvernements étrangers doivent cesser de se contenter de rapports alarmistes et mettre en place des solutions concrètes. Sécuriser les écoles, financer massivement l’éducation, soutenir les familles pour qu’elles puissent envoyer leurs enfants en classe et non les livrer aux gangs.
Il faut aussi un réel engagement de la part des autorités haïtiennes. Pas des discours creux sur l’importance de la jeunesse, mais des mesures fortes : rétablir l’ordre, restaurer la confiance, redonner aux enfants le droit de vivre sans la peur au ventre. L’État ne peut plus se cacher derrière l’excuse de l’impuissance. Il faut mettre en place des corridors humanitaires, des refuges sécurisés pour les enfants les plus exposés. Il est encore temps !

Haïti n’est pas condamné, mais le temps presse. Chaque jour qui passe, ce sont des vies brisées, des futurs anéantis. Il est facile de détourner le regard, de considérer cette crise comme un problème insoluble. Mais ces enfants haïtiens ne sont pas juste une statistique effacée dans un rapport de l’ONU. Ce sont des vies, des visages, des rêves qui méritent d’être protégés.

Si rien n’est fait, c’est une génération entière qui sombrera dans l’oubli, et avec elle, toute une nation qui se prépare à un avenir encore plus sombre. Il faut les sauver. Maintenant.

Stéphane Boudin

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