Histoire d’Haïti : Dette coloniale et ingérence occidentale – Crise actuelle et responsabilités

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Notre pays a marqué l’histoire en devenant la première république noire indépendante, brisant ses chaînes après des années de lutte et de sacrifices pour gagner sa liberté en 1804. Haïti, qui a ‘’osé’’ défier l’ordre colonial, a pendant longtemps été le symbole de résistance pour les peuples opprimés du monde entier. Mais aujourd’hui, notre beau pays doit faire face à une crise majeure qui menace jusqu’à sa propre existence. Bien sûr, tous les regards se tournent vers les gangs responsables des violences quotidiennes, vers les politiciens véreux et corrompus qui ont ruiné notre pays et l’ont mené vers l’abîme. Mais qu’en est-il des puissances étrangères qui n’ont eu de cesse à s’immiscer dans les affaires internes de notre pays. Quelle part de responsabilité l’Occident porte-t-il dans la situation actuelle ? Et si les grandes puissances avaient, dès le départ, choisi de faire payer chèrement cette liberté arrachée de haute lutte ?

Remontons un peu l’histoire pour trouver des éléments de réponses à toutes ces questions. Au lendemain de notre indépendance chèrement acquise, le colonisateur français, sous l’égide du roi Charles X, nous a imposé une dette faramineuse, payée rubis sur l’ongle pendant des générations. Notre pays, qui venait à peine de sortir d’une guerre d’indépendance dévastatrice, se voyait donc contraint de payer une somme astronomique pour le simple “crime” d’avoir voulu être libre. Cette “indemnité” a plongé Haïti dans une spirale de dettes qui a duré plus de cent ans, appauvrissant nos finances et freinant notre développement économique. Le message de la France et des pays colonisateurs de l’époque ne pouvait être plus clair : “Vous voulez être libre ? Vous allez en payer le prix.”

Cette dette, aussi injuste qu’injustifiée, est inédite dans l’histoire de la décolonisation. C’est en effet un des rares cas dans l’histoire où un peuple libéré a dû indemniser ses anciens oppresseurs. Imaginez que l’on vous oblige à rembourser l’homme qui vous a volé pendant des années, au prétexte que vous le privez de “revenus”. On atteint ici le comble de l’absurdité ! La question qui se pose est donc la suivante : La France, qui prétend être le pays des lumières et des droits de l’Homme, n’a-t-il pas des comptes à rendre envers Haïti ? Le peuple juif a bien eu droit à des réparations et des restitutions au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Pourquoi pas les Haïtiens ?
La France doit savoir que sa dette a pesé sur l’économie haïtienne, limitant ses investissements dans les infrastructures, l’éducation, et l’industrialisation. Pendant que d’autres nations construisaient des fondations solides pour leur avenir, Haïti était embourbé dans une dette sans fin.

Si la France a joué un rôle décisif dans les premiers siècles de misère d’Haïti, elle n’est pas la seule puissance occidentale à avoir compliqué la vie de notre pays. En effet, nos voisins proches ne sont pas exempts de reproches, eux qui ont une longue histoire d’interventions dans notre pays, souvent sous couvert d’aide ou de protection. L’intervention militaire américaine en 1915, sous prétexte de restaurer l’ordre, a marqué un tournant. Haïti a été occupé pendant 19 ans, et cette occupation a laissé des cicatrices profondes.

Le retrait des troupes américaines n’a pas pour autant signifié la fin de l’influence des États-Unis sur nos affaires internes. Bien au contraire. L’ingérence américaine, souvent guidée par des intérêts géopolitiques ou économiques, notamment durant la guerre froide, a continué de façonner la politique locale. Loin d’aider à renforcer la démocratie, les États-Unis ont parfois soutenu des régimes corrompus ou répressifs, tant que ces derniers servaient leurs intérêts. Ainsi, à plusieurs reprises, des gouvernements haïtiens illégitimes ont été maintenus en place grâce au soutien occidental, au détriment du peuple haïtien.

Et aujourd’hui, qu’en est-il ? Le problème n’est plus uniquement économique ou politique, il est aussi sécuritaire. Les armes américaines inondent notre pays, alimentant la violence et le chaos qui ravagent nos familles. Cette prolifération d’armes à feu n’a fait que renforcer la guerre entre gangs, transformant certaines régions en véritables zones de non-droit. Les armes, qui circulent presque librement, facilitent une guerre fratricide dont on peine à voir la fin.

Alors certes, nous avons nos propres problèmes internes. La corruption, la mauvaise gouvernance, et l’instabilité politique sont autant de facteurs qui contribuent grandement à la crise actuelle. Mais peut-on ignorer la responsabilité des puissances occidentales dans cette situation ? La France, les États-Unis, et d’autres ont joué un rôle historique dans l’état dans lequel se trouve notre pays aujourd’hui. Leurs politiques, que ce soit à travers la dette imposée, les interventions militaires ou la prolifération d’armes, ont fait d’Haïti une nation qui peine à se relever.
Aujourd’hui encore, cette hypocrisie occidentale perdure. L’aide internationale, souvent inadaptée, continue d’entretenir une forme de dépendance économique. Cela d’autant plus que la diaspora haïtienne, qui contribue largement à l’économie à travers les envois de fonds, ne peut pas tout réparer à elle seule.

Il est certain que le chemin vers la stabilité passe par une réappropriation de notre destin. Cela signifie, certes, une lutte contre la corruption et une meilleure gouvernance interne, mais aussi un plaidoyer pour que les puissances occidentales cessent de contribuer, directement ou indirectement, à notre chaos. Il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités et arrête de voir Haïti uniquement comme un terrain de jeu pour ses intérêts économiques ou géopolitiques.

La question n’est plus de savoir si l’Occident a une part de responsabilité dans la crise haïtienne. La véritable question est de savoir jusqu’à quand ces puissances vont-elles continuer à fermer les yeux sur les conséquences de leurs actes. Haïti, malgré toutes ses difficultés, reste debout. Et nous, Haïtiens, devons exiger non seulement justice pour le passé, mais aussi des actions concrètes pour un futur meilleur.

Stéphane Boudin

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