Jean-Michel Lapin Premier ministre, l’intérim devient permanent

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Le tout nouveau Premier ministre, Jean-Michel Lapin, 52 ans, à qui le Président de la République vient d’accorder sa confiance pour former un nouveau gouvernement, va avoir du pain sur la planche pour restaurer l’image d’un pouvoir aux abois. Ce grand commis de l’état, et pas très connu du grand public, a effectué l’essentiel de sa carrière en temps qu’administrateur à la bibliothèque nationale pendant presque 2 décennies (1989-2007). Par la suite, il a intégré le ministère de la Culture et de la Communication où il a progressivement gravi les échelons jusqu’à en devenir directeur général. Le 18 septembre 2018, il réapparait sur les radars lorsqu’il est nommé ministre de la Culture et de la Communication du gouvernement Céant.

Homme de consensus, il a horreur d’embarquer dans des confrontations stériles avec ses collègues de travail. C’est ce qui a valu à ce quinquagénaire originaire de Jacmel d’avoir eu peu d’ennemis durant sa carrière. Son pedigree académique est par ailleurs taillé sur mesure pour un haut fonctionnaire de l’État. Diplômé en gestion administrative à l’Université des Antilles et de la Guyane (devenue aujourd’hui université des Antilles – UA), il a également suivi des cours en sciences économiques à l’IHECE en plus d’avoir un certificat en gestion publique.

Derrière ses lunettes percées se cache donc une personnalité complexe, à la fois calme et rigoureuse. Mr Lapin ne rechigne pas à la tâche et met les mains dans le cambouis lorsque la situation l’exige. C’est pour toutes ces qualités que le Président Moïse Jovenel, après moult consultations avec les présidents des deux chambres (sénat et parlement), a décidé de faire appel à lui pour former un nouveau gouvernement, le 3ème en l’espace de 2 ans.

Mais les détracteurs du Chef de l’État, notamment ses opposants les plus radicaux, doutent que Lapin ait toutes les qualifications requises pour mener à bien son mandat. Face à l’immensité des défis auxquels il doit faire face, il n’est pas sûr que le nouveau Premier ministre puisse réussir là où beaucoup de ses prédécesseurs ont échoué. Aujourd’hui, avec un chômage au plus haut et une inflation qui frise les 17% cette année, Lapin est assis sur un volcan social qui peut exploser à n’importe quel moment. Sans oublier que le déficit cette année dépasse les 450 millions de dollars, loin des 350 millions de dollars de l’année dernière. Ce qui veut dire que le nouveau Premier ministre n’aura pas beaucoup de marge de manœuvre.

Moïse semble avoir choisi un Premier ministre rassembleur plutôt que qualifié. Sa nomination, d’après de nombreux observateurs, est un calcul purement politique. Il entend ainsi calmer les velléités de l’opposition qui veut coute que coute l’éjecter de la présidence. Moïse a tout fait pour s’assurer d’avoir l’appui du parlement afin d’éviter un camouflet à la Privert. Souvenez-vous en 2016, lorsque la nomination de Fritz Jean au poste de Premier ministre avait été retoquée par le parlement.

L’actuel Chef de l’État compte également sur Mr Lapin pour jouer le rôle d’intermédiaire crédible et négocier avec les partenaires internationaux. Il faut dire que le pays a grandement besoin en ce moment de l’appui des autres nations amies ainsi que des institutions financières pour faire face à un contexte social particulièrement difficile. Le FMI a par exemple exigé qu’un nouveau gouvernement soit formé avant de débloquer la première tranche du prêt de 229 millions de dollars.

Cela dit, beaucoup d’analystes politiques reprochent au Président de la République de ne pas avoir retenu les leçons de ses précédentes erreurs. Cette nouvelle nomination ne semble en effet pas prendre en compte les défis économiques auxquels doit faire face le pays. Il est difficile pour un bureaucrate de la trempe de Mr Lapin d’appréhender des problématiques majeures comme la création d’emploi, la stimulation de la croissance économique, la réduction du coût de la vie ou encore la relance des investissements. Non pas que Mr Lapin ne soit pas un travailleur acharné, mais ce n’est tout simplement pas sa tasse de thé ni son domaine. On peut donc légitimement s’attendre à ce que ce gouvernement ne fasse pas long feu et soit lui aussi remplacé au bout de quelques mois seulement.

Ce n’est pas les hommes seulement qui doivent changer, mais tout le système. Les attentes de la population d’Haïti sont grandes, et le jeu des chaises musicales auquel s’adonne Moise depuis sa prise de pouvoir risque d’exacerber encore plus la patience des citoyens qui sont à bout. Les Haïtiens sont fatigués de la corruption qui gangrène les hautes sphères et l’incompétence de ses gouvernants. Depuis décembre dernier, le pays a été le théâtre de 200 manifestations, souvent violentes. Les gens ne voient aucun changement dans leur quotidien. Les choses ont même tendance à empirer, avec des coupures d’électricité à répétition et des stations-service qui ont du mal à approvisionner tout le monde depuis que Moïse a fâché son allié vénézuélien. Mr Lapin serait-il l’homme nommé au mauvais endroit au mauvais moment ? Pour le moment, tout porte à croire que c’est le cas.

D. Ferdinand/Le Floridien

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