Santo Domingo (Le Floridien) — Construite il y a 45 ans pour abriter le cinéma El Portal, la structure qui logeait la discothèque Jet Set n’était pas conçue pour accueillir des équipements lourds, des installations techniques modernes ni de grandes foules dans un environnement vibrant et bruyant. Pourtant, au fil du temps, le bâtiment a été transformé pour répondre aux besoins d’un lieu de divertissement, sans que sa capacité structurelle ne soit réévaluée ni renforcée.
Selon Teodoro Tejada, ancien président du Collège dominicain des ingénieurs, architectes et géomètres (CODIA), l’effondrement n’est pas un simple accident : c’est le fruit d’un cumul de négligences techniques et de défauts d’entretien.
Une série de défaillances techniques graves
Tejada identifie plusieurs causes potentielles à cette catastrophe :
Surcharge structurelle : l’ajout de plafonds suspendus, d’équipements de sonorisation et d’éclairage, de couches décoratives et de systèmes techniques a considérablement alourdi la toiture, déjà ancienne.
Vibrations destructrices : les basses puissantes, la musique amplifiée et les effets de scène provoquent des vibrations continues qui, avec le temps, affaiblissent les structures porteuses.
Infiltrations d’eau : mal réparées ou ignorées, elles ont pu corroder les éléments métalliques et fragiliser les matériaux porteurs.
Défaillances souples : des détachements invisibles ou progressifs de la couverture du toit ont pu créer des points de faiblesse critiques, jusqu’à l’effondrement.
Pour l’expert, la discothèque fonctionnait comme une véritable « bombe à retardement architecturale ».
Un manque criant de contrôle et de prévention
« Ce drame était évitable », insiste Tejada. Il dénonce l’absence d’audits réguliers, la tolérance des autorités envers des établissements non conformes, et l’exploitation de bâtiments transformés sans réelle expertise technique. Il exhorte le ministère du Logement et des Bâtiments (MIVED) à imposer des inspections obligatoires dans tous les lieux accueillant du public, avec une attention particulière pour les structures anciennes ou réaménagées.
Une problématique régionale qui dépasse les apparences
En Haïti, les conséquences de la négligence en matière de construction se sont révélées de façon dramatique lors du séisme de 2010, qui a tué plus de 200 000 personnes, principalement à cause de l’effondrement de bâtiments mal conçus. Si l’origine des deux tragédies diffère — l’une naturelle, l’autre structurelle —, elles révèlent une même vulnérabilité face à l’absence de supervision technique rigoureuse. Ce parallèle souligne que le manque de fermeté dans l’application des normes de sécurité n’épargne ni Haïti ni la République dominicaine, malgré leurs différences de développement.
Le drame du Jet Set rappelle qu’un bel extérieur ne garantit en rien la solidité intérieure, et que l’apparence ne peut se substituer à la vigilance. Ce sont souvent les mêmes erreurs qui se répètent des deux côtés de l’île, avec des conséquences mortelles.
Un appel à la réforme, fondé sur les ruines
Ce n’est pas seulement une discothèque qui s’est effondrée à Santo Domingo, mais une confiance collective dans la rigueur du système. Pour éviter qu’un tel désastre ne se reproduise, des mesures fortes s’imposent : audits obligatoires, rénovation des structures anciennes, contrôle des ajouts techniques, et formation continue des propriétaires et gestionnaires de lieux publics.
« Le pays ne peut pas continuer à danser au bord du précipice », conclut Tejada.
