Pourquoi Guy Philippe n’a aucune chance de devenir Président

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Alors que les haïtiens vivent dans le brouillard depuis des années déjà, le retour de Guy Philippe sur la scène politique s’inscrit comme une nouvelle source d’inquiétude. Personnage plus que controversé, autrefois condamné pour trafic de drogue aux États-Unis, Guy Philippe revient avec l’ambition déclarée de renverser le Premier ministre actuel, Ariel Henry. Son influence s’étend de manière alarmante, notamment à travers la Brigade de sécurité des aires protégées (BSAP), un corps initialement destiné à la protection de l’environnement mais qui s’est mué en une milice à sa solde. Les membres de la BSAP sont désormais des acteurs de la turbulence politique plutôt que des gardiens de la nature. Leur transformation en force combattante souligne une dérive préoccupante et symptomatique de la fragilité des institutions haïtiennes.

Guy Philippe n’est pas un novice dans l’art de la rébellion. Sa carrière, marquée par un coup d’État contre Jean-Bertrand Aristide en 2004, témoigne de sa capacité à mobiliser et à exercer une influence militaire et politique. Son retour d’un emprisonnement aux États-Unis pour des faits de blanchiment liés au narcotrafic n’a fait que renforcer son image de figure autoritaire et controversée, prête à tout pour saisir le pouvoir.

Sa présence en Haïti depuis deux mois et ses discours enflammés annonçant la fin prochaine des souffrances du peuple haïtien révèlent ses intentions de se réinsérer dans l’arène politique. Cependant, le contexte dans lequel il évolue est désormais marqué par une violence et une anarchie accrues. L’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021 a plongé le pays dans un chaos encore plus profond, avec des gangs armés exerçant une emprise terrifiante sur la capitale et provoquant une crise humanitaire majeure.

Le bilan de cette instabilité est lourd : près de 5 000 morts violentes recensées en 2023, un nombre alarmant qui inclut plus de 2 700 civils. La situation sécuritaire dégradée a poussé la communauté internationale à envisager des mesures d’intervention, comme l’initiative kényane de déploiement policier, bloquée par des considérations juridiques. Cette tentative de restauration de l’ordre illustre l’urgence des enjeux auxquels Haïti est confrontée.

Guy Philippe lui, semble ignorer ces obstacles qui se dressent face à son ambition politique. Sa référence au général Pinochet comme modèle illustre une volonté de gouvernance autoritaire, éloignée des aspirations démocratiques. Cette posture soulève donc des questions légitimes du peuple haïtien qui craint pour son avenir, puisqu’encore une fois, les ambitions personnelles de certains risquent de compromettre les espoirs de stabilité et de progrès pour tous.

Le retour de Guy Philippe n’est pas seulement le récit d’un homme cherchant à reconquérir le pouvoir. C’est aussi le symptôme d’une crise plus large, qui interroge sur la capacité d’Haïti à surmonter ses divisions internes et à se reconstruire sur des fondements solides, équitables et démocratiques. La route vers la paix et la prospérité semble encore longue et semée d’embûches, mais elle est la seule voie possible pour un avenir meilleur.

Guy Philippe doit aussi comprendre que les haïtiens ne sont pas prêts à accepter le premier venu sous prétexte qu’il veut faire la révolution et combattre la corruption. Ces discours, les haïtiens les connaissent par cœur. Et ils connaissent aussi l’issu chaque fois qu’ils ont fait confiance à ce genre de démagogues.

Autant dire que voir Guy Philippe devenir un jour Président de la République est une éventualité lointaine, et cela pour plusieurs raisons fondamentales qui reflètent les profondes cicatrices et les défis systémiques de notre pays.

Premièrement, le passé judiciaire de Philippe constitue un obstacle majeur à toute ambition présidentielle. Condamné aux États-Unis pour blanchiment d’argent lié au trafic de drogue, son image est entachée aux yeux de la communauté internationale et d’une grande partie de la population haïtienne. En politique, la réputation est cruciale ; celle de Philippe, marquée par des activités criminelles, sème le doute sur sa capacité à incarner l’intégrité et la moralité requises pour la fonction présidentielle.

Deuxièmement, l’histoire politique d’Haïti montre une défiance envers les figures autoritaires et militarisées. La mémoire collective des Haïtiens, marquée par des décennies de dictature et d’abus de pouvoir, rend la population particulièrement méfiante à l’égard des dirigeants qui, comme Philippe, ont recours à la force et à l’intimidation. Son soutien à des milices armées et son admiration déclarée pour des figures comme Pinochet ne font qu’accroître cette méfiance et aliéner une large part de l’électorat.

Aussi, le contexte sécuritaire et politique d’Haïti, extrêmement volatile, nécessite un leader capable d’unir et de stabiliser. Philippe, avec son passé de putschiste et sa propension à mobiliser des forces armées non étatiques, représente davantage une figure de division qu’un symbole d’unité. Haïti a besoin d’un président qui puisse réconcilier, et non exacerbé les tensions existantes.

Pour toutes ces raisons, l’éventualité que Guy Philippe puisse un jour devenir président d’Haïti relève plus de la fiction que de la réalité politique. Sa figure controversée, bien qu’influente, semble incompatible avec la vision d’un Haïti pacifié, démocratique et prospère, aspiration centrale de sa population.

Stéphane Boudin

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