(Le Floridien) — Kenscoff, longtemps considérée comme une enclave préservée du chaos qui ravage Haïti, est aujourd’hui le théâtre d’une violence inédite et insoutenable. Selon un rapport conjoint publié récemment par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), la commune a été littéralement assiégée depuis janvier par des groupes armés qui y sèment la terreur en toute impunité.
Le document, qualifié d’accablant par les observateurs, fait état d’au moins 262 morts, 86 blessés et plus de 3 000 déplacés internes, conséquence directe des attaques menées par des gangs lourdement armés. Environ 200 habitations ont été incendiées ou réduites en ruines, et l’horreur ne s’est pas arrêtée là.
« Les attaques contre Kenscoff ont été d’une brutalité extrême, menées dans l’objectif clair de semer la panique au sein de la population », a déclaré Maria Isabel Salvador, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Haïti et Cheffe du BINUH.
Parmi les victimes, des enfants, des femmes et des hommes ont été assassinés à l’intérieur de leurs foyers, tandis que d’autres ont été tués dans les chemins de montagne alors qu’ils tentaient de fuir les exactions. Au moins 53 % des tués étaient des civils, tandis que 47 % étaient identifiés comme affiliés à des groupes criminels, souligne le rapport.
Mais l’horreur ne s’arrête pas aux chiffres : des actes de violence sexuelle systématique ont également été documentés. Des femmes et des jeunes filles ont été violées par des gangs, dans ce qui s’apparente à une stratégie de domination et de terreur à grande échelle.
Malgré les efforts déployés par les forces de l’ordre, les gangs armés maintiennent leur emprise sur plusieurs localités de la commune, recourant à de véritables tactiques de guerre pour empêcher toute intervention : routes sabotées, virages coupés, arbres abattus pour bloquer l’accès aux véhicules blindés de la PNH. Plusieurs demeures de prestige, dont la villa de l’homme d’affaires bien connu Olivier Barreau, PDG de la banque de l’Union haïtienne, ainsi que l’hôtel Ranch Le Montcel, ont été réduites en cendres, à en croire plusieurs vidéos circulant sur les réseaux sociaux.
Dans un rapport séparé, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) met en lumière le rôle joué par Pierfils Orvil, un évadé de prison originaire de Kenscoff, dans l’escalade de la violence qui ravage actuellement la commune. Selon le RNDDH, ce dernier aurait facilité l’infiltration des bandes armées dirigées par le chef de gang « Didi », en ouvrant des voies d’accès stratégiques à travers la zone. Les premières attaques ont visé les quartiers de Chauffard, Bongo, Kafou Bèt et Mache Gode, avant de progresser vers Belisèt, en empruntant des sentiers escarpés serpentant à travers les montagnes.
Le RNDDH appelle les autorités à équiper les forces de l’ordre de matériels adaptés pour reprendre le contrôle de zones comme Belot, Kikwa, Via, tout en renforçant leur présence dans les secteurs encore épargnés tels que Furcy, Obleon et Clemenceau. Mais il prévient : plusieurs routes sont aujourd’hui impraticables, et certaines zones rurales sont totalement isolées, coupées du reste du pays.
Alors que l’État tente de distribuer une aide humanitaire, les Nations Unies reconnaissent que ces efforts restent largement insuffisants, surtout face aux traumatismes psychologiques profonds subis par les survivants, notamment les enfants.