La diaspora peut-elle sauver Haïti ?

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La diaspora haïtienne, principalement celle établie en Floride, est très préoccupée par la situation actuelle en Haïti. Bien que la majorité des Haïtiens vivant à l’étranger soient contre Jovenel Moïse et sa politique de plus en plus autoritaire, ils ne veulent pas que la solution soit imposée par une nation étrangère. Une ingérence externe pour régler un problème qui est avant tout haïtiano-haïtien n’est clairement pas une option envisageable. Le linge sale se lave en famille. La diaspora haïtienne installée aux États-Unis dispose de plusieurs leviers qui pourraient aider le pays à sortir de la crise actuelle. C’est le moment où jamais de recourir au lobbying politique, médiatique et financier pour faire bouger les lignes et sauver notre chère nation du chaos.

Exercer une pression financière sur le pouvoir en place

Ne dit-on pas souvent que l’argent est le nerf de la guerre? Jovenel Moïse, en sa qualité d’entrepreneur et d’ex-PDG d’Agritrans, en sait quelque chose. Lui qui jonglait à un moment donné avec pas moins de 14 comptes bancaires, à tel point qu’on le soupçonnait même de blanchir de l’argent, est conscient qu’il aura du mal à se maintenir au pouvoir si l’économie du pays n’arrive pas à redécoller. Or, pour renouer avec la croissance, Haïti a besoin d’investisseurs étrangers, notamment ceux de la diaspora.

Le gouvernement actuel n’inspire pas confiance aux investisseurs étrangers. L’image affligeante d’un Moïse essayant désespérément de soutirer quelques dollars à Kanye West a montré au grand jour l’amateurisme de nos dirigeants. Ce Président n’a rien fait pour enrayer la corruption endémique qui gangrène le pays depuis des décennies. Pire, sous l’ère Moïse, le climat des affaires s’est fortement dégradé. Et si Haïti n’arrive pas à attirer les capitaux étrangers, cela va négativement impacter le marché de l’emploi. Malheureusement, on sait à quel point le chômage est endémique dans notre pays. La pauvreté ne cesse de gagner du terrain, alors que les inégalités sociales se creusent année après année.

La diaspora dispose d’un moyen de pression financier extraordinaire pour contraindre Moïse à favoriser une transition pacifique du pouvoir, sachant que depuis un an, Moïse gouverne sans partage et de manière de plus en plus autoritaire. En effet, les transferts des Haïtiens vivant à l’étranger représentent 20% du PIB. C’est énorme! Et si demain, cette même diaspora décidait de stopper ces transferts pour mettre Moïse devant ses responsabilités, alors il sera confronté à la colère de millions d’Haïtiens mécontents, puisque des dizaines de milliers de familles survivent grâce à cet argent envoyé depuis l’étranger. Cela sans oublier la taxe instaurée sur les transferts et qui a déjà rapporté aux caisses de l’État plus de 100 millions de dollars depuis leur mise en place en 2011 par Martelly.

Les médias doivent jouer le rôle de 4ème pouvoir

Parallèlement à la pression financière, les médias de la communauté haïtienne ont également un grand rôle à jouer. Que ça soit la presse écrite, la radio ou la télévision, chacun doit prendre ses responsabilités pour sensibiliser la communauté haïtienne sur ce qui se passe en Haïti en ce moment. Car le pouvoir en place fait tout pour mettre ces mêmes médias dans sa poche. Heureusement, les journalistes haïtiens vivant à l’étranger sont moins sujets aux intimidations que leurs collègues restés au pays.

Loin de toute pression de la part du gouvernement Moïse, les médias de la diaspora jouissent d’une certaine indépendance qu’ils pourraient mettre à profit pour attirer l’attention sur la crise socio-politique que traverse Haïti en ce moment. Malheureusement, tous les médias ne jouent pas toujours le jeu. Certains, que l’on ne citera pas ici, ont préféré vendre leur âme au diable et soutenir des politiciens pourtant connus pour leur malhonnêteté. Afin de se donner bonne conscience, ces médias arrivent à trouver du bien dans le mal. Ainsi, un pot-de-vin devient un “petit encouragement financier”, alors que le “dirigeant autoritaire” est affublé du titre de “démocrate exigeant”;

Heureusement, les Haïtiens savent faire le discernement entre les médias sous influence et ceux qui ont gardé leur liberté de parole. À ce titre, Le Floridien est fier de faire partie de cette deuxième catégorie. Même lorsque le journal traversait des périodes difficiles, il a refusé de dévier de sa charte éthique basée sur les principes d’indépendance et d’objectivité. Tout journal qui se respecte doit défendre les règles déontologiques du métier et ne pas céder aux sirènes du pouvoir “Moïsien”, même si ce dernier promet monts et merveilles.

Les Haïtiens peuvent faire pression sur l’administration Biden

L’autre carte dont dispose la diaspora haïtienne consiste à sensibiliser le gouvernement de leur pays d’accueil. Les Haïtiens de France, du Canada ou des États-Unis sont devenus une force électorale non négligeable. Par conséquent, en contrepartie de leurs voix, ils peuvent très bien demander aux candidats de ne pas soutenir le Président Moïse dans ses dérives autoritaires. D’ailleurs, la communauté haïtienne de Floride a montré l’exemple lors de la dernière élection présidentielle américaine. Malgré la crise liée au Covid-19 qui la touche directement, elle n’a pas oublié pour autant son pays d’origine. Elle a donc insisté pour que Biden inscrive Haïti dans son agenda et mette notre pays dans la liste prioritaire de sa politique étrangère.

Par ailleurs, le réseau de la communauté haïtienne devient de plus en plus influent. À titre d’exemple, Biden compte dans son équipe 2 pointures d’origine haïtienne, en la personne de Karen André devenue sa conseillère spéciale, ainsi que Karine Jean-Pierre qui occupe la fonction de porte-parole adjointe de la Maison-Blanche. Cela sans oublier les autres personnalités publiques qui occupent des postes à responsabilité dans différents domaines, que ça soit la justice, la vie politique locale, les think tanks, etc..

Notre amour pour Haïti doit être l’unique catalyseur pour faire travailler toutes ces forces vives en parfaite synergie. La dernière mise au point de l’administration Biden qui a accordé à Moïse un sursis jusqu’au 7 février 2022 en a déçu beaucoup. Or, à bien y réfléchir, peut-être était-ce là la meilleure décision à prendre. En effet, aucun nom consensuel n’émerge pour le remplacer. Les juges Yvivkel Dabresil, Mécène Jean-Louis et consorts ont été soudainement sortis de l’anonymat par l’opposition radicale, alors que personne ne les connaissait il y a une semaine à peine. Cette improvisation pour trouver coûte que coûte un remplaçant à Jovenel Moïse ne plait pas chez nos alliés, et encore moins chez les Haïtiens qui n’ont pas affiché un grand enthousiasme en apprenant les noms des nouveaux Présidents provisoires. La politique est un métier qui ne s’improvise pas, et encore moins lorsqu’il s’agit d’occuper la fonction suprême!

Dessalines Ferdinand
Le Floridien, 15 février 2021

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