La violence en Haïti franchit un nouveau cap

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La situation actuelle en Haïti nous renvoie jour après jour des images de désolation, avec des paysages urbains marqués par la terreur et la violence. On ne parle plus ici de sécurité menacée, mais de sécurité totalement absente. Les récits de fusillades entre gangs, d’attaques de banques et de kidnappings ne sont plus des exceptions, mais des nouvelles auxquelles les haïtiens sont malheureusement habitués. Rien que pour le mois d’avril dernier, le nombre de morts a atteint le chiffre effarant de 600, cela sans même compter ceux qui sont passés sous le radar des déclarations officielles. La situation s’est tellement détériorée que l’Organisation des Nations Unies (ONU) a fait un énième appel à l’aide internationale pour tenter de stabiliser le pays.

Il est de plus en plus évident que le contrôle de la situation échappe totalement au gouvernement. Sans l’aide de la communauté internationale, la situation a peu de chances de s’améliorer. Et ce d’autant plus que les groupes criminels ne voient aucune raison de déposer leurs armes, car pour beaucoup, le crime est devenu leur moyen de subsistance. C’est un métier à part entière, et l’abandonner signifie tomber dans une précarité économique.
Si les statistiques du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme donnent froid au dos, que dire de la réalité sur le terrain. La nature barbare des crimes commis est terrifiante : des innocents abattus en plein jour, des passagers de transports en commun brûlés vifs comme s’il s’agissait de torches humaines, des commerçants dépossédés de leurs économies. Dans ce climat de peur et d’insécurité chronique, la réaction de la population haïtienne a été de tenter de combler le vide en se défendant par ses propres moyens. Encouragés par certains médias et politiciens, des groupes d’autodéfense ont ainsi commencé à apparaître ici et là.

Cependant, la création de ces milices est loin d’être la solution. En fait, ces milices autoproclamées ont même le potentiel d’aggraver le problème de l’insécurité. La notion de justice populaire est certes séduisante lorsqu’on est confronté à une impuissance apparente de l’État, mais elle est dangereuse et à double tranchant. Les actes de vengeance “œil pour œil, dent pour dent” sont souvent tout aussi barbares que les crimes initiaux. Les rapports de personnes lynchées sur la simple accusation d’appartenance à un gang sont en augmentation. Si la justice populaire est une conséquence de l’inaction du gouvernement, elle ne doit en aucun cas être encouragée. Elle risque au contraire de complexifier davantage la situation sécuritaire, et ce d’autant plus que notre pays n’a pas gardé de bons souvenirs des milices créées par le passé.

En 2023, Haïti est devenu un cauchemar pour beaucoup de ses habitants. Ils vivent dans une double peur constante : celle de se faire tirer dessus s’ils osent sortir, et celle de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins faute de travail. Le gouvernement actuel, par son inaction et son silence, semble être complice de cette situation désastreuse. Il est coupable d’une non-assistance à personne en danger, une infraction pénale dans de nombreux systèmes juridiques.

La communauté internationale se doit d’intervenir au plus vite et cesser de jouer la montre. Il faudra non seulement aider à rétablir la sécurité, mais aussi soutenir la mise en place d’un système de justice équitable et fonctionnel. Il faut agir et non réagir. Seule une intervention ou une assistance internationale peuvent contribuer à stabiliser la situation, à désarmer les gangs et à restaurer l’ordre. Parallèlement à cela, il est essentiel de rétablir la confiance de la population haïtienne envers les institutions de l’État, à commencer par le système de justice.

Il est également nécessaire de s’attaquer à la question de la pauvreté et du chômage qui alimentent le cycle de violence. De nombreux jeunes se tournent vers le crime par désespoir, voyant peu d’autres options pour survivre. Il est donc crucial de développer des programmes de formation professionnelle, de création d’emplois et de soutien aux entreprises pour offrir des alternatives viables à la criminalité.

Ces mesures doivent aller de pair avec des efforts pour améliorer l’éducation, la santé et les services sociaux, afin de garantir une vie digne à tous les citoyens haïtiens. Ces efforts doivent être soutenus par la communauté internationale, non seulement en termes de ressources financières, mais aussi en termes d’expertise et de soutien technique. Et là, la communauté haïtienne de l’étranger, notamment celle établie en Floride, pourrait être d’une grande aide.

Enfin, il est essentiel de lutter contre la corruption qui mine la confiance dans les institutions et permet l’impunité pour ceux qui commettent des crimes. Des efforts doivent être faits pour renforcer l’État de droit, notamment par le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et la mise en place de mécanismes de contrôle et de responsabilisation efficaces.

La situation en Haïti est une crise humanitaire et sécuritaire qui nécessite une intervention urgente. Les solutions doivent être globales, allant de la restauration de la sécurité à l’amélioration des conditions de vie et à la lutte contre la corruption. La vie des Haïtiens, leur sécurité et leur dignité sont en jeu.

Stéphane Boudin

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