Le drapeau national souillé par l’action nauséabonde d’un politicien irresponsable

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MIAMI — Le public haïtien a surtout connu Jean-Charles Moïse (aucun lien de parenté avec l’actuel Président) lors des élections présidentielles de 2015 où il s’était porté candidat et avait recueilli 14,3% des suffrages avant que le scrutin ne soit annulé, puis lors des élections présidentielles de 2016 où il avait réuni cette fois-là 11% des voix, derrière Jovenel Moïse et Jude Célestin. Depuis, cet ancien sénateur du Nord et fondateur du parti «Platform Piti Desalin» est resté dans l’ombre et faisait profil bas. C’était jusqu’à la semaine dernière où il a sans doute estimé qu’il était plus que temps de revenir sur le devant de la scène, même si c’est pour de mauvaises raisons. Pour ce faire, ce natif de Milot n’a rien trouvé de mieux que de faire flotter le drapeau noir et rouge à Vertières (Sud du Cap Haitien à 5 minutes du centre-ville) afin de créer zizanie et dissensions au sein d’une population déjà échaudée par un climat politique instable.

Le drapeau haïtien, un symbole qui cimente et rassemble notre nation

Le drapeau haïtien n’appartient pas à un seul homme ni à un seul parti politique. C’est le bien commun de tout un peuple, de toute une histoire, de toute une culture qui a forgé l’âme de notre pays au cours des siècles. Combien de sang a coulé pour défendre ce drapeau si cher, combien de larmes et de souffrances ont dû subir nos aïeux pour que nous puissions fièrement le hisser aujourd’hui aux yeux du monde.

En ces temps de crise et d’incertitude, notre bannière représente un symbole fort d’unité que nous nous devons de protéger jalousement. Il en va de notre dignité et de celle de nos enfants. Ce n’est pas un hasard si la devise «L’Union fait la Force» y est inscrite.

C’est en 1803 que le drapeau haïtien fut créé, avant son officialisation 4 décennies plus tard, en 1843. Notre étendard rouge et bleu, frappé des armes de notre République au centre, a depuis traversé l’histoire en ne subissant que quelques modifications mineures, sauf durant le règne Duvalier (1964 – 1986) où le bleu a été remplacé par le noir.

Ce n’est qu’après la fin de cette dictature sanguinaire que les couleurs nationales historiques ont été réhabilitées officiellement. Ainsi, les couleurs et les armoiries représentées dans le drapeau national ont été inscrites dans les textes d’une constitution adoptée par référendum en 1987. Ceci afin d’éviter que des semeurs de troubles ne viennent une fois encore désunir notre nation et créer des dissensions avec une énième modification. Ainsi coulé en bronze et cimenté à notre constitution, notre drapeau ne risque pas d’être à nouveau déshonoré par quelques profanes.

Pourquoi le drapeau noir et rouge a provoqué un tel tollé chez l’opinion publique ?

Plusieurs personnalités se sont révoltées contre cette ignominie abjecte diligentée par l’ex-sénateur Moïse Jean-Charles à Vertières, lorsque ses partisans ont hissé un drapeau noir et rouge censé remplacer le drapeau actuel d’Haïti. L’historien Georges Michel a ainsi fait part de son indignation de ce qu’il a qualifié de geste ‘’condamnable’’, et espère que le principal responsable paiera cher pour cette infamie. Plusieurs personnalités de la société civile sont également montées au créneau pour dénoncer un acte irresponsable et irréfléchi qui divise plus qu’autre chose notre nation. Étonnamment, les seuls à garder le silence ont été (jusqu’au moment nous écrivions ces lignes) les membres du gouvernement et le Président de la République, qui n’ont même pas jugé utile de publier un communiqué pour réprouver ces agissements qui violent la constitution et portent atteinte à l’honneur du peuple haïtien dans son ensemble.

Comme toujours, c’est avec un certain retard que nos dirigeants au pouvoir se sont enfin manifestés. Voyant l’indignation prendre de l’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux et les médias, le bureau du Premier ministre est sorti de son silence en promettant de sévir contre toute personne ayant porté atteinte au symbole de la nation. Celui qui a descendu le drapeau national pour le remplacer par un autre risque donc d’avoir affaire à la justice selon des sources de la primature. Mais le principal instigateur, à savoir Moïse Jean-Charles, est pour l’instant à l’abri d’éventuelles poursuites. Ce dernier, sentant par ailleurs la pression judiciaire et l’indignation populaire affluer de toutes parts, a déjà commencé à édulcorer son discours. Il explique ainsi qu’il n’avait aucunement l’intention d’offenser les Haïtiens, mais seulement d’éveiller leurs consciences pour se révolter contre un pouvoir incompétent. Ce changement de cap montre le degré de courage de Moïse Jean-Charles qui n’atteint pas le centième de celui du dirigeant révolutionnaire Jean-Jacques Dessalines dont il se proclame pourtant comme l’héritier spirituel.

“C’est un « acte politique calculé et mesuré »’, dixit Jean-Charles

« Ce n’est pas une petite décision. C’est un acte politique calculé et mesuré », a déclaré l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles qui intervenait le lundi 12 novembre écoulé sur les ondes de Radio Magik 9. La montée du drapeau noir et rouge à Vertières le week-end écoulé constitue, selon le secrétaire général de la plateforme Pitit Dessalines, un signal clair pour dire qu’on «n’en peut plus ». «Ce geste sonne la fin du mandat de Jovenel Moïse», a-t-il souligné. Le dirigeant politique confirme qu’il s’est déjà entretenu avec l’homme d’affaires Bernard Craan à qui il a demandé de s’adresser aux autres « bourgeois » en vue de pousser le président Jovenel Moïse à la démission. En cas de refus, ce mouvement les emportera aussi, prévient Moïse Jean-Charles.

Le drapeau noir et rouge hissé à Vertières est celui de Jean Jacques Dessalines, explique l’ancien sénateur, déplorant que depuis l’assassinat de l’empereur, on « nous a donné le drapeau de Pétion et de Boyer, symbole d’un État de misère, de violation des droits économiques et sociales de la population ». Cet État touche à sa fin, croit le secrétaire général de la Plateforme Pitit Dessalines.

« Nous n’avions pas la force politique pour imposer le drapeau noir et rouge », souligne-t-il. Désormais, après ce qui s’est passé samedi au Cap-Haïtien, le drapeau noir et rouge va être imposé dans tout le pays, annonce-t-il. Moïse Jean-Charles croit qu’il est temps d’instaurer « l’État dessalinien » qui, précise-t-il, sera un État de service, un État qui est contre la corruption et sensible par rapport aux problèmes des masses populaires.

Geste politique sournois pour prendre illégalement le pouvoir

Moïse Jean-Charles a fait ses études à l’Université Adventiste de Diquin où il a suivi des cours de science comptable. Fin calculateur, il pense pouvoir jongler avec les sentiments de la population comme il le fait avec les chiffres. Mais ses calculs se sont révélés rarement justes jusqu’à présent. Déjà en 2015, il a pris le risque de démissionner de son confortable poste de sénateur pour le Nord afin d’aller se jeter dans une course présidentielle sans filet de sauvetage. Cette aventure hasardeuse va l’éjecter de manière brutale de la scène politique, malgré les 11% des voix recueillies qui lui permettront tout de même de sauver un peu la face. Ce jusqu’au-boutiste va d’ailleurs aller jusqu’à aligner le slogan de sa formation, Platform Piti Dessalines, sur sa vision propre de la politique en lui assignant la formule éponyme ‘’JISKOBOU’’.

Moïse Jean-Charles, qui se cache presque systématiquement derrière son micro-parti (seulement 1 siège au sénat et 1 au parlement) pour avancer ses pions dans l’échiquier politique national, ne voit pas notre drapeau de la même manière que les vrais patriotes. Pour lui, intérêt national et intérêt personnel ne font qu’un, même s’il ne l’admettra jamais publiquement pour des raisons d’image évidentes. Devant un auditoire acquis à sa cause au Cap-Haïtien et composé en majorité de têtes brûlées, il a même osé se proclamer comme le résurrecteur de la patrie de Jean-Jacques Dessalines. Sa prise de position scabreuse nous laisse à penser qu’on a bien fait de ne pas voter pour lui lors des dernières présidentielles. Beau parleur, toujours adepte de formules grandiloquentes et de slogans provocateurs, jamais avare de discours incendiaires, ce franc tireur possède un verbe décomplexé qu’il assume complètement. Or, et sauf preuve de contraire, Moïse Jean-Charles n’a jamais rien montré sur le terrain. Des années-lumière le séparent du grand Jean-Jacques Dessalines dont il se proclame le digne héritier.

Disons les choses franchement. Moïse Jean-Charles a pour intention de fomenter un coup d’État politique et espère prendre le pouvoir par la force. Il dit vouloir reconstruire le pays et aider la population, mais il est le premier à ne pas respecter le choix de cette même population puisque seulement 11% des électeurs lui ont accordé leur confiance lors des dernières présidentielles. Les agissements de M. Jean-Charles nous rappellent les périodes les plus sombres de notre histoire. Tous les dictateurs qui se sont succédé à la tête de ce pays ont tenu le même genre de discours que cet ancien sénateur du nord pour accéder au pouvoir et s’y accrocher ad vitam aeternam.

Moïse Jean-Charles se proclame un jour comme le défenseur du peuple haïtien, un autre jour comme un révolutionnaire qui veut redonner à ses concitoyens liberté et prospérité. Mais à la vue du désordre qu’il vient de provoquer avec ses agissements imprudents, tout le monde s’accorde à dire que Moïse Jean-Charles est plus que jamais un danger pour notre nation dont il faut se méfier comme de la peste.

D. Ferdinand, LE FLORIDIEN
Miami, 14 novembre 2018

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