Le trafic d’armes met la stabilité d’Haïti en péril

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Tous les jours, les manchettes des journaux relatent des scènes de violences qui sont devenues presque banales dans le quotidien des Haïtiens. Les bandes armées pullulent dans les rues des grandes villes et y imposent leur loi par la force. Même les petites agglomérations naguère paisibles ne sont plus épargnées par un phénomène qui gagne dangereusement du terrain d’année en année. Et dire qu’il y’a quelques décennies, Haïti faisait figure de havre de paix comparativement à d’autres pays sud-américains. Les chiffres des taux d’homicides de certaines nations comme le Brésil, le Honduras, le Venezuela ou encore le Mexique font plus penser à des pays en guerre. Jamais on n’aurait imaginé qu’un jour, Haïti aussi prendrait cette pente périlleuse vers le chaos. Pour les experts, le coupable est tout désigné : le trafic d’armes à feu!

Le 30 avril, un dénommé Jean Sony – alias Tije – chef de gang sanguinaire avec plusieurs meurtres à son actif, était neutralisé par la police qui a mis la main au passage sur un véritable arsenal de guerre. La veille, c’est un policier qui a été froidement abattu par des brigands au niveau de la route nationale No. 1, alors que le malheureux rentrait chez lui après son service. Et que dire de l’attaque qu’a subi le commissariat de Petite Rivière (Artibonite). 16 policiers ont du faire face ce jour-là à une centaine de malfrats lourdement armés pendant 3 longues heures. Toute la ville reste traumatisée à ce jour par cet événement sans précédent dans les annales du grand banditisme. Quant au chef de gang derrière cet assaut, Arnel Joseph, il continue de narguer ostensiblement les autorités, allant jusqu’à nouer des relations étroites avec des élus politiques comme le sénateur Gracia Delva.

Le dénominateur commun à tous ces crimes, c’est l’utilisation d’un arsenal de plus en plus sophistiqué et performant qui rend les interventions de la police beaucoup plus périlleuses. On ne parle pas ici des petits calibres qu’on peut aisément cacher sous sa chemise, mais de gros fusils mitrailleurs dignes des armées les mieux équipées au monde. L’autre facteur inquiétant est la prolifération des gangs criminels qui s’inspirent beaucoup du modus operandi de leurs homologues américains. Cette culture ‘’gangsta’’ qui attire les jeunes n’arrangera certainement pas les choses au cours des prochaines années, surtout si le gouvernement continue à négliger l’encadrement et l’éducation de cette jeunesse de plus en plus livrée à elle-même.

Aujourd’hui, selon les statistiques officielles, on dénombre pas moins de 300.000 armes à feu en Haïti, dont 15% seulement sont déclarées. Ce qui veut dire que la grande majorité de cet arsenal est illégal et échappe au contrôle de l’État. Sur le marché noir, tout criminel peut ainsi facilement se procurer les armes dont il a besoin pour braquer un(e) client(e) après une opération bancaire. Dans certains quartiers de la capitale par exemple, le couvre-feu s’impose de lui-même dès la nuit tombée. Personne ne met plus le nez dehors, par crainte de tomber sur un malfrat qui au mieux vous dépouillera, au pire vous tuera. Le cas de Cité Soleil à Port-au-Prince est révélateur de ce mal qui ronge petit à petit les quartiers autrefois réputés pour leur calme. Même les policiers n’osent plus intervenir dans certaines zones par crainte pour leur vie.

Le Premier ministre Jean Michel Lapin, tout fraîchement nommé, a donné des «instructions claires» pour remettre un peu d’ordre dans les rues de Port-au-Prince et autres agglomérations du pays. Le principal objectif étant de démanteler et mettre hors d’état de nuire les bandes armées, les gangs qui sévissent dans les quartiers sensibles et autres organisations criminelles qui terrorisent et effraient la population en continu. Mais comment y arriver si d’un côté, les policiers ne disposent pas d’assez de moyens pour faire respecter la loi, et de l’autre, on a des malfrats qui disposent d’un arsenal qui ferait rougir d’envie les armées de beaucoup de pays. De plus, Mr Lapin semble oublier que les mots à eux seuls ne suffisent pas. Il faut des actes.

Lorsqu’on sait que Godson Orélus vient d’être acquitté alors qu’il était notoirement impliqué dans un trafic d’armes à grande échelle. Il y’a de quoi se poser des questions et se demander si la justice est du côté du peuple ou des criminels. Le plus préoccupant dans tout cela, c’est que des indices laissent entrevoir une convergence d’intérêts entre les gangs et certains politiciens. À l’instar des chimères qui ont fait régner la terreur au début des années 2000 pour le compte d’Aristide, nombreux sont les observateurs qui craignent une nouvelle collusion entre les malfrats et les élus. Cela pourrait donner naissance à une nouvelle forme de guérilla. Or, c’est la dernière chose dont le pays a besoin en ce moment. Avec la corruption qui gangrène le pays à tous les niveaux et un pouvoir judiciaire aux abonnés absents, Haïti est devenu un terrain fertile pour les trafics de toutes sortes, principalement le trafic d’armes. Et comme toujours dans pareils cas, c’est la population prise en otage qui trinque.

Dessalines Ferdinand

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