L’émigration touche toutes les classes sociales en Haïti

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Ces derniers mois, les Haïtiens qui se noient en tentant de rejoindre l’eldorado tant rêvé font de plus en plus la une des manchettes. Pas un jour ne passe sans que l’on entende parler d’une embarcation de fortune arraisonnée par des gardes-côtes américains, français ou encore colombiens. Risquer sa vie pour rejoindre un monde meilleur est devenu le rêve de presque tous les Haïtiens, tant les perspectives à court terme dans le pays sont sombres. Malheureusement, les naufragés haïtiens qui périssent en mer se comptent pas centaines chaque année. On a encore en mémoire le naufrage au large de la Martinique qui avait fait 9 morts, ou encore le drame près des côtes de la Colombie où 7 migrants haïtiens avaient trouvé la mort.

Mais ce dont on parle moins, ce sont tous ces Haïtiens riches qui décident eux aussi de partir s’installer à l’étranger pour couvrir leurs arrières au cas où la situation au pays tournerait au vinaigre. Souvent, le départ se fait au moment où les enfants rejoignent l’université. Ils en profitent souvent pour accompagner leurs enfants et dénicher en même temps un permis de résidence pour toute la famille. À terme, la plupart finissent par prendre la nationalité de leur nouveau pays d’accueil qui leur garantit une tranquillité d’esprit à vie. Parmi les pays privilégiés, le Canada reste en tête grâce à sa politique migratoire plus souple en faveur des investisseurs et des hauts cadres ayant une solide expérience professionnelle.

Si la mère et les enfants restent à l’étranger, le père de famille lui fait souvent des aller-retour vers Haïti pour continuer à surveiller ses affaires florissantes. Et dès qu’il le peut, il prend soin de sortir l’argent du territoire pour aller le cacher loin des regards jaloux. Bien entendu, ces migrants haut de gamme ne prennent pas des barques de fortune pour se rendre dans leur nouveau pays d’accueil. C’est par avion, parfois en première classe, qu’ils se déplacent. Comme dirait un migrant qui a failli laisser sa vie au large des côtes américaines : “l’avion pour les bergers, et le radeau pour les moutons comme nous”!.

Dernièrement, c’est un sénateur haïtien qui a involontairement braqué les projecteurs sur ces migrants de la haute société. Rony Célestin, qui appartient au parti présidentiel, a défrayé la chronique après que sa femme ait acheté une villa à Montréal pour la somme de 4,25 millions de dollars canadiens, soit un peu plus de 3,3 millions de dollars américains. Comme dit l’adage, vivons cachés, vivons heureux! Malheureusement pour Célestin, la communauté haïtienne établie à Montréal veille au grain. L’achat d’un tel bien n’est pas passé inaperçu, surtout que les salaires cumulés du parlementaire et de sa femme Marie-Louisa qui travaille au consulat d’Haïti à Montréal ne permettent pas de s’offrir une demeure luxueuse et hors de prix pour le commun des mortels.

Lorsque les avocats de notre très cher et très honorable sénateur ont essayé de justifier la provenance de l’argent, au lieu de sauver la face de Rony, ils n’ont fait que le fourvoyer encore davantage. Un peu comme celui qui se retrouve coincé dans les sables mouvants. Plus il s’agite, plus il s’enfonce! On attend toujours à ce que ces avocats viennent nous expliquer comment cet argent si “péniblement” gagné en Haïti a refait surface à Montréal, surtout que le principal intéressé clame qu’il est encore et toujours résident haïtien. On est loin de l’image du pauvre migrant qui cache ses maigres économies dans un sac en plastique avant de les cacher sous ses vêtements en espérant qu’il ne sera pas avalé lui et son argent par un requin.

Voilà donc un autre exemple flagrant qui montre les deux mondes parallèles dans lesquels évoluent les Haïtiens. Et dans tout cela, le gouvernement ne fait rien pour retenir ses enfants au pays. Pourtant, ces enfants sont notre principale richesse. Un capital humain irremplaçable qui a besoin d’être formé et éduqué pour construire Haïti de demain. Notre jeunesse a besoin de perspectives pour pouvoir se projeter dans l’avenir, d’emploi pour pouvoir se nourrir et vivre convenablement, de sécurité pour sortir dans la rue sans craindre de tomber sous les balles de gangs enragés qui n’ont peur ni de la police ni du créateur éternel.

Vivement qu’à l’issue des élections qui seront organisées cette année, le prochain gouvernement prenne le problème migratoire à bras le corps. Autrement, la fuite des cerveaux et des capitaux se poursuivra au même rythme, ce qui finira par saigner le pays à blanc.

Stéphane Boudin

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