Mais pourquoi ça n’arrive qu’à nous? Pourtant, notre pays est beau, généreux, avec des richesses incomparables. De même, les Haïtiens sont connus pour être un peuple chaleureux, accueillant, un peuple qui valorise la communauté et la culture. Partout, on nous envie notre patrimoine immatériel, notre créativité artistique, notre musique rythmée qui reflète la passion et la joie de vivre. Alors, pourquoi le sort a voulu que notre pays soit pris en otage de cette façon par des groupuscules de gangs, de criminels et de politiciens pour qui la vie humaine n’a aucune valeur.
Le peuple haïtien est une force de résilience et de courage. Depuis toujours, on est animés par l’esprit de solidarité et le soutien mutuel. Malheureusement, une minorité est en train de saper toutes ces qualités ancestrales, ruinant au passage l’avenir de notre pays et celui de nos enfants. Les Haïtiens en ont plus qu’assez des gangs. C’est un cri du cœur qui retentit dans tout le pays, dans toutes les rues, dans tous les foyers. Les gangs font la loi, terrorisent les populations, extorquent les commerçants, kidnappent les enfants, les femmes, les hommes.
Les Haïtiens n’ont pas à subir la loi d’une minorité constituée d’hommes armés et de politiciens en costume cravate qui pensent que le pays leur appartient et peuvent y faire ce que bon leur semble. Il est inadmissible qu’un peuple en entier soit pris en otage par une poignée d’individus.
Les Haïtiens se retrouvent coincés entre des gangs armés et des politiciens corrompus qui ont assurément des liens avec ces mêmes gangs. Les groupes armés, dont certains ressemblent à s’y méprendre à des milices, ont une emprise croissante sur le pays, prenant le contrôle de nombreuses zones urbaines où ils y exercent leur pouvoir par la violence, la coercition et l’extorsion. Pendant ce temps, les politiciens corrompus ont profité de cette situation pour s’enrichir et se maintenir au pouvoir, tout en faisant des promesses vides de sens. Cette impasse a créé une crise humanitaire dans le pays, avec des citoyens qui ne peuvent plus aller travailler, envoyer leurs enfants à l’école ou même se déplacer en toute sécurité. Il est urgent que des solutions soient trouvées pour mettre fin à cette crise et permettre enfin aux Haïtiens de pouvoir vivre en paix et en sécurité.
La souffrance des Haïtiens au quotidien fait désormais les manchettes des journaux et médias internationaux. Malheureusement, même les plus grandes puissances comme les États-Unis n’osent pas s’aventurer seules pour régler un problème devenu endémique et qui risque de déborder au-delà des frontières haïtiennes et déstabiliser toute la sous-région.
Depuis la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier en 1986, Haïti a connu une succession de bouleversements politiques chroniques qui ont favorisé l’émergence des gangs. À tel point que ces derniers sont devenus des acteurs incontournables de la vie politique, économique et sociale du pays. Ils sont à la fois des groupes armés, des entrepreneurs, des politiciens, des mafias. Ils ont leurs propres codes, leurs propres règles, leurs propres territoires. Ils se battent pour le contrôle des quartiers, des routes, des ports, des aéroports, des marchés, des ressources naturelles.
Prenons l’exemple de Jimmy Chérizier alias Barbecue, un surnom lié à sa faculté à faire souffrir ses semblables plutôt qu’à griller de la viande de bœuf dans un jardin. Barbecue est la preuve vivante que le système actuel qui prévaut dans notre pays honore les criminels et les malfrats plutôt que les gens justes. Autrement, comment expliquer que cet ancien policier déchu de son poste arrive aujourd’hui à terroriser la population et à s’imposer sur le plan politique. Ayant été un des lieutenants de l’ancien président Michel Martelly, Barbecue a joué un rôle important dans la création des “tontons macoutes” modernes, une milice armée qui est responsable de nombreuses exactions morbides.
Depuis que Martelly a quitté son poste en 2016, Chérizier a continué de renforcer son pouvoir et son influence dans le pays, utilisant dès qu’il en a l’occasion la violence et la menace pour maintenir son emprise sur les quartiers pauvres de Port-au-Prince et d’autres villes haïtiennes. Les habitants de ces quartiers sont souvent victimes de crimes odieux qui sont commis en toute impunité.
En dépit de ces actions criminelles, Chérizier a réussi à s’imposer sur le plan politique en Haïti, en obtenant le soutien secret de certains membres du gouvernement et en se faisant passer pour un défenseur des pauvres et des opprimés. Il ne lui reste plus qu’à créer un parti politique pour entrer en scène.
Cela étant, les Haïtiens conscients des activités criminelles de Chérizier et de sa milice ne se laisseront pas berner par ses promesses populistes et vont continuer à se mobiliser contre lui, mais aussi contre tous ces politiciens véreux qui sont les premiers responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Haïti est devenu un véritable terrain de jeu pour les mafieux en tous genres constitués d’hommes d’affaires, de politiciens, de tueurs, de fonctionnaires malhonnêtes, de trafiquants, etc.. Il est plus que temps de faire le ménage. Il est essentiel que Haïti revienne aux Haïtiens, que les citoyens soient les véritables décideurs de leur avenir et que les gangs armés et les politiciens corrompus soient écartés du pouvoir. C’est un défi considérable, mais c’est également une opportunité de renouveau pour Haïti.
Pour cela, on devra mettre en place des réformes profondes, lutter contre la corruption, renforcer l’État de droit et restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions. Les Haïtiens méritent un avenir meilleur et plus juste, et cela ne pourra se réaliser que si Haïti revient aux Haïtiens.
Stéphane Boudin
