Les spectacles virtuels des groupes musicaux haïtiens: Un vrai exutoire

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Par Robert Noël 

Le coronavirus a mis le monde à genou, et personne ne peut prédire l’avenir. Il a causé un vrai chambardement, qui a provoqué la chute de l’économie mondiale. Malgré sa force et son grand impact sur le monde, il ne peut atteindre et étouffer la culture d’un peuple. Le monde scientifique continue de spéculer et n’arrive pas à trouver une solution à la pandémie covid-19. Malgré tout, on s’accroche à l’espoir d’un lendemain meilleur. Entre-temps, les musiciens du marché konpa dirèk ont trouvé un exutoire pendant le confinement. Ils gratifient les confinés du monde de plusieurs spectacles virtuels. C’est aussi pour eux un moyen de trouver le soutien financier du public et, du même coup, pour tenir ce genre musical en vie.

La vérité sur le marché konpa dirèk à l’heure du coronavirus

Le marché musical konpa dirèk n’est pas infecté, il est plutôt affecté par le coronavirus. Il respire encore. Pour survivre, les groupes musicaux haïtiens offrent des performances virtuelles vivantes -live- tout en sollicitant le support financier des fans via Cashapp, Zelle, Pay Pal, Interact, Moncash, etc. On est en droit de dire qu’une industrie du Live est créée. On voit bien que des orchestres qui donnaient l’impression d’être économiquement stables embrassent la nouvelle idée du Live. Certaines gens pensent qu’ils demandent l’aumône. D’autres, voulant se montrer plus humbles, suggèrent de ne pas écraser leur sébile ( pa kraze kwi yo). La situation paraît extrêmement difficile pour les musiciens. Est-ce le moment de leur tourner le dos?

Il faut prendre en compte tous les faits liés au circuit HMI? Les musiciens n’ont pas un salaire décent et n’ont droit à aucun bénéfice social. Malgré tout, certains feraient croire le contraire. Fous qui y croient. Les musiciens à salaire journalier – les giggers- sont les plus touchés par le confinement. Il faut dire que beaucoup d’entre eux avaient décidé, avant la pandémie, de devenir chauffeurs de camions / trucks, de taxis Uber et Lyft aux États-Unis. Tout allait bien pour eux, mais les temps ont changé. Le chômage connaît une croissance exponentielle partout dans le monde. Face à cette situation, certains gouvernements avaient offert des chèques pour stimuler l’économie en support aux familles. Un tel support ne représente pas grand-chose, considérant l’énormité des besoins des bénéficiaires. Il est impératif qu’on se pose la question suivante. Combien de nos musiciens et managers de groupes musicaux ont bénéficié d’une telle aide financière aux États-Unis, quand on sait qu’ils ne payent pas d’impôts sur le revenu?

Le réveil de la conscience collective et la technologie numérique.

Certaines personnes pensent que les artistes ne doivent solliciter aucun support sur Cashapp, Zelle, Moncash ou Pay Pal. On a assisté à de nombreuses performances virtuelles live sur Youtube et Facebook. Certaines d’entre elles laissent à désirer. Il faut toutefois signaler que beaucoup de groupes musicaux et solo-artistes défunts sortent de leur sépulcre pour venir présenter de telles performances. Ce sont donc des morts – vivants ou des vivants morts spirituellement et musicalement. Un grand fait mérite aussi d’être partagé. Tous les groupes musicaux sont en retard de phase.

Ils font aujourd’hui ce qu’ils auraient dû faire il y a de cela cinq ou six ans: présenter des spectacles et des concerts au lieu d’animer des soirées dansantes chaque weekend. Le konpa dirèk a été conçu pour être une musique de danse. Il est aujourd’hui dénaturé depuis l’invention des téléphones portables et des tablettes. Tout le monde devient photographes, vidéographes aux soirées animées par les orchestres. Les gens ne dansent plus aux bals et les groupes musicaux n’ont pas décodé le message. Le silence est un langage fort et complexe. L’espace de danse deux carreaux est devenu désuet. Les participants aux soirées montraient plutôt leur besoin de bonnes chorégraphies et de spectacles plaisants, ce que les groupes musicaux n’ont pas su comprendre. Ki moun kap panse pou yo? Aujourd’hui, les orchestres haïtiens utilisent la technologie à leur avantage. Ils créent une section VIP virtuelle, où les gens en confinement à la maison assistent au spectacle en personne.

On les montre sur ZOOM de temps en temps. Mezi lajan w, mezi wanga w. Plus grande est sa contribution, davantage le / la contribuable apparaît sur ZOOM. Rien ne se fait pour rien. Ces gens envoient leur support par Cashapp, Zelle, Pay Pal, Interact, rien que pour se faire présenter à l’écran. Certains s’exhibent même consommant des boissons, telles que Cognac Rémy Martin V.S.O.P, bouteilles de champagne de marque André ou de meilleures qualités, comme Moët et Cristal. C’est une façon de satisfaire leur désir et d’alléger les effets négatifs du confinement.

Cette initiative apporte un soutien aux groupes musicaux qui encourent des dépenses pour réaliser la mise en scène des performances virtuelles, préenregistrées dans la plupart des cas. Malheureusement, ils sont souvent déficitaires. Certaines formations musicales laissent croire qu’elles ont fait bonnes recettes. Quelques vantards parlent même de recettes de leur groupe, de l’ordre de USD 45 000$ et même de $75 000. Mentir peut courir à toute allure, mais la vérité l’attrapera quand il vient à bout de souffle. Les administrateurs d’orchestres, les vidéographes, les stations de télévision locale, les animateurs assurant les reportages en direct, déclarent-ils l’argent reçu des contribuables au fisc américain, l’IRS, et à la Direction générale des impôts en Haïti, après avoir fait de telles déclarations? C’est un revenu non déclaré.

Tous les groupes musicaux, les présentateurs d’émissions musicales ou animateurs de débats espèrent atteindre un million de visionneurs pour recevoir un chèque des responsables de cette plateforme conçue, en vue de la diffusion des vidéos en ligne. Ce n’est pas sans raison qu’on les entend souvent dire: pataje live la, share the live, subscribe….abone ak chanèl la. Certains animateurs, pris de peur, décident de tirer à boulets rouges sur d’autres présentateurs qui explorent un univers différent des leurs, mais qui accusent de plus de visionneurs qu’eux. Ce marché musical fonctionne vraiment à l’image réelle d’Haïti, qui ne saurait être virtuelle.

L’avenir des spectacles virtuels et l’esprit de créativité pour sa survie

On remarque que la distanciation sociale n’est pas respectée dans le circuit musical. On constate que certains musiciens portent des cache-menton au lieu de cache-nez, à leurs risques et périls. Ils ne soucient guère des recommandations relatives au nombre de gens qui peuvent se rassembler dans un espace. Ils ignorent peut-être qu’il y a des musiciens du circuit konpa dirèk qui ont contracté le coronavirus. Je me garde de citer leurs noms, n’ayant pas l’autorisation légale d’eux ou bien des membres de leur famille. Ils sont plus qu’une quinzaine. Souvent on se trompe, pensant qu’on est surhumain et immunisé contre les virus et bactéries.
Le coronavirus est trompeur. Tout au début, les scientifiques faisaient croire qu’il n’infectait pas les noirs. Il semblerait que certains musiciens du marché konpa dirèk y croient encore, malgré les preuves contraires. Un tel comportement peut compromettre l’avenir des spectacles virtuels.

Quoiqu’on dise ou fasse, tous les orchestres sont en phase expérimentale d’une nouvelle approche: jouer dans une salle sans la présence d’un public. Une telle situation requiert une bonne préparation mentale des musiciens. Ces artistes doivent faire de leur mieux pour éviter la répétition fréquente des spectacles de même format, où le même répertoire est offert- menm ti bagay la. Ils deviendront monotones dans un futur pas trop lointain. Les raisons sont multiples. Les gens ne pourront pas contribuer toutes les fois que les groupes offrent une performance.

L’argent se fait rare -lajan monte bwa. La section VIP va diminuer graduellement. Il faut que les musiciens diversifient leurs performances pour capter l’attention des fans. À se rappeler que la créativité est au succès ce que le souffle est à la vie – n.j.r.

L’approche des spectacles virtuels ne se ressemble pas à l’ambiance des bals en weekend. Cette nouvelle tendance est une fenêtre ouverte sur le monde entier, mieux que les soirées dansantes dans les boîtes de nuit. Les responsables de groupes et les organisateurs de soirées doivent penser à d’autres stratégies. On se rend compte que le retour dans les boîtes de nuit n’est pas pour demain. La vérité blesse. Il faut que les choses soient dites sans maquillages et sans détour- pagen wout pa bwa.

Mieux vaut la vérité qui déplaît qu’un mensonge procurant une joie fictive. Le coronavirus a vraiment déboussolé le monde, incluant le secteur de la musique en général. Les pertes financières sont énormes tandis que les soutiens apportés aux artistes sont insignifiants. Bagay piti pa chich, se chich ki pa bay- n.j.r
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LE FLORIDIEN

 

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