Macron sur Haïti : quand les vieux réflexes colonialistes resurgissent !

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(Miami ) – À la veille de 2025, il est frappant de constater que certaines mauvaises habitudes perdurent, venant de dirigeants de grandes nations qui se revendiquent comme des démocraties exemplaires, allant jusqu’à s’adjuger des titres pompeux comme “nation des Lumières”. Récemment, le président français Emmanuel Macron s’est illustré avec des propos condescendants et offensants à l’encontre d’Haïti, ravivant au passage les blessures du passé. Ses déclarations, bien qu’informelles, ont suscité l’indignation, rappelant à ceux qui auraient tendance à l’oublier que les réflexes colonialistes ne sont jamais bien loin. Dans un contexte où Haïti lutte pour sa souveraineté et son avenir, les paroles du chef d’État français ont le mérite de poser la question qui fâche : la France est-elle vraiment prête à traiter Haïti d’égal à égal ?

Les mots blessants de Macron envers Haïti

Les propos tenus par Emmanuel Macron sur Haïti ont frappé comme une gifle. Qualifiant le limogeage du Premier ministre haïtien Garry Conille de “complètement con” et insinuant que les Haïtiens sont responsables de la destruction de leur propre pays, il a dépassé les limites du respect et des bons usages diplomatiques. Les mots déplacés prononcés par le Chef de l’État français et rapportés par les médias ont été tenus en marge d’un sommet international, dans un cadre que Macron pensait privé. Mais peu importe le contexte, les paroles d’un président portent un poids symbolique et politique fort.

Pour beaucoup d’Haïtiens, ce dérapage verbal est une insulte à une nation qui se bat contre des crises multiples, amplifiées par des siècles d’ingérences étrangères, notamment françaises. La situation actuelle d’Haïti est le résultat d’un mélange de facteurs internes et externes, et réduire ses problèmes au seul fait des Haïtiens revient à nier cette réalité. Les remarques de Macron ne reflètent pas seulement un mépris pour les dirigeants haïtiens, mais aussi une méconnaissance du rôle que des puissances comme la France ont joué dans l’instabilité structurelle de notre pays.

Ce n’est pas la première fois que des leaders occidentaux affichent une attitude condescendante envers Haïti. Les remarques désobligeantes de Trump envers notre pays sont encore fraiches dans nos mémoires. Mais venant de Macron, qui se positionne comme un leader mondial moderne et progressiste, c’est particulièrement décevant. En réalité, ses paroles révèlent une vision paternaliste que beaucoup pensaient révolue, où l’Occident distribue les bons et les mauvais points, sans jamais regarder ses propres erreurs, et encore moins prendre ses responsabilités historiques. Cette hypocrisie des pays développés, combinée à une vision nombriliste du monde, se manifeste notamment lors des sommets sur le climat, comme la COP, où les pays riches, pourtant historiquement responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre, exigent des efforts disproportionnés de la part des nations les plus pauvres.

Macron, le président gaffeur

Emmanuel Macron n’en est pas à son coup d’essai. Depuis son accession à la présidence, il a souvent été critiqué pour son ton mal calibré et ses propos maladroits, qui ont enflammé des relations déjà fragiles entre la France et certaines de ses anciennes colonies. Ses déclarations, parfois teintées d’une arrogance à peine voilée, trahissent un manque de volonté flagrant pour comprendre les sensibilités historiques et culturelles de ses interlocuteurs.

Un des épisodes les plus marquants reste sa visite en République démocratique du Congo (RDC) en 2023, où il a été sévèrement recadré par le président Félix Tshisekedi. Devant les caméras, ce dernier lui a reproché son ton paternaliste et sa tendance à distribuer des leçons de gouvernance et de démocratie comme si ces concepts appartenaient exclusivement à l’Occident. “ Regardez-nous autrement, en nous considérant comme des partenaires et non avec un regard paternaliste “, avait lancé Tshisekedi, visiblement excédé par l’entêtement des dirigeants français à toujours vouloir donner des leçons aux autres. Cet échange public, largement relayé, a exposé au grand jour une faiblesse majeure de Macron : son incapacité à s’adapter aux subtilités de la diplomatie, notamment envers les pays du sud global.

L’incident en RDC n’est pas un cas isolé. En Algérie, Macron a provoqué un tollé en remettant en question l’existence même d’une nation algérienne avant la colonisation française. Au Sénégal, il a commis une autre maladresse en insinuant que tant que la démographie en Afrique n’était pas contrôlée, il n’y aura aucune stabilité.
Là où un Jacques Chirac avait l’habileté de cultiver un respect mutuel et savait peser chaque mot pour apaiser les tensions, Macron semble avancer sans boussole, multipliant les maladresses et oubliant que les relations internationales ne se résument pas à des exercices de communication hasardeuse.

Pour les Haïtiens, l’attitude de Macron est le signe d’un mépris latent, qui ne dit pas son nom. Derrière les discours officiels sur la coopération et l’amitié franco-haïtienne, il reste cette arrogance postcoloniale qui veut qu’Haïti soit toujours traité comme un élève turbulent auquel la France se sent obligée de donner des leçons. Le problème ne réside pas seulement dans les maladresses verbales de Macron ; il s’agit d’un enjeu plus profond, celui d’une posture politique qui refuse d’évoluer avec les réalités géopolitiques actuelles.

Macron perpétue l’image d’une France figée dans un passé qu’elle peine à dépasser. Il ne suffit pas de tenir des discours progressistes ; encore faut-il en adopter l’esprit. Sinon, comment expliquer le soutien sans faille de la France à des dictateurs qui sont à sa solde, à l’image du Président tchadien Deby fils qui a succédé à son père (le général Mahamat Idriss Déby), ou encore la dynastie Bongo qui avait un lien presque fusionnel avec la France, au détriment du peuple gabonais qui voyait ses richesses pétrolières pillées.

Une relation France-Haïti à repenser

Les dynamiques géopolitiques mondiales ne jouent plus en faveur de cette France arrogante et dominante. L’Afrique de l’Ouest, ancien bastion de l’influence française, a été le théâtre d’une série d’humiliations retentissantes pour Paris ces dernières années. Des pays comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont congédié les forces militaires françaises avec une fermeté qui traduit un rejet catégorique de la tutelle historique exercée par l’ancienne puissance coloniale. Ces décisions, prises par des gouvernements qui revendiquent une souveraineté pleine et entière, marquent un tournant historique.
En 2021, le Mali a donné le ton en exigeant le départ immédiat des troupes françaises de son territoire, dénonçant une opération antiterroriste qui, selon Bamako, n’avait apporté ni sécurité ni stabilité. Le Burkina Faso a suivi en 2023, sommant les soldats français de plier bagage dans un délai humiliant de quelques semaines, et affichant son intention de nouer des partenariats stratégiques avec d’autres acteurs comme la Russie. L’effet domino a continué avec le Niger qui a connu des manifestations populaires massives appelant à l’expulsion des forces françaises, accusées d’aggraver les tensions locales au lieu de les résoudre.

Même des pays perçus comme des alliés historiques, tels que le Sénégal et le Tchad, commencent à prendre leurs distances. Cette série de ruptures, qui s’inscrit dans une dynamique plus large de rejet des influences occidentales, est un signe clair que le monde évolue, et que Paris n’a plus le monopole des alliances stratégiques en Afrique et dans les Caraïbes.

La Russie et la Chine, avec des stratégies diplomatiques plus discrètes mais extrêmement efficaces, attendent en embuscade pour combler le vide laissé par la France. Moscou, en particulier, mise sur la fourniture de mercenaires (via le groupe Wagner) et d’équipements militaires à des régimes en quête de stabilité, tandis que Pékin s’impose comme un partenaire économique incontournable grâce à des investissements massifs dans les infrastructures. Ces deux puissances offrent une alternative séduisante aux nations du Sud, souvent lassées par les discours moralisateurs des anciennes métropoles coloniales.

Face à ce basculement, la France devrait adopter une approche radicalement différente, y compris dans sa relation avec Haïti. Notre pays ne demande ni charité, ni leçons de morale. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un partenariat équitable, basé sur le respect mutuel et des intérêts communs. La France, si elle souhaite réellement contribuer au développement d’Haïti, doit commencer par reconnaître ses torts historiques. L’indemnité scandaleuse imposée après notre indépendance, qui a freiné notre développement économique pendant des générations, reste une plaie ouverte dans nos relations bilatérales. Une reconnaissance franche de cette injustice, accompagnée de gestes concrets, pourrait ouvrir la voie à des relations sincères et constructives.

La France, si elle veut rester un partenaire crédible, n’a plus le luxe de dicter les termes de la coopération. Les temps où elle imposait sa vision sont révolus. Aujourd’hui, d’autres partenaires, plus respectueux et plus pragmatiques, se tiennent prêts à établir des relations équilibrées avec nous. Si Paris persiste dans son mépris et son arrogance, elle risque de perdre définitivement son rôle auprès des nations qu’elle prétendait autrefois ‘éclairer’.

Dessalines Ferdinand,
Le Floridien, 29 novembre 2024

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