Lors de sa récente visite en République Dominicaine, Marco Rubio, Secrétaire d’État des États-Unis, a tenu un discours qui résonne comme un appel à la responsabilisation des dirigeants haïtiens. « La solution pour Haïti est entre les mains du peuple haïtien, entre les mains de l’élite haïtienne. Leur avenir, leur destin sont entre leurs mains », a-t-il déclaré. Ce message, clair et direct, place les responsabilités de la crise actuelle sur ceux qui, depuis plusieurs décennies, dirigent le pays sans vision durable ni réelles réformes structurelles.
Un passif politique marqué par l’irresponsabilité des dirigeants
Depuis la chute de la dictature des Duvalier en février 1986 (39 ans déjà cette semaine), Haïti a été marqué par une instabilité chronique. Les gouvernements successifs ont accumulé les échecs, oscillant entre corruption, mauvaise gouvernance et absence de stratégies économiques solides. Aucun président, premier ministre ou parlement n’a su mettre en place des institutions viables et une économie capable d’offrir un avenir digne à la population haïtienne.
Les promesses de relance économique, de lutte contre la pauvreté et d’amélioration des infrastructures ont été, à maintes reprises, détruites par le clientélisme politique, le manque de volonté réelle de changement et une dépendance excessive à l’aide internationale. Loin de s’attaquer aux racines profondes du mal haïtien, les dirigeants ont préféré naviguer à vue, alimentant une classe politique déconnectée des réalités du peuple.
L’incapacité à assurer la sécurité et la gouvernance
Aujourd’hui, une grande partie du territoire haïtien est sous le contrôle de gangs armés, une situation qui s’aggrave faute de réponses gouvernementales efficaces. Rubio lui-même reconnaît cette réalité et affirme que l’objectif premier de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) est de restaurer la sécurité et la paix en Haïti. Pourtant, cette solution externe ne peut être qu’un élément temporaire si les dirigeants haïtiens ne prennent pas leurs responsabilités en main pour assurer une stabilité à long terme.
Depuis près de quatre décennies, aucun gouvernement haïtien n’a pris les mesures nécessaires pour construire une force de sécurité capable de protéger efficacement la population. La Police Nationale d’Haïti (PNH) souffre d’un sous-financement chronique et d’un manque de formation adéquat, tandis que l’armée, rétablie en 2017, n’a jamais réellement joué un rôle significatif dans la protection du pays. Le résultat est une situation chaotique où les citoyens sont abandonnés à eux-mêmes face à l’insécurité.
Un modèle économique inexistant et une dépendance dangereuse
Le discours de Marco Rubio met également en évidence un point essentiel : Haïti doit développer une économie capable de soutenir sa population. Il souligne la possibilité de faire d’Haïti un hub pour des industries comme le textile et la manufacture, mais tant que les conditions de base – sécurité, infrastructures et stabilité politique – ne seront pas remplies, aucun investisseur ne prendra ce risque.
La politique économique du pays repose depuis trop longtemps sur l’aide internationale, les transferts de la diaspora et les missions humanitaires. Cette situation a créé une dépendance extrême et a empêché le développement d’une économie autonome et durable. Plutôt que de mettre en place des réformes pour stimuler la production locale et attirer des investissements, les gouvernements ont perpétué un modèle rentier où une petite élite profite de l’assistanat international sans créer de valeur ajoutée pour la nation.
Le message de Rubio : une responsabilisation inévitable
Le message de Marco Rubio est sans appel : l’avenir d’Haïti ne peut être décidé que par les Haïtiens eux-mêmes. L’élite politique et économique du pays ne peut plus se décharger de sa responsabilité sur la communauté internationale.
Si Haïti veut sortir du cycle infernal de la crise, il est impératif que ses dirigeants adoptent une nouvelle approche fondée sur la transparence, la gouvernance efficace et le développement durable. Il ne suffira pas d’accueillir des missions internationales ou de dépendre des bonnes volontés étrangères. Le pays doit se donner les moyens de rebâtir un État fonctionnel.
Le Secrétaire d’État sous la seconde présidence de Donald Trump, Marco Rubio, oblige, par ses déclarations, les dirigeants haïtiens à affronter leur propre irresponsabilité. Ils ne peuvent plus se réfugier derrière des excuses ou accuser l’inaction de la communauté internationale. Haïti a besoin de solutions concrètes et de leaders capables de prendre des décisions justes pour leur peuple.
Le temps des discours est révolu. Nos dirigeants actuels ne peuvent pas continuer à se masquer derrière leur incompétence. Il est temps que les politiciens et élites économiques montrent qu’ils sont des hommes et des femmes qui aiment leur pays, et non qu’ils continuent à s’appuyer sur les solutions venues de l’extérieur, car avant tout, Haïti leur appartient. Il est plus qu’urgent d’agir.
Dessalines Ferdinand / Le Floridien, 6 février 2025