La quête d’une vie meilleure, un espoir qui brûle dans le cœur de chaque Haïtien, se heurte souvent à un chemin semé d’embûches. Nous voyons nos frères et sœurs entreprendre un voyage périlleux, des plages d’Haïti aux contrées lointaines de l’Amérique du Sud. Le Nicaragua, par exemple, est devenu une escale courante, à défaut d’être une destination finale, servant de tremplin vers le nord. De là, les migrants poursuivent leur odyssée à pied, en stop ou en bus, bravant les dangers pour atteindre ce qu’ils perçoivent comme l’eldorado américain.
Mais avant d’y arriver, nos compatriotes endurent souvent le martyre, rackettés par des gangs et des cartels aussi violents que ceux qu’ils ont laissés derrière eux en Haïti. Rares sont les Haïtiens qui sortent indemnes d’un tel périple. Dépouillés financièrement, maltraités physiquement, humiliés, subissant les affres d’un racisme primaire des populations et de la police, nos compatriotes arrivent souvent aux États-Unis dans un état déplorable, éprouvés autant matériellement que psychologiquement. Beaucoup ont besoin de plusieurs années pour se reconstruire et tourner cette page traumatisante. Encore faut-il qu’ils aient la chance de ne pas se faire attraper par les services d’immigration qui peut les faire sortir bien plus vite qu’ils ne sont entrés.
Car oui, la réalité est souvent bien loin de leur aspiration. L’administration Biden, qu’on pensait plus clémente que celle de Trump, a montré un visage ferme et intraitable dans sa politique d’expulsion des sans-papiers. Les images déchirantes de nos concitoyens traités comme des criminels à la frontière américaine nous interpellent. Ces mamans qui ont investi toutes leurs économies, et celles de leurs proches, et qui se retrouvent embarquées dans un avion avec leurs petits vers la case départ, alors qu’elles ont touché leur rêve américain du bout des doigts. Devons-nous continuer sur cette voie semée d’incertitudes et de souffrances, ou est-il temps de considérer des alternatives plus sûres et légales ?
Car oui, le monde est vaste, et il n’y a pas que les États-Unis d’Amérique où les Haïtiens peuvent vivre et s’épanouir librement. D’autres pays offrent de réelles opportunités. Il suffit de connaître les règles et de le respecter pour y poser ses valises en toute légalité, sans vivre dans la peur permanente de se faire arrêter après un contrôle inopiné.
Le Canada, par exemple, avec ses programmes d’immigration bien établis, représente une alternative viable. Le pays a ouvert ses portes aux professionnels qualifiés, y compris les infirmières qui sont en forte demande. Nos concitoyens peuvent entamer les procédures d’immigration canadiennes avec un espoir raisonnable de succès, étant donné que le pays à la superficie surdimensionnée continue d’avoir besoin de main d’œuvre qui lui fait cruellement défaut. Le programme des travailleurs qualifiés du Québec, par exemple, est une voie d’accès qui mérite d’être explorée. Il y’a aussi le programme d’immigration Entrée Express conçu pour les emplois sous tension et qui sont à pourvoir rapidement. Attention toutefois de ne pas se laisser entrainer pas certaines agences crapuleuses qui vous promettent monts et merveilles, alors qu’elles n’ont aucun pouvoir décisionnel pour vous décrocher le précieux sésame : la carte de résidence permanente.
Et il n’y a pas qu’en Amérique du Nord que les travailleurs qualifiés sont en manque. En Europe aussi, la demande est forte. Ainsi, l’Allemagne, avec son marché du travail en expansion, cherche activement des migrants qualifiés pour combler les lacunes en matière de compétences. Les opportunités abondent dans divers secteurs, et l’apprentissage de la langue allemande pourrait être un petit prix à payer pour une vie stable et sécurisée. C’est une chance de bâtir un nouveau départ sur des fondations solides, tout en contribuant positivement à un pays qui nous accueille à bras ouverts. En ce moment, le pays de Goethe recrute à tour de bras dans les domaines de la santé, de l’informatique, et de l’ingénierie.
La Suisse, elle aussi, présente des opportunités pour les migrants qualifiés. Réputée pour sa qualité de vie et une couverture sociale modèle, il est possible de trouver un emploi stable dans divers secteurs. En outre, la présence d’organisations internationales offre des perspectives d’emploi pour ceux qui ont des compétences et des expériences spécifiques. Mais comme en Allemagne, c’est les professions médicales, les métiers liés à l’information (IT) et ceux de l’ingénierie qui connaissent un gros déficit.
Ce qui est sûr, c’est que la diaspora haïtienne a toujours été une source de soutien et d’espoir pour notre patrie. En explorant ces nouvelles voies, nous ne faisons pas que diversifier les opportunités pour notre communauté, mais nous créons également des liens qui peuvent être bénéfiques pour Haïti à l’avenir. Les relations que nous tissons aujourd’hui avec d’autres nations peuvent se transformer en partenariats fructueux qui aideront à éradiquer la corruption et à rétablir la dignité et la prospérité en Haïti.
Bien que le rêve américain ait longtemps été gravé dans nos cœurs, il est temps d’élargir notre perspective et d’envisager des alternatives légales qui s’offrent à nous. Le Canada, l’Allemagne, et la Suisse, mais aussi l’Australie ou les Émirats arabes unis sont des exemples de destinations qui non seulement peuvent accueillir les compétences et l’expertise haïtiennes, mais offrent également une chance à nos concitoyens d’approfondir leur formation et d’acquérir de nouvelles expériences qu’ils pourront par la suite en faire bénéficier leur pays d’origine. Notre détermination et notre ingéniosité en tant qu’Haïtiens sont nos plus grands atouts, et ils seront la clé de notre succès, peu importe la destination que nous choisissons. Car au final, où qu’on soit, notre maison est, et restera à jamais, Haïti.
Stéphane Boudin
