Pont-Sondé : Quand les gangs détruisent et l’État regarde

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Pas une semaine ne passe sans que les manchettes des journaux internationaux ne parlent de massacres commis dans notre pays par des gangs surarmés et hors de contrôle. Le 3 octobre dernier, c’est le gang Gran Grif qui s’est mis en valeur en franchissant les limites de ce qui est humainement soutenable. Sous la direction de Luckson Elan, jusque-là inconnu du grand public, les membres du Gran Grif ont mené une attaque d’une violence inouïe contre les habitants de Pont-Sondé, tuant et massacrant de sang-froid au moins 115 personnes selon le dernier bilan partiel communiqué par la mairesse de Saint-Marc, Myriam Fièvre. Un bilan qui malheureusement ne cesse de s’alourdir à mesure que l’on découvre de nouveaux corps, ou que les blessés graves trépassent faute de soins adéquats dans un système hospitalier lui aussi dépassé.

L’attaque du 3 octobre vient s’ajouter à la longue liste de violences qui gangrènent notre pays ces dernières années. Ce nouveau drame met surtout en lumière l’échec du gouvernement et de la communauté internationale à protéger la population contre des bandes criminelles de plus en plus puissantes et décomplexées. Les Haïtiens, pris en otage, ne savent plus à quel saint se vouer. Surtout, ils ont du mal à trouver des explications rationnelles face à ce niveau de barbarie. Le gang Gran Griff a été sans pitié, massacrant indistinctement des bébés, des personnes âgées et des jeunes mères. L’horreur indescriptible qu’a connu Pont-Sondé, ville autrefois paisible et prospère, risque de marquer les esprits pendant des générations.

En état de choc, les habitants pointent du doigt l’inaction du gouvernement qui n’a pas pris au sérieux les avertissements lancés par le gang sur les réseaux sociaux quant à l’imminence de l’attaque. Le gang Gran Grif, considéré comme l’un des plus puissants de la région d’Artibonite, n’en est pas à son premier coup d’essai. Il a déjà été derrière de nombreuses exactions depuis sa création il y a près de 10 ans. Soutenu à l’origine par un politicien, en l’occurrence l’ancien législateur Prophane Victor qui cherchait un bras armé pour assurer son élection comme il est de coutume malheureusement chez nous, le gang Gran Grif s’est ‘émancipé’ au fil des années pour devenir une machine impitoyable de terreur. Les vidéos glaçantes qui circulent sur internet après le massacre de Pont-Sondé témoignent de l’étendue des brutalités sur les innocents : murs criblés de balles, maisons et voitures incendiées, viols, cadavres jonchant les rues. Au moins 6000 personnes ont été déplacées face à ce déluge de violence, cherchant refuge dans les localités voisines telles que Saint-Marc qui pourrait très bien devenir la prochaine cible si les autorités persistent dans leur passivité. À noter que le Conseil de sécurité des Nations-Unies, face à l’ampleur du crime, a sanctionné Victor Prophane et Luckson Elan, avec en prime une notice d’Interpol délivrée à leur encontre afin qu’ils soient appréhendés pour répondre de leurs actes devant la justice.

Car oui, l’État a encore une fois failli dans la protection des citoyens. Où sont donc les policiers kényans censés rétablir l’ordre? Où sont Gary Conille et ses promesses de chasser les gangs partout où ils se trouvent? Le sentiment de désespoir parmi les habitants n’a jamais été aussi grand. Cette nouvelle tragédie renforce plus que jamais l’idée que l’État haïtien est incapable d’endiguer les violences qui gangrènent le pays. Les engagements pour plus de justice et de protection paraissent vides de sens pour une population fatiguée, épuisée par des années d’errements.

L’attaque de Pont-Sondé est également un signal clair lancé à la communauté internationale : Haïti a besoin de plus d’aide, plus de renfort, plus d’hommes pour mettre fin au cycle de violences. Le manque de moyens financiers, matériels et humains entrave les opérations de maintien de la paix, laissant des régions entières à la merci des gangs. Car oui, Haïti, ce n’est pas seulement Port-au-Prince. C’est aussi l’Artibonite, les Nippes, la Grand’Anse… autant de régions sans défense livrées à la sauvagerie des gangs qui y massacrent impunément les populations. On ne saurait se taire et rester les bras croisés face à toutes ces tragédies dont sont victimes nos concitoyens au quotidien. Il faut agir vite. Il faut agir maintenant !

Le premier signe nous vient peut-être du Kenya qui a annoncé il y a quelques jours l’envoi de 600 policiers supplémentaires. Les autorités kenyanes semblent avoir pris la mesure de l’immensité du défi sur le terrain, loin des discours triomphalistes du Président kényan, Mr Ruto, qui disait vouloir ‘briser’ les gangs haïtiens.

Vivement que les autres nations, États-Unis en tête, comprennent l’urgence de la situation et dépêchent elles aussi des renforts. Vivement qu’une aide massive en matériel et instructeurs vienne renforcer la défunte PNH (Police Nationale d’Haïti) qui n’existe plus que sur le papier. Vivement que le gouvernement Conille prenne des mesures drastiques pour restaurer l’ordre, dans les rues, mais aussi au sein de la classe politique qui est loin d’être innocente.

Laisser les gangs continuer leurs exactions, c’est condamner nos frères, nos sœurs, nos parents, nos enfants, à vivre dans la peur et l’insécurité. Les Haïtiens méritent de vivre en paix, loin de la terreur imposée par ces groupes armés lâches.
Vivement que l’espoir renaisse dans le cœur de chaque Haïtien. Que nos rues cessent d’être le théâtre de violences, et que les enfants puissent enfin jouer en toute innocence, sans la menace constante de balles perdues ou d’enlèvements. Nous devons pouvoir regarder l’avenir avec confiance, ne plus craindre chaque instant, chaque coin de rue, chaque inconnu croisé en chemin. Il est urgent que la communauté internationale, mais aussi nos propres dirigeants, ouvrent les yeux et agissent.

Haïti ne peut plus se permettre d’attendre. Les larmes de nos mères et la douleur de nos familles doivent cesser. Le gouvernement actuel doit faire preuve de courage et d’humanité, en prenant des mesures concrètes, en purgeant les maux qui gangrènent notre société, en chassant la corruption, en reconstruisant une PNH forte et respectée. Ce n’est qu’à ce prix que nos frères et sœurs pourront respirer, revivre, retrouver la fierté d’être Haïtiens. Ensemble, nous devons nous relever. Pour nous. Pour nos enfants.

Stéphane Boudin

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