Friday, September 20, 2024

Que cache le refus du gouvernement d’accepter les vaccins de l’OMS?

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Les Haïtiens sont tombés des nues lorsqu’ils ont appris que leur gouvernement a refusé de recevoir un grand lot de vaccin envoyé par l’OMS dans le cadre du programme Covax. Covax est une initiative qui a pour but d’assurer un accès au vaccin anti-Covid-19 aux pays en voie de développement dont Haïti fait partie. Alors qu’un peu partout à travers le monde, plusieurs nations ont entamé tambour battant leur campagne de vaccination, Haïti est l’un des rares pays dans le monde (4 en tout) à trainer la patte. La faute à une bataille internationale qui fait rage pour se procurer les vaccins, alors que l’offre est largement en dessous de la demande. D’ailleurs, certains laboratoires en ont profité pour faire jouer la surenchère et augmenter ainsi les prix des vaccins.

Toujours est-il, étant donné qu’Haïti était dans la liste d’attente du programme Covax, ce n’était qu’une question de semaines avant que notre pays ne reçoive lui aussi son premier lot de vaccins. Et c’est ce qui est arrivé. L’OMS a annoncé il y a peu aux autorités haïtiennes qu’elle comptait lui expédier 760.000 doses du vaccin AstraZeneca contre la Covid-19. Un lot important qui aurait permis de vacciner 760.000 personnes avec une dose, ou la moitié de ce chiffre avec deux doses complètes. Sauf que, entre temps, le gouvernement haïtien s’est montré réservé estimant que c’était là une sorte de cadeau empoisonné, étant donné les différentes polémiques qui ont entaché l’image de ce vaccin depuis sa sortie. Ce qui n’est pas faux!

Dès sa distribution, le vaccin AstraZeneca a en effet déchaîné les passions et les craintes dans plusieurs pays. Tout d’abord, il a été soupçonné d’avoir provoqué le décès de quelques personnes âgées. Bien que le nombre de ces décès ne dépasse pas une dizaine alors que le vaccin a été administré à des millions de personnes, les autorités sanitaires européennes ont décidé de geler l’utilisation du vaccin le temps de mener une enquête plus approfondie. Celle-ci a révélé qu’aucun lien entre le vaccin et les décès recensés ne peut être prouvé avec certitude, et que le ratio bénéfice/risque était largement en faveur du vaccin. Il n’y avait donc pas lieu d’interdire son utilisation. Mais pour ne pas exposer la population à un danger évitable, des pays comme l’Allemagne ont préconisé le vaccin AstraZeneca seulement pour les sujets jeunes.

Quelques semaines plus tard, rebelote. Cette fois, on soupçonne que le vaccin AstraZeneca provoque des thromboses atypiques… mais chez les jeunes. Les autorités sanitaires ont dès lors commencé à s’arracher les cheveux, ne sachant plus où donner de la tête. Déjà que les vaccins manquent, et le peu qu’il y a ne semble pas aussi inoffensif que le clament ses fabricants. À partir de ce constat, chaque pays a choisi d’adopter une politique qui lui est propre. Certains ont opté pour un mélange entre différents vaccins comme la France, d’autres ont limité AstraZeneca aux personnes qui présentent le moins de risque de faire des thromboses, à savoir les plus de 50 ans, ou encore les moins de 30 ans comme au Royaume-Uni. Mais aucun pays n’a décidé de bannir totalement le vaccin AstraZeneca comme vient de le faire Haïti, puisque malgré les effets secondaires constatés, ceux-ci demeurent rares comparativement aux bénéfices apportés.
Prenons l’exemple du Royaume-Uni. Ce pays a répertorié 79 cas de thrombose et 19 décès pour 20 millions de doses injectées. Cela fait un risque de décès dû au vaccin de l’ordre de 0,000095%. Autant dire qu’on a plus de chance de se faire tuer par la foudre que par le vaccin AstraZeneca. Dès lors, comment expliquer le revirement du gouvernement haïtien? Pourquoi refuser de recevoir le vaccin alors que notre pays reste vulnérable et ne saura faire face à une éventuelle vague meurtrière comme on en voit ailleurs? Il faut dire que certains membres du gouvernement se sont montrés eux-mêmes embarrassés et n’ont pas su donner des explications convaincantes.

Dr Lauré Adrien, le ministre de la Santé, a ainsi déclaré que les hésitations du gouvernement sont dues à la ‘complexité et aux réalités du peuple haïtien’ (sic). Veut-il dire par là que les Haïtiens sont superstitieux et qu’ils vont rejeter en masse le nouveau vaccin? Ou que la population locale, encore échaudée par les ravages du choléra, ne veut pas prendre le risque de se faire injecter un vaccin développé précipitamment et qui n’offre pas toutes les garanties de sécurité? Toujours est-il, au lieu de tourner autour du pot, le gouvernement aurait mieux fait d’expliquer clairement les raisons qui l’ont poussé à refuser le vaccin. Après tout, Haïti est un pays souverain qui a le droit de prendre les décisions dans l’intérêt de sa population.

Quelques jours après sa première sortie médiatique ratée, le gouvernement a essayé de se rattraper en annonçant cette fois qu’il préfère avoir recours à un vaccin unidose qui n’a pas besoin d’être stocké à très basse température. Cela élimine de facto AstraZeneca et Moderna ainsi que les vaccins chinois qui utilisent 2 doses, mais aussi Pfizer qui nécessite une logistique de froid très importante dont ne dispose pas Haïti. Reste donc le vaccin Johnson & Johnson qui semble remplir les critères évoqués par le gouvernement haïtien. Sauf que, manque de chance, il y a quelques jours, ce vaccin a lui aussi commencé à engendrer des inquiétudes notamment aux États-Unis pour des cas de thrombose. À tel point que la FDA a recommandé sa suspension provisoire le temps de mener une enquête approfondie. Autant dire que les Haïtiens vont devoir encore attendre avant de pouvoir eux aussi bénéficier de vaccins anti-Covid-19.

Stéphane Boudin

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