Qui sont ces principaux chefs de gang qui nous terrorisent?

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Dans une autre époque heureuse et insouciante, lorsque l’on demandait aux enfants ce qu’ils voulaient faire une fois grands, leurs yeux pétillaient de joie et d’ambition en énumérant fièrement des professions comme médecin, ingénieur, pompier, journaliste, avocat, soldat, astronaute, policier…. Aujourd’hui, notre jeunesse confrontée à la violence et à la peur ne rêve plus que d’une chose : partir. Pour ceux qui décident de rester, les choix de carrières sont limités. Pire, un nombre grandissant de jeunes choisissent de rejoindre les gangs, non pas pour s’enrichir, mais juste pour survivre. Soit vous mangez, soit vous êtes mangé !

Chef de gang, un “métier” en pleine expansion

Face à un État défaillant qui n’a plus rien à offrir à ses enfants, ces derniers sont de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs des gangs pour y trouver protection et gain facile. Malheureusement, ces jeunes ne savent pas qu’en intégrant ces groupes criminels, ils deviennent les instruments d’un système violent qui les dépasse.

Ils ne réalisent pas que la promesse de protection et de gain facile est souvent éphémère et qu’ils se retrouvent vite piégés dans un cycle de violence dont il est difficile de s’extraire. Ces jeunes, vulnérables et désillusionnés, finissent par sacrifier leur avenir et leurs rêves pour une illusion de pouvoir et de sécurité, dans un environnement où la vie humaine ne vaut souvent plus grand-chose.

Les chefs de gang eux, exploitent à fond la naïveté et le manque de perspectives des jeunes pour les embaucher à tour de bras. Les plus chanceux deviendront des petites mains corvéables à merci, alors que les autres finiront comme chair à canon, broyés par un système sans pitié. Les chiffres sont là pour illustrer cette réalité implacable : l’espérance de vie des ‘soldats’ des gangs ne dépasse pas 30 ans. Le rêve de gloire et de pouvoir que ces jeunes poursuivent est souvent de courte durée, et la réalité les rattrape rapidement.

En manque de repères, nos jeunes livrent leur avenir à des hommes sans scrupules qui les exploitent à fond. Les héros d’antan cèdent la place à des figures controversées qui ont pour nom nom Izo, Barbecue, Jeff Canaan, Ti Lapli, Chrisla, Boutba, Kempes, Vitelhomme ou encore Lanmo Sanjou. N’arrivant pas à contrôler l’ensemble du pays, chacun s’est retranché dans son territoire qu’il essaie d’agrandir au prix de combats sanglants. Notre pays se retrouve ainsi morcelé, fragmenté, déchiré par des luttes intestines. Les chefs de gang, à la tête de véritables armées criminelles, ont remplacé l’espoir et la paix par la peur et la violence. Mais qui sont-ils réellement? Quels sont leurs parcours et leurs ambitions? Pourquoi sont-ils devenus si puissants?

Barbecue : l’ex-policier devenu le maître des G9

Un peu comme le G7 qui réunit les plus grandes puissances économiques du monde, les gangs haïtiens ont également décidé de s’unir pour asseoir leur domination. Ils ont formé une coalition appelée G9 an fanmi e alye, dans le but de faire plier l’État et renforcer leur contrôle sur diverses zones du pays. Cette alliance criminelle qui regroupe 12 gangs montre que nos malfrats ont eux aussi de la suite dans les idées.

À la tête du G9, on retrouve le charismatique, mais non moins dangereux, Jimmy Chérizier, 47 ans, mieux connu sous le nom de Barbecue (un surnom lié à sa tendance à brûler les maisons avec ses victimes encore à l’intérieur). Ancien policier, il s’est reconverti dans le crime organisé qu’il juge plus lucratif. Son plan de carrière s’est révélé payant puisque Barbecue est devenu en quelques années une figure incontournable du grand banditisme en Haïti. Son organisation, réputée proche du défunt président Jovenel Moïse, contrôle aujourd’hui environ 80% de la capitale Port-au-Prince. Assez actif dans les médias et les réseaux sociaux (X, Youtube, Whatsapp), Barbecue semble se préparer à entrer dans la scène politique, voire à reprendre le pouvoir à des dirigeants qu’il juge illégitimes et incompétents. Il se vante ainsi d’être l’ami du peuple contre l’oligarchie.

Malheureusement, son pedigree ne joue pas en sa faveur, puisque Barbecue est aussi accusé d’avoir du sang sur les mains. Il est notamment soupçonné d’être derrière les massacres de La Saline qui ont fait des dizaines de victimes innocentes. Ses faits d’armes ne s’arrêtent pas là puisqu’il serait également derrière l’évasion de milliers de prisonniers, ainsi que le blocage de la livraison de carburant qui a provoqué la paralysie du pays pendant des semaines. Barbecue et ses hommes contrôlent en effet le port et le terminal pétrolier de Port-au-Prince, ce qui leur donne un avantage stratégique considérable sur ses adversaires. Cela explique aussi pourquoi Barbecue est contre le déploiement de toute force étrangère qui risquerait de le priver de sa force de dissuasion et de chantage.

Si aujourd’hui, Jimmy Chérizier clame avoir créé une coalition appelée Viv Ansanm (Vivre ensemble) pour réduire la violence, s’attaquer à la corruption et améliorer la qualité de vie des habitants de Port-au-Prince, les exactions qu’il a commises, ainsi que les privations d’eau, de nourriture et de médicaments qu’il a fait subir aux populations vulnérables, rendent ses affirmations peu crédibles.

Johnson Andé ‘’Izo’’, la tête brûlée des criminels

Son visage enfantin ne paie pas de mine. En le regardant chanter dans un de ses nombreux clips de rap postés sur Youtube et qui engendrent des centaines de milliers de vues, on est loin de se douter que Johnson Andé, alias Izo, est un des criminels les plus sanguinaires de la capitale. Viols, cambriolages, kidnappings, trafic de drogue, spoliations, trafic d’armes, saccage de biens publics, ses hommes trempent dans toutes les affaires louches. D’ailleurs, le nom du gang qu’il dirige, ‘’Vilaj de Dye – 5 Segonn’’, montre que ces criminels ne font pas dans la dentelle et tirent sur tout ce qui bouge. En 5 secondes, l’affaire est jouée. En décembre dernier, les Nations-Unies, tout comme l’Union Européenne, l’ont rajouté à la liste des personnes sous le coup de sanctions. Pour le principal intéressé, toute sanction ou incarcération équivaut à une récompense valorisante.

Tout comme Barbecue, il tire sa puissance du contrôle des routes maritimes se trouvant dans la baie de Port-au-Prince. Il se fait ainsi livrer directement les armes et la drogue dont il a besoin pour alimenter son juteux business. Sa puissance de feu est telle qu’il se permet même de vendre des armes aux gangs rivaux. L’autre levier stratégique qu’il détient est le contrôle des routes nationales 1 et 2 (à Martissant) qui lui permet de détourner de la marchandise et de kidnapper les voyageurs.
À noter qu’un des allié d’Izo, Ti Lapli, qui est chef du gang ‘’Grand Ravin’’, est lui aussi sous le coup d’un mandat international. Le FBI le recherche notamment pour l’enlèvement d’un citoyen américain qui a été battu et maltraité durant 2 semaines avant sa libération contre rançon.

Vitel’Homme Innocent, l’homme qui défit l’État

Malgré son nom poétique, l’homme est tout sauf innocent. Né en 1986, Vitel’Homme Innocent vient de décrocher la palme d’or des gangsters haïtiens les plus célèbres puisqu’il vient d’intégrer la liste des 10 fugitifs les plus recherchés du FBI. Sa tête est mise à prix pour 2 millions de dollars. Il est notamment accusé d’avoir kidnappé des missionnaires américains de la mort d’un otage américain.

Vitel’Homme Innocent est à la tête du puissant gang Kraze Baryè qui fait lui aussi de l’alliance Viv Ansanm. Son groupe contrôle de larges régions de Port-au-Prince, notamment Delmas, Tabarre, ainsi que le secteur où est installée l’ambassade américaine. Un comble !

Selon Vitel’Homme Innocent, l’avenir du pays passe par les gangs. Ces derniers doivent donc obligatoirement être consultés et intégrés dans la construction du futur État haïtien. Pour lui, et il n’a pas tort sur ce point, les politiciens corrompus ne valent pas mieux que les chefs de gangs. Le nouveau Conseil Présidentiel de Transition (CPT) en prend pour son grade, puisque Innocent estime que les membres du nouveau conseil sont tous sous le contrôle de la vieille élite politique. Autrement dit, rien n’a changé.

Guy Philippe, le rebelle qui veut devenir Président

Bien qu’il ne soit pas techniquement considéré comme un chef de gang, Guy Philippe et son passé chargé n’est jamais loin des eaux troubles du grand banditisme. Celui qui a joué un rôle central dans le coup d’État de 2004 contre Aristide est vu par beaucoup comme un homme touche à tout. Impliqué aussi bien dans des activités paramilitaires que dans les affaires politiques du pays, il a réussi à se faire élire comme sénateur en 2016. Cela ne l’a pas empêché d’être arrêté par le BLTS (Bureau de Lutte Contre le Trafic de Stupéfiants) le 5 janvier 2017, avant d’être extradé vers les États-Unis pour y être jugé pour trafic de drogue. Plaidant coupable, Guy Philippe va passer presque 6 ans dans les geôles américaines avant de revenir au pays par la grande porte. Promettant une ‘’révolution pacifique’’ pour Haïti, le sulfureux personnage a cherché à faire un retour fracassant dans la scène politique nationale, avec le risque que cela engendre encore plus de chaos et d’instabilité politique dans notre pays.

Sauf que depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et Guy Philippe, avec déjà 56 ans au compteur, semble avoir du mal à s’imposer à nouveau. Durant son absence, les gangs se sont renforcés, laissant les politiciens sur la touche. De plus, avec son passé judiciaire, il est peu probable que Guy Philippe puisse prétendre à une quelconque fonction officielle, même si le principal intéressé se plaît à rappeler que plusieurs figures politiques telles que Mandela, Lula ou Chavez, ont réussi à accéder au pouvoir après être passées par la case prison.

Lanmo Sanjou, le bad boy de Port-au-Prince

Son statut de mauvais garçon n’est pas usurpé, surtout que Joseph Wilson, alias Lanmo Sanjou, est à la tête d’un des gangs les plus féroces de la capitale, les 400 Mawozo. Avec de tels noms, le décor est d’office planté.

Lanmo Sanjou et ses hommes sont réputés pour leurs méthodes expéditives. Basés à Ganthier, les 400 Mawozo ont fait du kidnapping leur cœur de métier. Leur meilleur coup reste d’ailleurs l’enlèvement et la séquestration de 17 missionnaires étrangers (16 américains et 1 canadien) pendant 61 jours. Parmi les personnes enlevées se trouvait une enfant âgée d’à peine 8 mois. C’est donc sans surprise que le FBI a mis sa tête à prix pour 1 million de dollars.

Le fugitif semble pourtant avoir un point faible. Souffrant de problèmes de reins, les enquêteurs américains pensent qu’il doit souvent se rendre en République dominicaine pour se faire soigner. Nul doute que les agents d’investigation sont sur sa piste et attendent la moindre occasion pour lui mettre la main dessus.

Stéphane Boudin et D. Ferdinand
Le Floridien, 28 septembre 2024

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