Reconnu coupable, Jean Ridore risque jusqu’à 40 ans de prison

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NORTH MIAMI (LE FLORIDIEN) — Jean Coty Ridore. Voilà donc un citoyen Haïtiano-Américain qui avait tout pour réussir dans son nouveau pays d’accueil. Ayant quitté son pays natal avec presque rien, il incarnait le symbole de la réussite de toute une génération d’Haïtiens qui ont su bâtir un avenir meilleur pour leurs enfants, avec pour seul investissement de départ le courage et la force de caractère qui les habitaient. Le rêve américain permet l’audace et l’entrepreneuriat, mais il y’a des règles de base à suivre afin que les jeux ne soient pas biaisés à l’avance, et pour que chaque citoyen honnête puisse avoir sa chance de réussir. Malheureusement pour Jean Coty Ridore, mais également pour l’ensemble de la communauté haïtienne vivant en Floride et dont il vient d’écorner l’image, sa cupidité a eu raison de lui. Un peu à l’image d’Icare qui en voulant voler trop haut, fit fondre la cire qui retenait les plumes de ses ailes. Sa chute n’en fut que plus brutale et il se noya atrocement en pleine mer. Jean Coty Ridore qui vient d’être reconnu coupable d’escroquerie lui, risque désormais de faire une apnée de longue durée dans les geôles de Floride. L’éducateur âgé de 51 ans, dont son procès a eu lieu vendredi dernier (28 septembre) devant un tribunal du comté de Miami-Dade a été reconnu coupable par un jury d’avoir distribué des travaux fictifs en échange de paiements en espèces. Il a été immédiatement emprisonné pour attendre sa condamnation. Il encourt 40 ans de prison.

La success-story d’un enfant du pays qui a su saisir sa chance

On aurait aimé voir la photo de Jean Ridore en première page d’un grand magazine national où on y raconte l’histoire d’un jeune immigrant haïtien ambitieux, qui a su gravir les échelons patiemment jusqu’à arriver là où il voulait être.

Au lieu de cela, il se retrouve sur les manchettes des faits divers, comme n’importe quel vulgaire criminel de rue. Pourtant, la route de Jean Ridore était toute tracée.

Arrivé à la fin des années 80, l’adversité a renforcé son caractère de combattant au lieu de l’annihiler. En effet, tout n’était pas rose au début pour cet immigrant fraîchement débarqué et qui ne maitrisait pas encore très bien l’anglais. Les portes des collèges de l’État se sont fermées devant lui les unes après les autres, à cause notamment de son âge. Cela n’a fait qu’accentuer sa détermination qui l’a conduit à obtenir des diplômes du Miami Dade College, de la Florida International University et de la Barry University. Au bout de son long périple académique, M. Ridore déclarait fièrement dans un article qui lui était consacré dans le Miami Herald : «Now I’m Back». Les Haïtiens avaient leur Schwarzenegger local.

Une fois qu’il avait fini de cirer les bancs de l’école, il ne s’est pas pour autant éloigné de l’enseignement dont il en a fait son métier plus tard. Ainsi, au North Miami Adult Education Center, il a réussi à décrocher le poste de directeur. Sa situation actuelle est d’autant plus désolante qu’il était respecté dans son établissement, que ça soit par l’ensemble du personnel ou par les élèves. Ce centre éducatif était d’ailleurs considéré comme l’un des programmes d’éducation pour adultes les plus réussis dans le comté de Miami-Dade, puisqu’il permettait aux immigrés de perfectionner leur anglais afin de pouvoir accéder plus facilement à la formation. Ainsi, ces nouveaux arrivants étaient mieux outillés pour décrocher un emploi, le travail étant le signe le plus tangible d’une bonne intégration dans une nouvelle terre d’accueil.

De la gloire au déshonneur public

Est-ce l’appât du gain, l’inconscience ou la stupidité crasse ? On ne saura peut-être jamais. L’accusé lui-même doit probablement se morfondre dans sa cellule en se mordant les doigts pour avoir gâché sa vie aussi bêtement. Et dans sa chute, il a entaché un peu plus l’image d’une communauté haïtienne qui pansait à peine ses plaies après les actes de fraude similaires commis par Marie Lucie Tondreau (ex-mairesse de North Miami), Joey Bautista (ancien directeur de ‘Miami Jackson Adult Education Center’) et Frantz Pierre (ex-Councilman de North Miami Beach).

Il faut dire que l’escroquerie avait peu de chances de rester dissimulée pendant longtemps. Certes, l’établissement jouissait d’une autonomie totale au niveau des ressources humaines (RH) et du recrutement. Mais au lieu d’y voir une opportunité pour embaucher un personnel compétent pour son école, Jean Ridore y a vu une occasion en or pour se faire de l’argent facile. Il a donc monté un système parallèle d’emplois fictifs, où des employés fantômes se faisaient payer sans jamais mettre les pieds à l’école. Le directeur, en contrepartie, prenait un pourcentage conséquent sur chaque salaire ainsi versé. Cela rappelle étrangement les magouilles du même acabit en Haïti où plusieurs établissements publics sont devenus des experts en la matière. Sauf que les États-Unis, ce n’est pas Haïti, et que les autorités américaines ne badinent pas avec les escroqueries à grande échelle, a fortiori lorsque cela touche le système éducatif qui est censé donner l’exemple.

Les enquêteurs de la corruption publique ont donc reçu plusieurs plaintes concordantes qui pointaient du doigt la mauvaise gestion de l’école par le directeur Ridore. Et comme il n’y’a pas de fumée sans feu, la brigade anticorruption a envoyé un fin limier pour tirer au clair toute cette affaire. Ainsi, un détective privé, José Mercedes, est engagé pour aller au parfum. Ce dernier s’approche donc tout naturellement du directeur pour gagner sa confiance, avant d’attiser sa gourmandise en prétextant chercher un boulot. «Ne t’inquiète pas pour ça. Le travail sera pour toi» lui rétorque Ridore qui ne savait pas qu’il venait de tomber dans un piège savamment orchestré. Le poisson était dorénavant pris dans le filet du détective, il suffisait juste de se pencher pour le cueillir, tout frais.

La justice dispose en effet d’enregistrements accablants qui montrent comment le directeur recevait sa part du salaire de l’employé fictif. D’ailleurs, lors de son arrestation, Mr Ridore a été pris la main dans le sac. L’avocat de la défense, Manuel Casabielle, a eu beau crier que son client a été victime d’un coup monté de toute pièce, il n’est pas sûr que les jurés soient convaincus par ces sornettes. À moins que Mr Ridore ne se croie encore en Haïti et cherche à soudoyer le juge et les jurés. Mais vu sa situation actuelle, il n’a pas intérêt à y penser ne serait-ce qu’une seconde ! Dans d’autres circonstances, la communauté haïtienne, connue pour sa solidarité, aurait pu lui prêter assistance. Mais vu que l’accusé a trahi la confiance de cette même communauté, on voit mal comment celle-ci pourrait l’aider en retour.

DF/Le Floridien

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