Seule solution pour les Haïtiens, partir !

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Par Stéphane Boudin

Mais qu’ont-ils fait à notre beau pays pour le mettre dans un tel état ? Qu’ont-ils fait au point de pousser les Haïtiens à n’avoir qu’un objectif en tête, fuir vers l’étranger. Alors qu’autrefois, Haïti était jalousé pour sa culture vibrante et sa riche histoire, aujourd’hui, plus personne ne veut y mettre les pieds, même pas ses propres habitants submergés par le désespoir et la précarité.

La violence qui gangrène nos rues rend le quotidien des Haïtiens insupportable. Il devient impossible de mener un semblant de vie normal sans craindre pour sa sécurité et celle de ses proches. Les enlèvements, les meurtres et les trafics de toutes sortes sont devenus monnaie courante. L’avenir de nos enfants n’a jamais été aussi sombre. Or, un pays sans avenir est un pays condamné.

Il fut un temps où dans chaque foyer de la diaspora haïtienne, petits et grands cochaient consciencieusement les dates sur le calendrier accroché dans la cuisine, jusqu’au jour tant attendu où ils pouvaient enfin retourner vers la mère patrie pour y passer des vacances mémorables. C’était l’occasion de retrouver les siens, de profiter de la plage et des montagnes majestueuses, de faire la fête dans une ambiance joyeuse et chaleureuse, le tout sans se ruiner…

Les beaux jours semblent malheureusement faire partie du passé. Aujourd’hui, le seul contact qui nous reste avec notre pays est à travers la télévision et les réseaux sociaux. Chaque jour, nous découvrons des images insoutenables qui fondent le cœur et nous emplissent de chagrin : un tel a vu au journal son quartier d’enfance dans un état délabré, un autre a appris le kidnapping de son frère ou de son cousin par des gangs armés qui réclament des rançons exagérées. Bien qu’ils soient loin du pays, les Haïtiens de l’étranger souffrent tout autant de ce qui se passe dans leur pays d’origine, avec un sentiment mitigé mêlant tristesse et impuissance de ne pouvoir rien faire face à la réalité. Aujourd’hui, la peur des gangs, omniprésente dès l’atterrissage à l’aéroport, rend toute visite impossible, même pour les cas les plus urgents.

Nos compatriotes encore sur place vivent donc avec cette peur permanente de mettre le nez dehors. Rester cloisonné à longueur de journée dans sa maison n’est pas une option envisageable, surtout pour un peuple habitué à sortir, profiter de la vie et tisser des liens. Nos ancêtres n’ont pas chassé les Français pour qu’ils soient remplacés par des criminels qui terrorisent la population. Le sang de nos aïeux n’a pas été versé pour voir leurs arrières petits-enfants s’entretuer et commettre les actes les plus atroces. Notre indépendance chèrement acquise ne doit pas être offerte sur un plateau d’argent à des politiciens véreux et corrompus dont la devise est ‘’Un pour tous, tout pour moi’’.

Aujourd’hui, un Pòtoprensyen ne peut plus sortir l’esprit tranquille pour aller travailler, faire ses courses, ou tout simplement rendre visite à ses proches. Tout déplacement, même anodin, doit dorénavant être calculé avec prudence, au risque de ne jamais revenir. D’où le choix cornélien auquel notre Pòtoprensyen est confronté aujourd’hui : rester cloîtré chez soi ou fuir vers l’étranger.

Cette dernière option trotte dans la tête de l’écrasante majorité des haïtiens qui dépensent tout leur argent et énergie à chercher des opportunités pour partir. Les plus jeunes, qui sont l’avenir de notre pays, ont perdu tout espoir. Souvent, ils ont le choix entre chômer, ou rejoindre les gangs. Ceux qui ont eu la chance de bénéficier d’une formation professionnelle ou de faire les études n’ont qu’une idée en tête, émigrer. Pas question de rejoindre la fonction publique au risque de voir son salaire ne pas être payé pendant des mois. Quant au secteur privé, il offre des perspectives très limitées faute d’investisseurs, alors que le marasme économique décourage les fonds étrangers à venir chez nous. Dans ces conditions, l’idée de rester et de se battre devient de plus en plus difficile à soutenir.

Comme il a été écrit que rien ne sera facile pour cette génération, les routes légales pour l’émigration sont semées d’embuches. Les pays d’accueil ‘traditionnels’ comme les États-Unis et le Canada sont de plus en plus réticents à ouvrir leurs portes, craignant un appel d’air pour une immigration massive et incontrôlée. Idem pour l’Europe qui a endurci les contrôles à ses frontières en augmentant les surveillances.

Face à ces obstacles, les Haïtiens se tournent de plus en plus vers l’Amérique latine. Mais les pays sud-américains commencent eux aussi à durcir les contrôles. Mis à part la Bolivie qui fournit toujours un visa à l’arrivée aux détenteurs d’un passeport haïtien, tous les autres pays latinos exigent dorénavant un visa pour pouvoir accéder à leur territoire. Certains pays où le niveau de vie est assez élevé, comme le Chili, ont décidé non seulement de fermer les frontières, mais aussi de refouler les sans-papiers. Submergé par un afflux massif de migrants ces dernières années, le Chili a en effet commencé à durcir ses conditions d’entrée et de résidence. Les démarches administratives sont devenues plus complexes, les exigences plus strictes, et les expulsions se sont multipliées. Pour beaucoup d’Haïtiens, ce qui semblait être une échappatoire viable est désormais une impasse. Mais alors, où aller ?

Face au désespoir, certains choisissent de tenter le tout pour le tout en traversant les frontières illégalement, quitte à risquer leur vie. D’autres se résignent à rester, pris au piège dans un pays qui ne leur offre plus de sécurité ni de perspective d’avenir. C’est notamment le cas des Haïtiens établis au Brésil qui n’arrivent pas à régulariser leur situation et refusent de rentrer au pays tant que la situation sécuritaire ne s’améliore pas.

Mais la fuite ne résoudra pas les problèmes fondamentaux d’Haïti. Tant que les causes profondes de la violence ne seront pas appréhendées, tant que les infrastructures politiques, sociales et économiques ne seront pas rétablies, les Haïtiens continueront à chercher des moyens de partir. D’un autre côté, tant que les pays d’accueil refuseront de prendre en compte la réalité de la crise haïtienne, ils continueront à voir affluer des demandeurs d’asile désespérés.

Tout le monde doit comprendre que dans la situation actuelle que traverse notre pays, il n’y a pas de gagnants. Il n’y a que des perdants !

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