Il y’a de cela 10 ans jour pour jour, un puissant tremblement de terre frappait Haïti, faisant des centaines de milliers de morts, de blessés, de sans-abris et de déplacés. Le monde entier découvrait avec effroi une des catastrophes naturelles les plus meurtrières de l’histoire. Les dégâts humains et matériels subis sont considérables. Malheureusement, presque une décennie plus tard, les cicatrices laissées par ce cataclysme de grande ampleur sont encore béantes. L’inaction des pouvoirs publics a accentué les souffrances du peuple qui a toujours du mal à s’en remettre.

Retour sur une des catastrophes les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité.

Le 12 janvier 2010, à 16h, 53 minutes et 9 secondes précises, le temps s’est soudainement figé. Un puissant séisme d’une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter vient en effet de toucher la région la plus peuplée d’Haïti, à savoir Port-au-Prince et sa périphérie, engendrant une catastrophe humanitaire sans précédent. En quelques secondes, la vie de millions de personnes s’est transformée en cauchemar. La force dévastatrice du séisme a été telle, qu’on parle dorénavant d’avant, et d’après le ‘’12 janvier 2020’’.

Le bilan est lourd, très lourd ! On estime à au moins 230 000 le nombre de morts, plus de 300 000 blessés, ainsi que de millions de personnes déplacées qui se retrouvent du jour au lendemain sans toit. Sur le plan des infrastructures, les destructions sont là encore énormes. Les hôpitaux, les écoles, les universités, les maisons, les commerces, le parlement, le palais de justice.

Tout s’écroule comme des châteaux de cartes. Même les édifices imposants qui font partie de notre patrimoine, tels que la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Port-au-Prince ou encore le palais présidentiel, ne résistent pas à cette secousse destructrice.
Les habitants, eux, ne connaissent pas de répit pendant de nombreuses heures, puisque d’autres répliques suivront un peu plus tard. On en comptabilisera 70 en tout. À tel point que beaucoup iront jusqu’à trouver refuge sur des bateaux pour fuir cette terre qui ne cesse de bouger sous leurs pieds. Les médias du monde entier transmettent en boucle les images insoutenables de citoyens hagards trainant dans les ruines de rues sinueuses et pentues, des corps alignés par centaines qui attendent d’être enterrés au plus vite dans des fosses communes pour éviter des épidémies, des enfants en pleurs à la recherche de parents ensevelis sous les décombres.

L’étendue des dégâts s’explique par trois facteurs principaux. Tout d’abord, la nature du séisme en lui-même. Celui-ci était relativement proche de la surface puisqu’il était distant “d’à peine” 10km. Or, plus un séisme est de faible profondeur, plus il est dangereux. En combinant cela avec l’intensité qui variait entre 7 et 7,3 sur l’échelle de Richter, et vous voilà avec un tremblement de terre équivalent à une bombe à hydrogène de 5 mégatonnes. Preuve en est, une commune comme Léogâne a été rasée à 90%.

Le deuxième facteur est la densité démographique de la région touchée, puisque la faille de Leogane responsable du séisme passe aux abords de la capitale et des villes mitoyennes comme Carrefour, Gressier, et la localité éponyme de Leogane. L’aire urbaine totale de Port-au-Prince comptait environ 2 millions d’habitants à l’époque de la catastrophe, soit presque le quart de la population du pays.

Enfin, le troisième facteur qui a sans doute été lui aussi déterminant dans le chiffre hallucinant des victimes, est la non-conformité des constructions. Haïti se trouve sur une zone sismique particulièrement active où se rencontrent les plaques nord-américaine et caribéenne. La moindre des choses aurait été que les pouvoirs publics se montrent intransigeants quant au respect des normes parasismiques de constructions, à l’instar d’autres pays qui se trouvent dans une situation géologique similaire comme le Japon, le Chili ou encore l’Indonésie. Le séisme a mis à nu l’incompétence de l’État avec une absence totale de tout contrôle.

10 après, les leçons n’ont pas été retenues

Alors que nous commémorons aujourd’hui les 10 ans d’un triste anniversaire, le chagrin des Haïtiens est double. Il y’a bien entendu le deuil de ceux qui ont perdu un proche, un ami, ou une connaissance au cours de cette terrible tragédie. Mais il y’a aussi le sentiment que tous ces morts sont partis pour rien, puisque l’État haïtien n’a entrepris aucune mesure pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Beaucoup à l’époque ont formulé l’espoir de rebâtir le pays sur de nouvelles bases, dans le sens propre comme dans le sens figuré. Malheureusement, il était aussi écrit que les Haïtiens devaient subir une autre tragédie, politique cette fois-ci.

Nos dirigeants ont raté l’opportunité de doter Haïti d’un véritable plan national d’urbanisme, accompagné de normes de construction qui soient adaptées aux risques sismiques et à la particularité géologique de chaque région de notre pays. Le Président Jovenel, lors de la cérémonie de commémoration du 10ème anniversaire du séisme de 2010, a déclaré sans vergogne qu’Haïti était aujourd’hui mieux préparé à faire face aux catastrophes naturelles. On se demande bien comment !

Le pouvoir en place n’arrive même pas à nourrir le peuple et à lui fournir des soins et une éducation digne de ce nom en temps normal. On a dès lors du mal à imaginer ce qu’il en sera si par malheur, un ouragan dévastateur, un autre séisme ou des inondations venaient à passer par nos portes. Pour reprendre une expression du célèbre physicien Fritz Zwicky en l’adaptant au contexte local, on peut dire que nos dirigeants sont d’authentiques “crétins sphériques”. Quel que soit l’angle sous lequel vous analysez leurs discours ou leurs actions, rien de bon n’émerge.

Doit-on rappeler à Jovenel que le pays ne dispose plus de gouvernement depuis mars 2019, et que le mandat de l’actuel parlement qui est arrivé à échéance le 13 janvier ne sera pas renouvelé à court terme faute d’élections. Qu’il nous sorte d’abord de la catastrophe politique dans laquelle il nous a mis avant de déclarer qu’Haïti est mieux préparé pour faire face aux catastrophes naturelles.

Détournements à grande échelle et promesses internationales non tenues

Au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, il y’a eu à travers le monde une réelle vague de soutien et de compassion. Spontanément, de nombreux pays ont exprimé leur solidarité, soit en faisant des dons, soit en envoyant des renforts sur place pour soutenir les équipes de secours et venir en aide aux centaines de milliers sinistrés. On a eu des sauveteurs d’Islande, des hôpitaux mobiles israéliens, des chiens renifleurs de Chine, du Pétrole du Venezuela. Même des pays à faibles revenus comme le Tchad ont contribué à la cagnotte.

Devant une catastrophe d’une telle dimension, et au-delà de l’aide immédiate d’urgence, il est essentiel d’assister le pays affecté dans sa phase de reconstruction. Une étape qui est plus longue, mais aussi beaucoup plus coûteuse. Les pays riches se sont là encore mobilisés en s’engageant à verser 10 milliards de $ pour soutenir Haïti. Beaucoup de cet argent n’est jamais arrivé à bon port. Soit parce que certains de ces pays n’ont pas tenu leurs promesses, soit parce que nos responsables, dans leur empathie et patriotisme légendaires, se sont “servis” au passage, ne laissant pas grand-chose aux sinistrés à qui étaient destinés ces fonds. La Cour des comptes a mis en lumière quelques-uns de ces détournements dans son rapport sur le scandale PetroCaribe. Plus de 300 millions de dollars devaient servir à construire de nouveaux logements pour les populations sinistrées. Au lieu de cela, la quasi-totalité de cette somme a été dilapidée dans des projets douteux comme un parc industriel inachevé, un complexe touristique qui n’a jamais vu le jour, ou la réhabilitation de… cinémas abandonnés.

L’horloge a continué à tourner ainsi pendant 10 ans, et nous voilà aujourd’hui au même point de départ. Le traumatisme de ce terrible séisme est encore vivace dans tous les esprits. Si certains sont arrivés à panser leurs blessures ou à reconstruire comme ils ont pu leurs maisons, les séquelles psychologiques restent elles présentes. Sur le terrain, les nouveaux quartiers qui ont émergé, pour la plupart de manière anarchique, laissent présager le pire si jamais le même scénario venait à se reproduire demain. Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2010 n’ont absolument rien fait pour corriger le tir et rebâtir Port-au-Prince selon de nouveaux standards qui prennent en compte les risques réels que représente la géologie locale. Car les sismologues sont unanimes pour dire que la faille d’Enriquillo (qu’on croyait à tort au départ qu’elle était responsable du séisme de 2010) a emmagasiné suffisamment d’énergie pour provoquer un autre séisme qui peut avoir lieu à n’importe quel moment. Jovenel a martelé qu’Haïti est prêt à faire face si jamais cela devait se reproduire. Gageons qu’aucun Haïtien ne miserait une seule gourde sur une telle affirmation.

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