Et voilà un autre triste record que le président haïtien Jovenel Moise vient de battre en nommant un 5ème Premier ministre en l’espace de 3 ans seulement ! Du jamais vu depuis l’adoption de la constitution républicaine de 1987 et l’avènement de l’ère post-Duvalier. Même Michel Martelly n’a pas fait mieux durant ses 5 longues années au pouvoir. Après Jack Guy Lafontant, Jean-Henry-Céant, Jean-Michel Lapin et Fritz-William Michel, c’est au tour de Joseph Jouthe, ex-ministre de l’Environnement et des Finances de prendre les rênes de la Primature.

Le passage de son prédécesseur désigné, Fritz-William Michel, aurait donc été éphémère faute d’avoir reçu le feu vert du Sénat. Fritz a tout de même pris la peine de remercier le Chef de l’État pour sa confiance malgré le dénouement défavorable de sa nomination. Dans une lettre adressée à Jovenel, il a ainsi inconsciemment étalé au grand jour les maux dont le Président est pourtant grandement responsable : “société fissurée, installation de la peur, écosystèmes détruits à la limite de l’irréversible, économie affaiblit et dégradation des conditions de vie de la population”.

D’après Jovenel Moïse, le choix de Joseph Jouthe résulte de consultations avec “différents secteurs du pays”. Et comme souvent, le diable se cache dans les détails. En décortiquant le communiqué du Président, on s’aperçoit que celui-ci ne fait référence à aucune consultation avec les différents partis politiques, et encore moins avec la société civile. Tout juste utilise-t-il le mot “secteur”, une vague formulation qui peut englober tout et rien à la fois. D’ailleurs, les réactions ne se sont pas faites attendre. Des membres de l’opposition commencent déjà à élever la voix en parlant d’un choix unilatéral imposé sans préavis. Pire, avec un Parlement caduc incapable de valider toute nomination, les “normes constitutionnelles sont bafouées” selon un spécialiste du droit constitutionnel. De son côté, le Président a pressé le nouveau Premier ministre de former un gouvernement dans les plus brefs délais. Sans doute veut-il mettre tout le monde devant le fait accompli et faire passer au plus vite cette amère pilule. D’ailleurs, beaucoup estiment que cette nomination s’inscrit dans un agenda présidentiel plus large, avec en ligne de mire un amendement de la constitution qui sera taillée sur mesure.

Toujours est-il, les observateurs redoutent que le choix de Jovenel ne remette de l’huile sur le feu, d’autant plus que ses nombreux opposants risquent de considérer cette nouvelle nomination comme un affront de plus à leur égard. D’autres détracteurs du Président estiment que cette manie à remplacer à tout-va les Chefs de gouvernement n’est qu’une manœuvre de diversion destinée à faire oublier les casseroles qu’il traine avec l’affaire Petro Caribe. Car il faut bien dire que ce scandale de détournements est une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête du Président depuis le premier jour de son mandat. Dans la rue, la population ne jure que par la démission de Jovenel. Et ce n’est pas en changeant les noms des Premiers ministre que Jovenel arrivera à saborder la détermination des Haïtiens.

Dessalines Ferdinand

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