Décidément, l’année 2018 est à marquer en lettres d’or dans les annales du sport haïtien. Après les Grenadières et leur participation historique à la coupe du monde U-20, Presnel Kimpembe qui a apporté une touche haïtienne à la victoire des bleus en Russie, voilà donc Naomi Osaka qui enrichit une année sportive déjà bien féconde. La joueuse de tennis vient de remporter son premier tournoi majeur face à une Serena Williams qu’on pensait invincible durant cette compétition.

Haïti – Japon – Floride : parcours atypique d’une jeune championne

Naomi Osaka est devenue en quelques jours à peine le symbole d’un monde de plus en plus ouvert, multiculturel et cosmopolite, où chacun puise ses forces et son inspiration dans ses racines pour mieux se projeter dans l’avenir. Il faut dire que la jeune championne représente un trait d’union entre 3 univers qui n’étaient pas faits au départ pour se rencontrer. Haïti tout d’abord, d’où est originaire son père.

Né à Jacmel, Léonard François a quitté son pays natal pour aller poursuivre ses études dans l’empire du soleil levant. Là-bas, il va s’enticher d’une ravissante Japonaise qui deviendra bientôt sa femme : Tamaki Osaka. Cette union ne se fera pas sans accrocs, puisque la famille de Tamaki, surtout son père, va mettre plus de 10 ans avant d’accepter un gendre étranger. Les mariages mixtes n’étant pas très répandus dans cette région du monde, ils sont souvent peu tolérés par les proches. Entre temps, après un crochet par New York, la petite famille déménage une dernière fois et pose définitivement ses valises en Floride, à cheval entre Haïti et le Japon. La petite Naomi n’a alors que 3 ans lorsqu’elle quitte son pays natal. Elle va donc tout naturellement adopter l’anglais, la langue de sa nouvelle terre d’accueil, au détriment du japonais maternel et du créole paternel.

Mais Naomi n’en oublie pas pour autant ses racines. Cette triple-culture représente pour elle une richesse et non un handicap. Partout où elle va, elle met un point d’honneur à montrer son attachement pour ses origines. À ce propos, une petite scène qui est passée inaperçue lors d’une conférence de presse après sa victoire expéditive face à l’Ukrainienne Tsurenko (6-1, 6-1), révèle que la jeune championne a un caractère bien affirmé. À une journaliste qui lui demande comment elle gère cette double culture nippo-américaine, la joueuse lui rétorque, tout sourire, qu’elle est également haïtienne, qu’elle a grandi avec sa grand-mère haïtienne et que la culture haïtienne occupe aussi une part importante dans sa vie. Voilà comment elle a gentiment recadré une journaliste qui, soit par ignorance, soit par mauvaise fois, a voulu éliminer une partie de sa filiation, car non issue d’un « grand pays ». Même avec un micro à la main au lieu d’une raquette, Naomi trouve le moyen de placer quelques « aces ».

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Une ascension fulgurante

Naomi Osaka, qui a surpris tout le monde en atteignant rapidement le top 10 féminin de la WTA, a commencé à taper dans la petite balle jaune très jeune sous la houlette de son père. Ce dernier s’est inspiré de l’exemple de la famille Williams pour mener ses deux filles, Naomi et Mari, l’ainée, vers le monde professionnel. Il a dû puiser pour cela dans ses valeurs haïtiennes, imprégnées de courage et de détermination, pour mieux affronter les obstacles. En bon père de famille, Léonard François a dû faire certains choix difficiles qui se sont révélés judicieux par la suite. Il décide ainsi d’inscrire sa fille à l’association nippone de tennis (JTA), malgré les préjugés encore tenaces au Japon vis-à-vis des étrangers. De là, Naomi trace doucement, mais sûrement, son petit bonhomme de chemin, au gré des compétitions et des tournois. À l’instar des sœurs Williams où Venus l’ainée est vite surpassée par la cadette Serena, les sœurs Osaka connaissent un sort similaire. Le talent de Naomi éclate ainsi au grand jour lors du tournoi d’Indian Wells – 2018 où elle dispose aisément en finale, et à la surprise générale, de la Russe Kasatkina en 2 sets (6-3, 6-2). Les spécialistes attendent de voir si ce n’est là qu’un accident de parcours, où s’il s’agit véritablement de l’éclosion d’un phénomène tennistique. Ils auront la confirmation quelques semaines plus tard lors de l’US Open où la jeune prodige va terrasser ses adversaires les unes après les autres avec une facilité déconcertante. Ainsi, en 16e de finale, elle va marquer les esprits en infligeant une correction mémorable à la Biélorusse Sasnovich, 30e joueuse mondiale. La malheureuse n’a en effet pas pu gagner le moindre jeu et a terminé sur 2 roues de bicyclette (6-0, 6-0). Seule sa confrontation avec la Biélorusse Sabalenka en 8e de finale a été un peu plus âpre, puisque c’est l’unique fois où elle lâchera un set.

Passage de témoin entre Naomi et son idole ?

Samedi 8 septembre, la finale dame de l’US Open édition 2018, qui devait opposer la star montante du tennis mondial, Naomi Osaka, et la vétérane aux 23 titres en Grand Chelem Serena williams, s’est transformée en un duel à distance entre Serena et l’arbitre de la rencontre, le portugais Carlos Ramos. Tout avait pourtant commencé normalement dans cette partie qui avait tout pour être historique. Naomi avait en effet la possibilité d’être la première Nipponne (drapeau sous lequel elle joue) et Haïtienne à gagner un trophée majeur, alors que Serena avait à cœur d’égaler enfin le record de 24 titres longtemps détenu par l’Australienne Smith Court.

Dès l’entame du match, Naomi met la pression sur sa rivale, ce qui lui permet de survoler le premier set assez facilement en dominant la numéro 1 mondiale sur le score sans appel de 6-2. À ce moment de la partie, tout portait à croire qu’on allait assister à une deuxième manche des plus serrées. Mais on était loin d’imaginer que les événements allaient prendre une tournure mélodramatique inattendue. En effet, alors que Naomi servait pour égaliser à 1-1 au deuxième set, l’arbitre de la rencontre sanctionne Serena pour avoir reçu un « ’coaching »’ de la part de son entraineur Mouratoglou. Et c’est là que la machine Serena a commencé à dérailler complètement. Entre la raquette qu’elle fracasse contre le sol, les invectives virulentes qu’elle lance à l’arbitre – voleur, sexiste, menteur – et les pleurs devant le juge arbitre, l’Américaine est totalement sortie de son match. Son seul break durant ce set a été immédiatement suivi par celui de Naomi qui a étouffé sa proie et ne lui a laissé aucun espoir de revenir au score. Elle a en effet sorti des coups incisifs aux bons moments aux bons endroits, ce qui a fini par exacerber une Serena Williams à bout de nerfs qui ne savait pas où donner de la tête.

Au fil du set, Serena devenait méconnaissable, tant par son jeu décousu que par sa colère disproportionnée. Le public, partial, l’a soutenu à bout de bras en huant les décisions arbitrales. Quant à la jeune Naomi, elle ne s’est pas laissée distraire par tout ce tapage et est restée concentrée jusqu’au bout en gérant son avance comme une vraie pro. La 3e pénalité de l’arbitre vers la cadette des Williams a sonné le glas d’une partie qui commençait à devenir ingérable. Et c’est bien dommage, car cela a éclipsé l’exploit réalisé par Naomi durant cette quinzaine et qui a fait preuve de beaucoup de courage et de bravoure, qualités qui ressemblent à s’y méprendre à ceux de ses concitoyens haïtiens. En la voyant soulever son trophée, les spectateurs ont senti qu’ils assistaient peut-être là à une passation de pouvoir entre la nouvelle révélation et son idole de jeunesse. Il faut rappeler que quand Serena a gagné son premier titre en Grand Chelem, ici même sur le court Arthur-Ashe en 1999, Naomi n’avait encore que 2 ans et était loin de se douter du destin formidable qui l’attendait.

Visite en Haïti

Naomi Osaka avait visité l’Haïti de son père Leonard François en Octobre 2017. Cette décision était personelle, avait-elle tenu à souligner à la presse, non sans tarir d’éloges envers la cuisine haïtienne. Elle s’expliquait pour dire : « À New York, j’ai vécu avec plusieurs membres de la famille de mon père (grand-mère, cousines et cousins). On ne se nourissait que des produits haïtiens. La cuisine haïtienne est juste formidable. J’avais déjà visité le Japon. J’avais à cœur de visiter Haïti. Bien que j’aie entendu là-bas des commentaires négatifs sur Haïti. J’ai du mal à y croire. C’est pourquoi j’avais une énorme envie de fouler le sol haïtien. J’ai visité la ville de mon père, Jacmel, et autres endroits du pays. J’ai pu constater qu’Haïti est un beau petit pays. Les commentaires négatifs ne réflètent pas la réalité. »

Dessalines Ferdinand
LE FLORIDIEN

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