Année après année, les Haïtiens subissent une hausse croissante de la criminalité sans que l’État ne se saisisse véritablement du problème. Les gangs urbains armés, qui sévissent principalement à Port-au-Prince et dans les grandes agglomérations, se renforcent à mesure que le temps passe. Trafics de drogues et d’armes, rackets et guerres territoriales font partie du quotidien des citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Le meurtre, le vol et les enlèvements sont devenus le modus operandi des groupes criminels qui sévissent parfois avec une violence inouïe. Le nombre d’homicides dans la capitale ne cesse de croître et la rapproche inexorablement des villes les plus dangereuses du continent. Les bandes organisées opèrent souvent par groupe de 3 ou 4 personnes, n’hésitant pas à tuer gratuitement les citoyens qui osent leur résister.

Face à l’aggravation de l’insécurité sur l’ensemble du territoire, la police nationale (PNH), en sous-effectif et sous-équipée, ne peut faire grand-chose pour protéger les Haïtiens et leurs biens. Les experts expliquent cette montée de la violence par la jonction de plusieurs facteurs. Il y’a tout d’abord l’extrême pauvreté dans laquelle vit une grande majorité de la population et qui a poussé bon nombre à prendre le chemin le plus facile, celui des armes. Les nouvelles recrues intégrant les gangs sont quant à elles de plus en plus jeunes. Elles reçoivent la promesse de gagner rapidement de l’argent et subissent au préalable un lavage de cerveau pour les conditionner au crime. À l’instar d’Arnel Joseph qui est devenu une icône du crime organisé, chaque chef de gang a sous ses ordres de jeunes soldats dociles et corvéables à merci.

De l’autre côté, l’État ne fait pas grand-chose pour remédier au phénomène. Le gouvernement Jovenel, de par son incompétence et son manque d’implication dans la résolution du problème grandissant de l’insécurité, n’a fait qu’exacerber la colère de la population. Ce n’est pas avec quelques Tweets envoyés çà et là que le Président de la République va calmer le mécontentement des Haïtiens. Les habitants des quartiers populaires n’ont accès ni à la police ni à la justice. Les légères améliorations constatées lors de la période 2007-2011 ne sont plus qu’un lointain souvenir. Aujourd’hui, le taux d’homicide en Haïti est sept fois supérieur à la moyenne mondiale.

Si Haïti est un des pays les plus inégalitaires dans la répartition des richesses, le même constat peut être fait au niveau sécuritaire. Ainsi, un habitant qui vit dans un bidonville de Port-au-Prince est 40 fois plus susceptible d’être victime d’un homicide qu’un citoyen vivant dans un quartier huppé. Cela montre que même face à la violence, tous les Haïtiens ne sont pas égaux. Et tout cela a un coût. Un enfant de Cité Soleil par exemple qui perd son père a plus de risque d’abandonner l’école faute de moyens. Car au-delà du manque à gagner pour la famille du à la perte du patriarche qui subvenait à leurs besoins, il faut rajouter les frais des funérailles qui peuvent aisément dépasser les 4000$, ainsi que les multiples pots-de-vin qu’il faut verser à la police et aux tribunaux pour faire avancer leur dossier contre les auteurs du crime.

Parallèlement à cela, le monde politique continue d’ignorer cette triste réalité. À part des effets d’annonces qui ne sont là que pour faire un écran de fumée, aucune mesure tangible n’a été adoptée par les différents gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. La corruption gangrène toujours les couloirs des palais de justice et les armes ne cessent d’affluer sous la bénédiction de certains élus qui facilitent leur trafic. Avec un tel cocktail explosif, la mission de la police nationale devient quasi impossible, même avec les meilleures intentions du monde. Et dans pareils cas, il est plus facile pour le crime organisé de proliférer que d’être éradiqué.

Jamais avare de formules grandiloquentes, Jovenel a promis le 28 janvier dernier que les “intellectuels” du crime seront punis par la loi. Il a également invité les jeunes détenteurs d’armes à feu de rendre leur arsenal à la Commission nationale de Désarmement et de Réinsertion (CNDDR), sans condition et dans les plus brefs délais. Faute de quoi, la PNH sévira avec la plus grande sévérité ! On imagine qu’après avoir entendu un tel discours, les jeunes criminels aguerris vont se bousculer à la porte de la CNDDR pour aller remettre leurs colts et leurs kalachnikovs et demander pardon. Tout le monde sait que la politique du bâton sans carotte est vouée à l’échec. Si ces jeunes avaient au moins l’assurance qu’ils auraient en contrepartie de réelles opportunités d’emploi, ou encore des formations socio-professionnelles pouvant faciliter leur réinsertion, alors peut-être que cette mesure aurait pu avoir un effet positif.

Mais une fois de plus, Jovenel a montré sa totale inexpérience et incompétence lorsqu’il s’agit de régler un problème qui touche l’ensemble de la société haïtienne dans sa chair. À croire que le chef de l’État choisit de mettre délibérément le pays dans le chaos pour tirer son épingle du jeu et se maintenir au pouvoir. Alors qu’il avait une majorité confortable au parlement qui lui permettait d’organiser de nouvelles élections, il a préféré garder le satu quo en sachant très bien que cela allait déboucher sur une rupture démocratique et un dysfonctionnement du parlement. Aujourd’hui, il suit la même logique avec cette mise en garde envers les criminels dont il est le premier à douter de son efficacité. Jovenel est devenu un expert dans les solutions-sabotées à l’avance.
DESSALINES FERDINAND

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