Le 25 mai dernier, l’omnipotent président de la fédération haïtienne de football, Yves Jean-Bart, qui occupe ce poste depuis 2000, a été provisoirement démis de ses fonctions par la FIFA à la suite de soupçons d’abus sexuels sur de jeunes joueuses, notamment des mineures. Afin de mener à bien son enquête, la FIFA a récemment décidé de prolonger la suspension de l’ex-président de 3 mois supplémentaires. Lorsque les premières révélations ont été publiées par le journal anglais Le Gardian, cela a fait l’effet d’électrochoc sur le monde du football haïtien, alors que celui-ci était sur une pente ascendante et connaissait ces dernières années une certaine embellie au niveau des performances. Bien que Yves Jean-Bart, 73 ans, continue de nier une quelconque implication dans les faits qui lui sont reprochés, ce scandale tombe au plus mal et risque de ternir pendant longtemps l’image des instances dirigeantes du football haïtien.

En outre, de nouveaux noms au sein de la fédération ont commencé à circuler dernièrement pour leur éventuelle implication dans ce scandale qui prend décidément de plus en plus d’ampleur. La FIFA enquête notamment sur l’ancien arbitre international Rosnick Grant, qui est devenu par la suite président de la commission nationale des arbitres (CONA) et vice-président la FHF. Deux autres noms sont également dans le collimateur des investigateurs de la FIFA, à savoir Garry Nicolas, un autre vice-président, ainsi que Fenelus Guerrier qui occupe depuis un certain temps le poste de secrétaire exécutif. D’autres cadres de la fédération ont également été suspendus, comme le directeur technique Wilner Etienne, ainsi que Nella Joseph qui est la superviseuse (rabatteuse?) des filles au Centre Technique National de la FHF à Croix-des-Bouquets, le lieu d’où est parti ce scandale sans précédent.

D’après les premiers éléments de l’enquête qui nous sont parvenus, le Président de la CONA, Mr Grant, aurait intimidé de jeunes filles en les menaçant de briser leur carrière si elles n’acceptaient pas d’avoir des relations sexuelles avec lui. Une des victimes parle d’un harcèlement continu de la part de Grant qui use de son pouvoir pour obtenir des faveurs charnelles. Toujours d’après le témoignage des présumées victimes, certaines filles qui passaient les tests de sélection avec succès n’étaient pas sélectionnées si elles refusaient les avances de Mr Grant, alors que d’autres le sont sans même avoir à passer le test. Grant a un tel pouvoir de par sa fonction que tout passe par lui. N’importe quelle fille qui veut faire carrière dans l’arbitrage est tributaire de son bon vouloir. Il avait pour habitude d’emmener les filles dans des hôtels, ou même chez lui, pour abuser d’elles, en leur promettant monts et merveille en échange, que ça soit un bon poste d’arbitre, de l’argent, ou même un visa pour les États-Unis. D’après les dires d’une des victimes, Grant gardait aussi les passeports des filles pour les faire chanter, sachant qu’un visa pour les États-Unis représente beaucoup pour ces jeunes à la recherche de meilleures opportunités.

Le pire, c’est que l’on soupçonne aussi Grant ‘’d’offrir’’ des filles à certains responsables de la FIFA qui se rendaient à Port-au-Prince pour des séminaires. Cela explique peut-être pourquoi la FIFA a été si diligente à mener une enquête approfondie. Car si ces soupçons se révèlent véridiques, l’onde de choc pourrait être ressentie jusqu’à Zurich en Suisse, là où se trouve le siège de la FIFA. Pendant ce temps, le gouvernement haïtien est aux abonnés absents. À part quelques annonces de formalité pour condamner toute forme d’abus, il ne semble nullement pressé de faire accélérer l’enquête. Peut-être parce qu’il était au courant de ce qui se passait au sein de la fédération et qu’il n’a rien fait ? La question reste ouverte.

Toujours est-il, ce scandale qui secoue en ce moment le monde du ballon rond haïtien va certainement remettre en cause le fonctionnement de notre fédération de football. Ses hauts responsables se sont certainement crus inamovibles, et donc intouchables, après avoir passé autant d’années à la tête de la FHF. Yves Jean-Bart, Grant et compagnie ont peut-être cédé aux sirènes de l’autoritarisme dans leur gestion, avec les dépassements que l’on connaît aujourd’hui. Bien entendu, on ne peut encore tirer de conclusion hâtive tant que l’enquête n’aura pas été totalement bouclée. Mais comme il n’y a jamais de fumée sans feu, on peut d’ores et déjà dire que la situation semble très mal engagée pour l’ex-Président de la FHF et son adjoint, surtout depuis que la FIFA a décidé de prolonger la suspension pour encore 90 jours. De l’autre côté, les filles sont un peu plus rassurées, maintenant que leurs cris longtemps étouffés ont finalement été entendus.

Stéphane Boudin

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