(Le Floridien) – Le procureur général d’Haïti a déclaré mardi qu’il existait des preuves liant le premier ministre en exercice à l’assassinat du président Jovenel Moïse, et lui a interdit de quitter le pays jusqu’à ce qu’il réponde aux questions à ce sujet. La semaine dernière déjà, le procureur avait convoqué le premier ministre Ariel Henry pour qu’il vienne s’expliquer sur les contacts qu’il a eus avec l’un des principaux suspects de l’assassinat. Les relevés téléphoniques montrent en effet que M. Henry a parlé avec le suspect – Joseph Badio, un ancien fonctionnaire – dans les heures qui ont suivi le meurtre de M. Moïse dans sa résidence près de Port-au-Prince. M. Henry est de loin la personnalité la plus éminente à être visée par l’enquête sur le meurtre de Moïse et qui a conduit à l’arrestation de plus de 40 personnes, mais qui n’a guère permis de savoir qui a vraiment ordonné et payé le meurtre du président – et surtout pourquoi.

Parmi les personnes arrêtées figurent les agents de sécurité de M. Moïse, des hommes d’affaires, trois Américains d’origine haïtienne et 18 mercenaires colombiens accusés d’avoir mené l’assaut contre la résidence de M. Moïse. La police a également émis une douzaine de mandats d’arrêt supplémentaires, dont un pour M. Badio, que les autorités haïtiennes accusent d’avoir armé et dirigé les mercenaires colombiens la nuit de l’attaque. Mais alors que l’enquête ralentissait et que les principaux suspects disparaissaient de la circulation, une lutte de pouvoir politique a tout d’un coup relancé la machine judiciaire pourtant connue pour être très lente et inefficace. Des factions d’élite concurrentes utilisent le meurtre de M. Moïse pour attaquer leurs adversaires, ce qui fait craindre à de nombreux Haïtiens que justice ne soit jamais rendue pour un crime qui a laissé la nation à la dérive.

Le procureur a voulu serrer l’étau sur Ariel Henry en l’empêchant de quitter le territoire. Sans attendre, le bureau du Premier ministre a qualifié l’interdiction de voyager d’illégale et de “théâtre politique”, et a déclaré qu’il n’avait pas été directement informé de cette décision par le procureur Bed-Ford Claude. Il n’est pas certain que le procureur, M. Claude ait l’autorité de mener l’enquête et d’exiger l’interrogatoire de M. Henry ou de l’inculper dans l’assassinat. Qui plus est, la loi haïtienne interdit aux responsables judiciaires de poursuivre des hauts fonctionnaires sans l’autorisation du chef de l’État, position qu’occupe actuellement M. Henry. Ce dernier n’a d’ailleurs pas tardé à bomber le torse et à répliquer en limogeant sans attendre le procureur qui voulait l’inculper. Une bataille qui ne fait que commencer et qui annonce déjà la couleur de ce qui attend les haïtiens au cours des prochaines semaines.

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