Lors des dernières élections présidentielles, Biden était venu en personne demander l’appui de la communauté haïtienne pour voter massivement pour lui. On se rappelle tous du jour où il a débarqué à Little Haïti accompagné de sa femme, et où il s’est agenouillé au ‘Little Haiti Cultural Center’ pour montrer toute sa solidarité et son soutien à la communauté haïtienne. Sur fond de musique rara, Biden disait à quel point le vote de chacun était important, surtout dans un État comme la Floride où Trump maintenait une certaine avance.

Les Haïtiens ont donné leur parole, et ils l’ont tenue. Le jour du vote, ils ont été nombreux à aller soutenir Biden. Celui-ci sera triomphalement élu quelques jours plus tard (bien qu’il ait perdu la Floride) malgré les tentatives désespérées de Trump de garder le pouvoir, un peu comme font les dirigeants autoritaires des républiques bananières. À peine entré à la Maison Blanche, Biden a lancé des signes positifs envers la communauté haïtienne. Il a ainsi mis un moratoire sur les expulsions des sans-papiers haïtiens. Mieux, il a demandé à son équipe d’engager une réflexion de fond pour réformer une politique migratoire devenue obsolète et inadaptée aux réalités d’aujourd’hui. Aux familles vivant sous le statut TPS, là encore, il y avait bon espoir qu’ils bénéficient de la Green Card, première étape avant une naturalisation en bonne et du forme. Bref, tout semblait aller dans la bonne direction.

Mais après le tremblement de terre du 14 août qui a secoué Haïti, les données allaient radicalement changer. Beaucoup d’Haïtiens ont décidé de prendre la route de l’exile, surtout que la communauté internationale tardait à leur venir en aide. Un contingent de nouveaux migrants a donc réussi à atteindre les pays d’Amérique du Sud pour rejoindre d’autres Haïtiens présents sur place depuis des mois, voire des années. Le grand périple migratoire pouvait alors commencer.

Encouragés par les réseaux sociaux qui transmettent des fakes news sur l’ouverture des frontières américaines, beaucoup de migrants haïtiens en sont arrivés à la conclusion que c’était le bon moment de faire le grand saut et d’essayer de rejoindre le territoire américain. La politique flexible de Biden sur les questions migratoires a également créé un appel d’air, encourageant ceux qui hésitaient encore à se joindre au mouvement. Ainsi par exemple, certaines familles qui vivaient au Chili depuis des années ont décidé de tout laisser derrière eux pour aller tenter leur chance du côté des États-Unis. Mal leur en a pris!

Voyant une vague migratoire sans précédant déferler sur le territoire tel un tsunami, Biden a pris peur. Il s’est dit que peut-être sa politique migratoire voulue plus souple a engendré de faux-espoirs chez les personnes qui avaient en tête de rejoindre les États-Unis un jour ou l’autre. Sous la pression des Républicains et des médias, Biden a donc effectué un virage à 180 degrés. Il est ainsi devenu plus ‘Trumpiste’ que Trump lui-même au sujet des sans-papiers. Les expulsions d’Haïtiens se sont dès lors accélérées à un rythme jamais vu auparavant. Une façon de montrer aux candidats à l’immigration clandestine qu’ils n’ont aucune chance de s’installer aux États-Unis, et qu’ils seront d’une façon ou d’une autre ramenés à leur pays d’origine. Politicien froid et aguerri, Biden a appliqué sans état d’âme une stratégie inhumaine et sévère, alors que la situation en Haïti est chaotique et ne permet pas d’accueillir les familles déportées dans de bonnes conditions. Certes, il est prévu une aide pour ‘compenser’ le mal affligé à des familles déportées qui retournent en Haïti complètement fauchées avec nulle part où aller. Mais ces aides promises restent largement insuffisantes et couvrent à peine les besoins vitaux pour quelques jours tout au plus.
Mais la principale question qui taraude les esprits, c’est pourquoi l’administration Biden s’acharne sur les Haïtiens plus que sur n’importe quelle autre nationalité? On n’entend jamais parler d’expulsions massives lorsqu’il s’agit des Vénézuéliens, des Cubains ou encore des Mexicains. Pourquoi une telle injustice? Pourquoi cibler une communauté spécifique?

La réponse est à chercher du côté d’Haïti qui ne dispose pas d’un gouvernement légitime pour défendre les intérêts de ses enfants où qu’ils soient. Biden a donc préféré s’attaquer aux plus faibles pour montrer à l’opinion publique américaine qu’il est dans l’action et qu’il contrôle la situation. En expulsant les Haïtiens vers leur pays d’origine, il ne sait que trop bien qu’Ariel Henry ne lèvera pas le petit doigt pour protester, puisque c’est un peu grâce aux américains qu’Ariel a pu accéder au pouvoir. Malheureusement, dans cette équation politique à plusieurs variables, c’est les citoyens qui paient une fois de plus la note. Manque de chance, même la diaspora haïtienne établie en Floride, engluée dans une crise économique sévère liée au Covid-19, n’a pas été à la hauteur de la situation. Lorsque les déportations de masse ont commencé, la réaction de la communauté haïtienne fut timide, pour ne pas dire quasi-absente. Ce n’est que lorsque les images scandaleuses des migrants maltraités ont commencé à circuler dans les médias qu’un mouvement de solidarité s’est enclenché pour sauver ce qui pouvait encore l’être.
Toujours est-il, on s’en prenant aux migrants haïtiens de la sorte, Biden a détruit en à peine quelques jours le capital confiance que les haïtiano-Américains avaient placé en lui. Et dire qu’on était contents de tourner le sombre mandat de Trump. Voilà que Biden affiche un visage qu’on ne lui connaissait, décevant au passage un grand nombre de ses soutiens parmi notre communauté. Comme on dit, l’habit de ne fait pas toujours le moine.

Stéphane Boudin

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