Depuis que Biden est arrivé au pouvoir, il n’a pas fait de cadeau aux migrants haïtiens qui arrivent sur le territoire américain par bateau, ou à pied en traversant la frontière sud avec le Mexique. Son administration a ainsi pris une série de mesure pour endiguer ce phénomène migratoire qui ne cesse de s’accentuer au fil des mois. Malgré cela, les migrants haïtiens continuent d’affluer vers les États-Unis, par mer ou par terre, en espérant offrir une vie meilleure à leurs enfants. Beaucoup risquent leur vie et sont prêts à tout pour toucher le rêve américain, engendrant un drame humanitaire de grande ampleur qui ne semble pas émouvoir outre mesure les autorités américaines. Heureusement, la diaspora haïtienne ne cesse de se mobiliser pour sensibiliser l’opinion publique à la cause de milliers de familles désespérées qui ne demandent rien de plus que de pouvoir vivre dignement et en liberté, loin de la violence et de la précarité.

Haïtiens V.s Ukrainiens, deux poids, deux mesures

Le 24 février dernier, Vladimir Poutine lançait les troupes russes pour envahir l’Ukraine voisine à la surprise générale. En effet, malgré les alertes des services de renseignement américain, personne ne croyait que Moscou allait franchir le pas et embarquer dans un conflit à l’issue incertaine. Conséquence, des millions de citoyens ukrainiens ont dû prendre le chemin de l’exil vers les pays européens limitrophes. On parle de 5 millions de déplacés. Du jamais vu sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale.

Face à cela, l’administration Biden a décidé, en urgence, de faciliter l’accueil de 100 000 réfugiés ukrainiens. Parallèlement à cela, Washington a débloqué une aide de 1 milliard de dollars pour aider les pays voisins de l’Ukraine qui accueillent les réfugiés. Un soutien rapide et généreux envers les Ukrainiens qui n’a pas échappé aux Haïtiens-Américains qui ne comprennent pas pourquoi le gouvernement traite les migrants haïtiens avec mépris alors que les Ukrainiens, qui se trouvent pourtant à l’autre bout de l’océan, reçoivent autant d’attention. Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Pourquoi les Haïtiens, qui eux aussi font face à la violence des gangs, aux meurtres et aux enlèvements, ne sont pas traités de la même manière?

Lorsqu’on pose la question à une militante haïtienne des droits de l’homme établie en Floride, cette dernière, qui a préféré garder l’anonymat, n’hésite pas à parler de racisme institutionnel. Pour elle, la souffrance du caucasien est supérieure à celle d’autres ethnies jugées comme ‘inférieures’.

Autrement, comment expliquer que les États-Unis d’Amérique, de surcroit le pays le plus riche au monde, continuent à tourner le dos à Haïti qui se trouve à seulement quelques centaines de kilomètres de ses côtes, alors qu’ils se sont empressés d’aller porter assistance à des européens situés à l’autre bout du monde. Comment d’un côté, on refoule sans ménagement des familles entières, avec femmes et enfants en bas âge, et de l’autre côté, on accorde l’asile quasi automatique aux demandeurs blonds aux yeux bleus? Comment d’un côté, on continue d’appliquer une règle sanitaire controversée instaurée par Trump pour expulser les sans-papiers haïtiens, alors que les Ukrainiens eux en sont exemptés? Cela voudrait dire que les Haïtiens sont des vecteurs de propagation du virus alors que les Ukrainiens développent naturellement des anticorps protecteurs. Devant une telle absurdité, il y a de quoi se révolter.

Pour leur part, les médias semblent eux aussi suivre les mêmes pas de danse, embarquant tête baissée dans le mélodrame ukrainien, alors que la tragédie haïtienne qui perdure depuis des années ne bénéficie que rarement d’une telle couverture médiatique. Les médias américains suivent d’ailleurs le (mauvais) exemple de leurs homologues européens qui ont été pris la main dans le sac à traiter deux conflits similaires de manière totalement différente. Ainsi, les Ukrainiens fuyant la guerre sont qualifiés de ‘réfugiés’, alors que les Syriens qui ont quitté leur pays dans les mêmes circonstances ont été tagués comme des ‘migrants’.

La diaspora soutient les migrants contre vents et marrées

Après l’injustice et les violences subies dans leur pays d’origine, les réfugiés haïtiens ne se doutaient pas qu’ils allaient être accueillis par la froideur tout aussi inhumaine de l’administration Biden. Heureusement, la diaspora haïtienne établie aux États-Unis, notamment en Floride, n’est pas restée les bras croisés. Après les images dures des traitements inhumains qu’ont subis les migrants haïtiens à la frontière mexicaine et qui ont scandalisé le monde, la communauté haïtienne établie aux États-Unis s’est levée comme un seul homme pour venir en aide à ce qu’elle considère non pas comme des migrants, mais des réfugiés.

Et le lobbying soutenu des Haïtiennes-Américains semble porter ses fruits puisque l’administration Biden vient d’abroger le titre 42 établi par Trump et qui donnait un prétexte au gouvernement américain pour expulser les Haïtiens sans-papiers. En effet, une ordonnance vient d’être publiée stipulant que le titre 42 ne sera plus appliqué à partir du 23 mai prochain. Mais la communauté haïtienne ne se fait pas d’illusions et sait très bien que le gouvernement américain trouvera une autre alternative pour continuer à expulser rapidement les réfugiés haïtiens.

Cela explique pourquoi la diaspora haïtienne continue à être vigilante et ne baisse pas les bras tant le sort des sans-papiers haïtiens sur le sol américain ne sera pas réglé de façon claire. Ainsi, la militante Marleine Bastien, qui occupe le poste de directrice exécutive de la Family Action Network Movement (FANM), a déclaré que “Nous sommes encouragés par la future annulation du titre 42, mais nous savons que ce n’est pas la fin de notre combat ».

La congresswoman d’origine haïtienne Cherfilus-McCormick va dans le sens et estime que le traitement dont font face les Haïtiens est injuste : “Nous voyons que la terreur qui se déroule en Haïti est une terreur similaire à ce que nous voyons dans d’autres régions et que d’autres pays se voient accorder l’asile, mais pourtant, la communauté haïtienne se voit toujours refuser l’asile dans ces circonstances”.

Les haïtiens de Floride lancent un dernier avertissement à Biden

En politicien chevronné, Biden connaît l’importance de la communauté haïtienne sur le plan électoral, surtout que la Floride joue un rôle clé durant les élections présidentielles, mais aussi lors des élections de mi-mandat. Or, l’actuel locataire de la Maison-Blanche dispose d’une très courte avance dans les deux chambres qui pourrait disparaître. Il suffit pour cela qu’un seul siège bascule dans le camp des républicains pour que Biden perde sa majorité, et par la même occasion sa capacité à gouverner plus librement et à mettre en œuvre son programme.

Les Haïtiens ne demandent pas la lune. Ils veulent juste être traités sur le même pied d’égalité que les autres nationalités qui demandent l’asile, notamment les Ukrainiens, les Cubains ou les Russes qui voient leurs demandes accélérées et souvent acceptées, alors que les Haïtiens eux, subissent la déportation quasi systématique. Et même lorsque leurs dossiers sont étudiés, les réfugiés haïtiens sont parqués dans des centres dans des conditions horribles et dégradantes. Ainsi, il n’est pas rare qu’on leur serve des plats qui contiennent des vers ou des cafards. Sous prétexte qu’ils sont des réfugiés, on piétine allègrement leurs droits les plus élémentaires.

En attendant que les choses s’améliorent, la communauté haïtienne continue à soutenir les nouveaux venus pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés. Ainsi, plusieurs organisations leur apportent une assistance juridique, un soutien psychologique, ou encore les aident à trouver un logement décent en attendant la régularisation de leur situation.

Quant à Biden, un an après son investiture, son bilan vis-à-vis des Haïtiens est très négatif. À lui de prendre les bonnes décisions pour redorer son blason auprès de l’électorat haïtien, autrement, même s’il revenait s’agenouiller à Little Haïti pour quémander nos voix, il ne les aura pas cette fois-ci.

Dessalines Ferdinand / LE FLORIDIEN, 15 avril  2022

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