Depuis quelques semaines, les cris d’alarme se succèdent sur la situation en Haïti. Les Nations-Unies, à travers leur Secrétaire général Antonio Guterres, ont exprimé leurs vives inquiétudes quant à la dégradation de la situation sur place. Crise économique profonde, guerre des gangs, instabilité politique, autant de problèmes auxquels est venue s’ajouter une nouvelle crise sanitaire avec l’apparition de cas de choléra liés à l’insalubrité et à la misère dans laquelle vit une grande partie de la population. Face à cela, la diaspora essaie de s’organiser pour sauver ce qui peut l’être. Mais la tâche s’annonce plus que difficile.

Lorsque l’on regarde les médias et qu’on analyse les informations véhiculées sur Haïti, on se rend compte assez rapidement que les seules personnes qui se préoccupent vraiment d’Haïti, ce sont les Haïtiens de l’étranger. En effet, la communauté internationale se contente d’établir des diagnostics, mais sans apporter véritablement de solutions concrètes. Les États-Unis, dans une sorte d’hypocrisie à laquelle on est désormais coutumier, ne veulent pas s’investir dans ce qu’ils considèrent comme un nouvel ‘Afghanistan’. En effet, toute intervention militaire serait perçue comme un risque politique majeur, surtout à l’approche des élections de mi-mandat. Aussi bien les Républicains que les Démocrates considèrent le cas haïtien comme un piège à éviter, voire à oublier au plus vite. En somme, les Haïtiens n’ont qu’à régler leurs problèmes entre eux.

À l’instar des États-Unis, les Nations-Unies ont également une dette envers Haïti, surtout après l’intervention calamiteuse des Casques bleus qui a suivi le séisme de 2010. Mais là encore, l’ONU ne veut pas se lancer dans une aventure dont l’issue serait incertaine, d’autant plus que la situation sur place est bien plus complexe qu’il y’a dix ans. En effet, avec la prolifération des armes à feu et des gangs, les soldats de l’ONU seraient pris pour cible en devenant un ennemi de choix pour les organisations criminelles qui ne manqueront pas de chercher l’appui de la population contre ces nouveaux ‘envahisseurs’. Autant dire que sans soutien de la population locale, toute intervention onusienne a de fortes chances d’échouer. C’est là un des principaux obstacles à une MINUSTAH 2.

Au final, presque tous les regards sont actuellement tournés vers la communauté haïtienne de l’étranger. Celle-ci dispose des ressources humaines et financières pour venir en aide à Haïti. La diaspora dispose des réseaux et des appuis nécessaires pour mobiliser l’opinion internationale. Que ce soit les artistes, les politiciens ou encore les sportifs, chacun peut apporter sans contribution pour parler d’Haïti et pousser la communauté internationale à s’impliquer davantage. Sauf que ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait.

En effet, quand bien même la diaspora arrive à mobiliser l’argent nécessaire pour insuffler un nouveau départ à l’économie haïtienne, il reste à sécuriser et à pacifier le pays. Et pour cela, une force d’intervention militaire est indispensable. On voit mal comment les gangs qui ont proliféré ces dernières années voudront mettre de côté leurs armes pour se reconvertir dans des activités plus légales. Il faudrait un véritable programme d’insertion qui soit ambitieux et inclusif pour espérer une sortie de crise à court terme.

La diaspora haïtienne n’a pas vocation à intervenir militairement, ni même à mandater un État ou une organisation étrangère pour le faire en son nom. Et c’est là toute l’ambigüité du cas haïtien. Pour trouver l’origine du mal, il faut remonter à l’ère post-Duvalier, où des clans et des milices semi-politiques se sont constitués pour contrôler le pays. Des bandes comme les ‘chimères’ ont alors vu le jour, semant le désordre et le chaos dans notre pays qui sortait de plusieurs décennies de dictature sanguinaire. Pire, l’intervention internationale, au lieu de régler le problème, n’a fait que l’accentuer, puisque les stocks d’armes des troupes internationales se sont retrouvés entre les mains des criminels qui n’espéraient pas un tel cadeau. À partir de là, la suite ne pouvait être que sombre.

Cela fait des années que la communauté internationale essaie de traiter avec la classe politique haïtienne pour sauver Haïti. Sauf que la classe politique haïtienne fait partie du problème et non de la solution. Il conviendrait plutôt de privilégier une task force constituée d’éminentes personnalités haïtiennes de l’étranger, pour la simple raison que la diaspora n’est pas mouillée dans les manigances et les combines des dirigeants qui se sont succédé à la tête de notre pays depuis plus de 30 ans. Le jour où la communauté internationale comprendra cela, alors, Haïti aura peut-être une chance de s’en sortir. La neutralité, la bienveillance, et surtout l’amour que la diaspora porte pour Haïti est un atout majeur qu’il ne faut pas sous-estimer. On a perdu assez de temps à chercher des solutions compliquées et inapplicables. Maintenant, il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.

Stéphane Boudin

515-CITYMIRAMAR

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