Le gouvernement américain vient de décider le prolongement du Statut de protection temporaire, plus connu sous le nom de TPS, en faveur de six nationalités parmi lesquelles Haïti. Sauf que la communauté haïtienne commence à s’impatienter face à ces prolongements à répétition qui n’aident pas les migrants haïtiens à sortir de la précarité, et encore moins à pouvoir se projeter dans l’avenir étant en permanence sous la menace d’une expulsion future.

Le TPS sera prorogé jusqu’à mi-2024

La nouvelle a certainement soulagé un grand nombre de nos compatriotes établis aux États-Unis de manière temporaire. En effet, le gouvernement américain a décidé de prolonger le statut de ‘migrant protégé’ pour les ressortissants de 6 pays, à savoir : Haïti, mais aussi le Salvador, le Soudan, le Nicaragua, le Honduras et le Népal. Concrètement, les citoyens qui bénéficient actuellement du TPS ne seront pas inquiétés jusqu’au 30 juin 2024. 2 ans de répit donc, mais un répit de courte durée car 2 ans, ça passe très vite!

Il va s’en dire que ce prolongement est plus politique qu’humanitaire. Biden veut ainsi montrer aux Haïtiens qu’il a tenu les promesses faites au Centre Culturel de Little Haïti, quand il était venu en catastrophe avec sa femme pour courtiser les précieuses voix des Haïtiens lorsque son équipe s’est rendu compte, tardivement, que Trump commençait à prendre de l’avance en Floride. En effet, lors de la visite de Biden le 5 octobre 2021, il a ramené dans ses valises un tas de promesses pleines d’optimisme pour la communauté haïtienne : régularisation pour les migrants sans-papiers, soutien à la démocratie et à la stabilisation d’Haïti, emploi…. Comme toujours, le candidat démocrate à la Maison-Blanche a promis monts et merveilles aux haïtiens de Floride pour qu’ils votent pour lui.

Aujourd’hui, son équipe annonce avec grand bruit que le TPS sera prolongé. Une façon de transformer ce qui est normal en quelque chose d’exceptionnel. Car oui, quoi de plus normal que de ne pas expulser des enfants, des femmes et des hommes vers un pays en proie à une guerre civile qui ne dit pas son nom. Les États-Unis ont le devoir moral de soutenir Haïti et ses citoyens qui traversent une période particulièrement difficile. Prolonger le TPS est le minimum que cette administration pouvait faire envers les Haïtiens. Il n’y a donc pas de quoi s’en vanter, surtout que cela ne règle pas le fond du problème, à savoir le statut de tous ces migrants une fois que le TPS arrivera à expiration en juin 2024.

La communauté haïtienne en position de force face à Biden

Alors que les élections de mi-mandat viennent de s’achever, les démocrates poussent un ouf de soulagement après que les sondages les donnaient grands perdants face à une vague républicaine qui allait prendre à la fois le Congrès et le Sénat. Aujourd’hui, Biden est sûr de conserver le Sénat, alors que le Congrès reste incertain, même si les républicains sont en ballotage favorable. Mais la ‘victoire’ étriquée des démocrates sonne comme un avertissement des Américains qui donnent une dernière chance au gouvernement en place pour redresser le pays et combattre l’inflation. Autrement, les prochaines élections présidentielles risquent de se transformer en un véritable camouflet pour Biden et son équipe. Ce dernier sait bien que le plus dur reste à venir. À tel point qu’il a reconnu récemment qu’il n’a pas encore pris sa décision quant à la possibilité de se représenter pour un second mandat lors des élections de 2024. En effet, si rien ne change d’ici là, on peut légitimement s’attendre à un raz-de-marée républicain.

Le principal danger ne vient pas de Trump, mais de Ron DeSantis que les médias considèrent comme le véritable vainqueur des midterms et le probable futur adversaire des démocrates aux prochaines élections présidentielles. En effet, en étant réélu sans ambiguïté en Floride, DeSantis a fait un pas de plus vers la Maison-Blanche en se posant comme le rassembleur d’un parti républicain divisé entre les Trumpiste et les anti-Trump. La nouvelle star montante a d’ailleurs eu le don d’irriter Trump qui n’a pas manqué de le critiquer pour le décrédibiliser, mais sans succès apparent.

Cette nouvelle donne de l’échiquier politique ouvre une opportunité en or pour la communauté haïtienne. En effet, la Floride sera certainement un État clé lors des prochaines élections (swing state). Et les démocrates, tout comme les républicains, auront intérêt à courtiser dès maintenant le vote haïtien. Or, les demandes de la communauté haïtienne sont claires : accorder la résidence permanente (Green Card) aux Haïtiens bénéficiant du TPS, et s’impliquer davantage dans la crise haïtienne pour aider le pays à sortir du chaos dans lequel il se trouve actuellement.

Les migrants haïtiens méritent un meilleur traitement

Tous les migrants haïtiens arrivés aux États-Unis de manière illégale n’aspirent qu’à une chose, vivre paisiblement dans leur nouveau pays d’accueil. L’histoire récente a montré que les Haïtiens font partie des communautés les mieux intégrées aux États-Unis. Il n’y a donc aucune raison logique pour que l’Amérique ferme la porte à des citoyens issus d’un pays avec lesquels elle a tissé des liens anciens, quoique pas toujours faciles. Les États-Unis ont toujours été une terre d’accueil et d’opportunités. C’est aussi le pays qui aime promouvoir des valeurs universelles telles que la liberté et le respect les droits de l’homme. Voilà donc l’occasion pour l’Amérique de prouver qu’elle ne se contente pas d’exiger que ces valeurs soient respectées par d’autres pays, mais qu’elle les applique elle-même sur son propre sol.

Pour mémoire, le TPS a été instauré pour les Haïtiens suite au tremblement de terre de 2010 qui avait ravagé le pays et laissé des centaines de milliers de gens dans la rue. Cela fait donc plus de 10 ans que les Haïtiens bénéficient de ce statut provisoire. Or, on ne peut se projeter dans l’avenir et vivre sereinement si on n’a pas de visibilité. En d’autres termes, le provisoire n’a pas vocation à s’éterniser. On peut comprendre que les États-Unis ne veulent pas ouvrir les vannes pour éviter de créer un appel d’air des autres Haïtiens restés au pays et qui voudront eux aussi tenter leur chance. D’où la deuxième demande de la communauté haïtienne établie aux États-Unis qui milite pour une plus grande implication de l’administration américaine dans la résolution de la crise que traverse Haïti.

Le gouvernement américain doit comprendre qu’il est de leur intérêt à ce qu’Haïti retrouve la stabilité et la prospérité. Il est donc important de s’attaquer au problème haïtien au plus vite avant que la situation ne devienne insoluble. Pour cela, la communauté haïtienne est disposée à servir de facilitateur étant donné qu’elle connaît bien son pays d’origine et sait comment les choses fonctionnent sur le terrain.

En somme, on peut dire que le prolongement du TPS est une bonne nouvelle, mais que cela reste largement insuffisant. Biden devrait saisir l’opportunité de s’attaquer au problème haïtien de manière sérieuse et non superficielle. En aidant Haïti à se relever, il n’aura même plus besoin de prolonger le TPS, ni même à repousser les migrants haïtiens aux frontières, car les Haïtiens aiment leur pays par-dessus tout et n’imagineraient pas un instant vivre ailleurs si la situation était calme et paisible.

Dessalines Ferdinand
Le Floridien, 15 novembre 2022

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