Le nouveau Premier ministre haïtien est un homme au parcours atypique qui a pris ses fonctions dans des circonstances singulières. Censé être le nouveau visage d’un gouvernement de transition, il a été choisi par Jovenel Moïse pour accompagner notre pays vers des élections présidentielles et législatives libres et transparentes. Contrairement à ses prédécesseurs, Ariel Henry est considéré comme un homme de consensus puisque c’est un des rares à ne pas avoir d’ennemi sur la scène politique. C’est ainsi qu’il est devenu 7e et dernier Premier ministre de Jovenel qui sera assassiné le jour même où Ariel devait prendre ses fonctions.

Derrière ses lunettes de premier de la classe, Ariel Henry a eu une carrière politique et académique à la fois riche et discrète. Âgé aujourd’hui de 71 ans, il est diplômé de la faculté de médecine de Montpellier en tant que médecin en neurophysiologie et neuropathologie. De retour au pays après une maitrise en santé publique, Ariel Henry exerce à l’hôpital d’État d’Haïti entre 1987 et 1996. Il a également été consultant en neurochirurgie pour enfants handicapés de Saint Vincent entre 1987 et 2010. Au niveau universitaire, Henry a enseigné la neurologie à la faculté de médecine de l’UEH à partir de 1990, puis à l’université Quisqueya entre 1999 et 2010. Son parcours académique en tant qu’enseignant l’a aussi conduit à devenir tuteur au programme hors campus à l’université Loma Linda en Californie.

Sur le plan politique, la carrière d’Ariel Henry a été plutôt discrète, ce qui explique qu’il soit peu connu des Haïtiens. Henry s’est approché timidement du monde politique en 2004 en faisant partie du conseil des sages chargé de nommer un nouveau chef de gouvernement après le coup d’État contre Aristide. Par la suite, Henry devient membre du cabinet du ministre de la Santé avant de prendre la tête de ce même cabinet.

En 2015, Ariel Henry rejoint pour la première fois une équipe gouvernementale en devenant ministre de l’Intérieur sous Evans Paul et Michel Martelly. Il va occuper ce poste durant 7 mois. Un mandat court certes, mais suffisant pour se familiariser avec les arcanes du pouvoir et ses codes. La même année, il prend la tête du ministère des Affaires sociales et du Travail pendant encore 6 mois dans un pays qui connaît un chômage stratosphérique et aucune couverture sociale.

Après ces brèves expériences ministérielles, Ariel Henry replonge dans l’anonymat avant d’en ressortir de manière retentissante en étant catapulté Premier ministre par Jovenel Moïse. Considéré comme un sage parmi les sages, Ariel Henry a été nommé à la tête d’un nouveau gouvernement avec pour mission de collaborer avec le Conseil électoral provisoire pour mener à bien les prochaines échéances électorales. L’ex-président l’a aussi mandaté pour essayer de convaincre les citoyens d’adhérer en grand nombre à la nouvelle constitution qui doit être adoptée par référendum. Sauf que le destin a rebattu les cartes, propulsant du jour au lendemain Ariel Henry à la tête d’un pays sans gouvernement, ni Président, ni Parlement.

Après une courte période de flottement où Claude Joseph a tenté sans réussir de jouer les troubles fête pour conserver son poste de Premier ministre provisoire, Ariel Henry, soutenu par la plupart des grandes puissances, a fini par avoir gain de cause et a repris ce qui lui était du sans effusion de sang. Le calme olympien d’Ariel Henry a été salué par de nombreux observateurs qui craignaient de nouvelles divisions qui auraient pu plonger le pays dans un chaos irréversible. Ariel Henry a su rester ferme dans ses positions tout en se gardant d’employer un ton provocateur qui aurait braqué ses adversaires dans la course au pouvoir. En fin diplomate et bon négociateur, il a favorisé une sortie de crise en douceur pour que tous les protagonistes puissent sauver la face. C’est ainsi que Claude Joseph a pu récupérer son ancien poste de ministre des Affaires étrangères.

Une fois confirmé à la tête du pays, le poste de Président étant toujours vacant, Ariel Henry doit maintenant faire face à de nombreux défis. Le premier test auquel il a eu droit est lié à dame nature qui a envoyé coup sur coup un tremblement de terre dévastateur suivi d’une puissante tempête tropicale. En meneur d’hommes, Ariel Henry a fait le tour des régions sinistrées pour galvaniser les troupes et remonter le moral des secouristes et du personnel soignant qui travaille dans des conditions particulièrement difficiles. Il a aussi voulu montrer à la population qu’il entend ses souffrances et qu’il va tout faire pour les apaiser.

Mais entre volonté et action, il y a un océan qu’il va falloir traverser à la nage. Ariel Henry devra réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, à savoir bien gérer l’aide internationale pour éviter les déperditions et les détournements qui privent les Haïtiens de ce qui leur est destiné. À moyen terme, Ariel Henry devra sécuriser le pays et rétablir la confiance avec la population pour espérer une participation massive aux prochaines élections. Des élections libres et transparentes semblent être le seul remède pour sortir notre pays de sa léthargie qui n’a que trop duré. Autrement, Haïti tombera dans l’abîme, et cette fois, il lui sera difficile d’en sortir.

Stéphane Boudin

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